Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/301

Cette page n’a pas encore été corrigée
2015
2016
REDEMPTION DES CAPTIFS (ORDRE DE LA ;


loguer tous les théologiens contraires à cette vérité, Bandello, général des dominicains du temps de Sixte IV, dut avouer qu’il ne put retrouver aucun membre de la Merci qui fût favorable à son opinion à lui. Les constitutions prescrivaient de suivre saint Thomas, mais « exception faite en ce qui regarde l’immaculée conception de Marie que les membres auront toujours soin de soutenir ».

Pierre de la Sema fut le premier à enseigner que quiconque mourrait pour soutenir cette doctrine serait martyr. Il fut suivi par beaucoup d’autres théologiens et leur doctrine fut l’origine de ce qu’on appela « cl vota de sangre » (le vœu de sang) qu’on faisait pour la défense de ce mystère.

Le P. Castelvi († 1695) devint célèbre à cause de l’énergie avec laquelle il soutint aux universités de Salamanque (1649) et de Valladolid la « définibilité » ultimo et proxime de la conception immaculée, et l’idée que, dès le moment de sa conception, Marie avait joui de la vision béatifique. Il fut de ce chef déféré à l’Inquisition, mais il fut absous. Les deux frères Joseph († 1678) et François Pintre († 1671) composèrent et firent imprimer de gros volumes sur l’immaculée conception, tandis que Raymond Ferrini († 1782), un Romain, publiait à Naples, en 1781, une excellente Dissertatio theologica apologetica etc. sur le même mystère. Le P. Valenzuela (op. cit., p. 218-224) rapporte un catalogue des ouvrages de 74 théologiens de la Merci ayant soutenu la « pieuse croyance », ce catalogue est cependant incomplet.

Deux membres de la Merci méritent plus que les autres l’honneur de paraître dans l’histoire de la théologie mariale. Pierre de la Serna (1580-1642) et Silvestre Saavedra († 1643).

Pierre de la Serna naquit à Séville, y prit l’habit de la Merci et y fit ses études. Pendant de longues années il professa la théologie et la philosophie, jusqu’à ce qu’en 1622 il passât chez les déchaussés où il fut provincial. Il mourut à Grenade en 1642, laissant de nombreux écrits sur des matières diverses : Commentaria in Logicam Arislotelis, Séville ; Suflîcientia concionatorum, Léon, 1637, etc., etc. Il nous intéresse ici principalement par Fons vitse, sive de B. V. Maria, 1623, 2e éd., 1630 ; Commentaria in Apocalypsim, Madrid, 1640 et 1860, 2 vol. in-fol., et Estalutos que lian de guardar los esclavos de N. Senora de la Merced, Séville, 1615. Ce dernier est un vol. de 303 fol. in-8°. Sur le dos du parchemin on lit Esclavilud de Maria (esclavage de Marie) et en dessous la lettre S. Il est intéressant de constater que dans cet ouvrage « l’esclavage de Marie » est exposé presque avec les mêmes termes qu’un siècle plus tard emploiera saint Louis-Marie Grignon de Montfort. Le saint connut-il l’ouvrage en question ? Nous l’ignorons, mais ce n’est pas improbable. Dans la revue mariale El Mcnsajem de Maria, 1922, le P. A. de Santa Maria fait un parallèle intéressant des passages les plus semblables dans l’œuvre du saint et dans celle du P. de la Serna.

Silvestre Saavedra a déjà été mentionné antérieurement, nous n’avons à rappeler ici que son ouvrage. Sacra Deipewa qui, au dire du P. Gazulla, Re/utaciôn etc., p. ll(i, « compte parmi ce qu’on a écrit de plus génial et de plus profond sur la très sainte Vierge ». Il fut imprimé en 1655, douze ans après I ; ’. mort de l’auteur. Ses idées furent attaquées par les Salmanticences et il eut comme défenseur le P. Gonzalez, de la Merci, évêque de Ciudad Rodrigo et de Plaseneia.

Théologie mystique.

Depuis le XV1e siècle, bien

des membres de la Merci écrivirent sur les choses spirituelles.

