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RÉFORME. DOCTRINES, SOURCES DE LA FOI


Le cardinal Nicolas de Cusn, Paris, 1020 ; Villnri, Nicolo Machiauelli, -Ie éd., Milan, 1027 ; du même, Geschiehle Gimlamo Savonarolas, Leipzig, 1868 ; Walther, Die deulsche Bibelùberseizung des Mitteldlters, Brunswick, 1880-1802 ; du même, LlUhers deulsche Bibel, Berlin, 1017 ; du même, Luihers Character, 2e éd., Leipzig, 1017 ; Workmann, John Wgcliff. A Studg on the english médiéval Church, <>ford, 192<>. 2 vol. : du même, The dawn <>f the Reformation, the âge o/ Hns, Londres, 1002.

II. Les doctrines.

Nous n’avons pas l’intention de dresser ici une théologie protestante complète, mais de signaler les points de divergence principaux entre cette théologie, et celle de l’Église catholique. C’est justement le travail qui a déjà été fait, implicitement, au concile de Trente. Les Pères de ce concile ont eu en vue la réfutation solennelle des erreurs les plus importantes des soi-disant réformateurs. Mais les textes officiels de l’assemblée n’ont pas cherché à déterminer, dans chaque cas particulier, la teneur exacte de l’opinion qu’ils avaient pour mission de condamner. Ce qui était implicite dans ces textes, nous allons essayer de le rendre explicite et nous suivrons, dans les grandes lignes l’ordre même des décrets du concile.

I. LE PROBLÈME DES SOURCES DE LA FOL : LA BIBLE

ET LATRADiTiox. — Le biblicisme nous est apparu comme l’un des trois traits dominants et permanents de la « réforme » protestante. Les deux autres sont la haine de Rome et le dogme de la justification par la foi seule. La haine de Rome a fourni l’occasion et le prétexte. La mystique de la justification par la foi seule a été, chez Luther et Calvin, tout au moins et bien qu’à des titres divers, le moteur caché. Le biblicisme a servi de levier, d’arme offensive et défensive.

Le biblicisme chez Luther.

Si le biblicisme fait

corps avec la doctrine de Luther, à partir de sa rupture complète avec Rome (1520), si on le retrouve dans toutes ses œuvres, c’est surtout dans trois de ses ouvrages, qu’il en a affirmé le principe. Le premier, c’est le Manifeste à la noblesse (août 1520) ; le second, la Préface de la Bible et de l’É pitre aux Romains (sept. 1522) ; le troisième, le De seruo arbitrio (fin décembre 1525). Dans le premier, Luther a nié le pouvoir exclusif d’interprétation de l’Église ; dans le second, il a développé le mystère de son exégèse personnelle ; dans le troisième, il a affirmé la parfaite clarté de la Bible et donné ainsi le motif secret de sa négation du droit d’interprétation de l’Église.

Il manquerait pourtant quelque chose d’essentiel à l’exposé du biblicisme de Luther, si l’on s’en tenait aux trois idées que présentent ces trois ouvrages. Le point de départ du réformateur, c’est le parti pris qu’il a de n’accepter comme appartenant à la révélation que ce qui se trouve dans la Bible, en d’autres termes, la négation de la tradition. Nous avons donc quatre points à mettre en évidence : négation de la tradition, négation du droit de l’Église sur la Bible, clé générale du biblicisme luthérien, clarté de la Bible, dés qu’on en possède la clé.

1. Négation de la tradition.

Pour Luther, la Bible contient toute la révélation. L’on n’y peut rien ajouter. L’on n’en doit rien retrancher. Tout ce qui n’est pas dans la Bible n’est qu’une addition humaine et tout ce qui est addition humaine vient de Satan, (/est à Leipzig, en juillet 1510, que Luther formula publiquement, pour la première fois, celle règle do l’exclusivisme biblique : « Le fidèle chrétien, dit-il, ne peut être contraint à admettre quoi que ce SOil an de la de l’Écriture sainte, qui est à proprement parler le droit divin, à moins que ne survienne une nouvelle révéla lion bien démontrée. Bien plus le droit divin nous interdit de croire autre chose que ce <|ni est prouvé par l’Écriture ou par une révélation manifeste ».