Melchor Rodrigucz de Torrés (155$1-$20 12) laissa divers ouvrages ascétiques, parmi lesquels il faut surtout remarquer celui qui est intitulé Agricultura del

aima y ejercicios de la vida reliyiosa, Burgos, 1603. L’élégance du style, la sûreté de la doctrine et l’onction très délicate de cet ouvrage le placent au rang de ce qu’on a écrit de mieux pour l’instruction des jeunes religieux.

Un mouvement très intense de vie spirituelle carac térisa plusieurs couvents de la Merci au xviie siècle, notamment celui de Madrid. Ce mouvement eut son apogée dans l’éminente personnalité du P. Falconi. Un de ses maîtres, le P. Jean Chrysostome Puga († 1651) écrivit la Vida de Fr. Juan de San José, 1638, et Jardin del Esposo, 2 vol., Madrid. Un autre des maîtres de Falconi, Matthieu de Villarroel († 1635), composa le Tralado de la necesidad de la oraciôn y frecuenlc communion, et le précieux opuscule Reglas muy importantes para et ejercicio de la jrecuente oracion, etc. « qui eut autant d’éditions qu’il compte de mots » ( !) au dire du P. Rojas. La traduction française en a été rééditée par M. Michel Even dans La vie spirituelle, 1932. Villarroel y expose la doctrine sur la prière que plus tard son disciple Jean Falconi (1596-1638) va développer.

Né à Fifiana, dans la province andalouse d’Alméria, Jean Falconi professa la théologie à Ségovie puis à Mcala. Transféré à Madrid, il s’y adonna corps et âme à la direction des âmes. « Falconi et quelques autres Pères, dit un historien moderne, changèrent l’Église de Madrid en fournaise de ferveur et école d’oraison. » Il avait le don admirable de lancer les âmes dans le chemin de la prière et du renoncement. « Il semait tant d’amour de Dieu qu’il convertissait en un ciel les couvents qu’il visitait », dit le P. Pedro de Arriola, qui recueillit ses œuvres. Après de pénibles souffrances, et vénéré de tous, il décéda saintement à Madrid. Ses ouvrages furent imprimés après sa mort seulement, et furent édités plusieurs fois en espagnol, en italien et en français. En voici les plus importants : Carlilla para saber leer en Cristo, libro de vida eterna, (L’a b c, pour savoir lire dans le Christ, livre de vie éternelle) ; Vida de Dios (Vie de Dieu) ; El pan nuestro de cada dia (Notre pain de chaque jour) ; Camino recto para et cielo (La voie qui conduit droit au ciel) ; Caria escrita a una hija espiritual (Lettre écrite à une fille spirituelle) ; Caria escrita a un religioso en dejensa del modo de oracion en pura fé ensenado por él (Lettre écrite à un religieux en défense de la méthode d’oraison de foi pure, enseigné par lui), etc. Falconi expose largement sa méthode d’oraison dans El camino recto, ouvrage qui n’est pas connu de la plupart des critiques tels que Poulain, Pourrat et le P. Dudon. Ils étudient par contre ses idées dans ses Lettres traduites tendancieusement par les partisans de Molinos et qui, dès lors, ne méritent guère de confiance. La version italienne de ces lettres et de l’alphabet, fut mise à l’Index par le Saint-Office, en 1688, parce que Molinos prétendait s’y appuyer. Néanmoins la sainteté et la bonne intention de Falconi est universellement reconnue. « Falconi, écrit le P. Dudon, était sans conteste un homme de Dieu, ses intentions étaient pures, sa vie durement crucifiée, son imitation des vertus du Sauveur fort active. » Michel Molinos, p. 14. M. Pourrat, La spiritualité chrétienne, t. iv, p. 199, fait remarquer l’influence de Falconi sur Malaval, Mme Guyon et d’autres préquiélisles. mais il ne semble connaître que les opuscules mentionnés en dernier lieu et dans leur version française. Dans son ordre. Falconi fut toujours très estimé et tenu pour un saint.

Falconi fit école dans les couvents de la Merci. Nous ne ferons que mentionner quelques-uns de ses disciples : Pizafio de Léon, qui publia, en 1650, à Alcala, une Instrucciôn acerca de la oraciôn mental (Instruction sur l’oraison mentale) ; un an auparavant il avait fait paraître à Madrid un excellent Compendium totius théologies mystiac (Madrid, 1619) ; le vénérable Fran-