Kidd, Documents illuslnilitw of Ihe Continental Refor

mation, p. 50. Cette déclaration est complétée par cette phrase du De abroganda missa : « Tout ce qui n’est pas dans les Écritures est tout simplement une addition de Satan » (novembre 1521, publié en janvier 1522). Quod in Scripturis non habetur, hoc plane Satanée additamentum est. W., t. viii, p. 418.

Luther ne se rend pas compte de ce qu’il y a d’illogique dans ce radicalisme biblique. Il croit que tout fidèle est assisté de l’Esprit-Saint pour lire et comprendre la Bible. Il ne se demande pas si cette assistance de l’Esprit-Saint ne pourrait pas avoir été accordée à l’Église pour garder le dépôt de la révélation chrétienne et si réellement Jésus-Christ a bien entendu tout renfermer dans le texte écrit, alors que lui-même n’a rien voulu écrire et qu’il n’a jamais commandé à ses disciples d’écrire. Il oublie surtout de nous montrer dans quel texte de la Bible se trouve affirmé son propre biblicisme, quelle phrase des saints Livres nous oblige à croire que tout ce qui n’est pas écrit est une addition de Satan. Au point de départ de son système, il y a donc une affirmation gratuite. Il faudrait que cette affirmation fût un axiome évident, pour que nous n’exigions pas qu’il nous en apporte la preuve.

Il est probable que la négation de la tradition se rattachait, dans son esprit, au dogme de la corruption radicale de la nature humaine par le péché originel. Si tout est corrompu dans l’homme déchu, toute opinion humaine est erronée, comme tout acte humain est coupable. Donc, tout ce que l’homme ajoute à l’Écriture est une « addition de Satan ». Quoi qu’il en soit, Luther rejette toute tradition. Sans doute, il lui arrive fréquemment d’invoquer des autorités, telles que Gerson ou saint Augustin. Mais c’est uniquement, croit-il, en tant que ces autorités confirment les doctrines qu’il croit trouver dans les Écritures. Toute la valeur de ces autorités leur vient de leur intelligence de la Bible. En dehors de cette intelligence, leur prestige était pour lui rigoureusement égal à zéro. Au nom de ce biblicisme antitraditionaliste, Luther rejette une infinité d’usages ecclésiastiques. Il fait l’énumération de ces usages, en vue de la diète d’Augsbourg, dans un mémoire adressé, en mars 1530, à l’électeur Jean de Saxe. En tête de cette liste sans fin, il met ces simples mots : « Contre l’Évangile ». Et cela signifie simplement que les usages en question, carême, jeûnes, bénédiction des rameaux, lecture de la passion en latin, messe des présanctifiés, etc. ne sont pas dans i Évangile.

2. Négation du droit exclusif d’interprétation de l’Église. — Luther ne s’est jamais expliqué sur la tradition » autrement que de la façon négative que l’on vient de voir. Mais il n’est pas douteux que par

tradition » il entendait tout aussi bien le consentement des Pères, en dehors des commentaires bibliques, que les décisions des conciles et à plus forte raison les décisions des papes. Son rejet de la tradition n’avait au fond pour but que l’élimination de l’autorité de l’Église. Son biblicisme ne pouvait donc avoir toutes ses suites qne si la Bible était enlevée à l’Eglise, pour être remise directement à chaque fidèle. Sans cette révolution, le biblicisme n’avait même aucune raison d’être. Sur ce point, le biblicisme de Luther ressemblait à celui des hérésiarques ses prédécesseurs, tels que Wvelilï et Jean lluss. C’était une arme dressée contre l’Église enseignante et dirigeante. Mais l’identification du droit divin avec le texte biblique suffisait à reprendre à l’Église son droit d’interprétation, pour

abus de gestion >. Du moment que tout ce qui est ajouté a la Bible est » addition de Satan », l’Église convaincue d’avoir beaucoup ajouté à la Bible ne pouvait plus être que l’instrument de Satan ou son Jouet. Elle devait être considérée comme « le siège