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RÉDEMPTION DES CAPTIFS (ORDRE DE LA

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Au début du xve siècle, le P. Antoine Caxal († 1417) se fait tout spécialement remarquer. II passe pour l’un des plus éminents théologiens et canonistes de son siècle. Les rois Ferdinand I er et Alphonse V d’Aragon l’envoyèrent comme ambassadeur au concile de Constance, où il travailla avec ardeur pour la fin du schisme. Pendant le concile, le roi Ferdinand d’Aragon vint à mourir et son ambassadeur prononça devant le concile une longue oraison funèbre, Mansi, ConciL, t. xxviii, col. 567. Son activité au sein du concile fut très brillante et les Pères le jugaient digne de ceindre la tiare, mais le 25 mai 1417 il expirait à Constance. Il a composé le traité théologique Rosa ad auroram pour défendre l’immaculée conception de la vierge Marie.

Pendant le xve siècle se distinguent : Pierre Cijar, procureur de l’ordre en cour de Rome et auteur de l’ouvrage théologico-canonique Tantum quinque, imprimé au xve siècle et réédité en 1506. Antoine Morell, doyen en 1487 de la faculté de théologie de l’université de Toulouse et ensuite général de l’ordre. Le maître Sanrrasot de Dado, qui, dans les dernières années du même siècle, fut professeur de théologie à Bordeaux. Pierre de Becerril nommé arbitre en 1508 par Jules II pour dirimer les dissensions qui s’étaient élevées au sujet de la conception immaculée de Marie entre dominicains et franciscains. Le provincial de Castille, Fr. Jacques de Muros (1405 ?-1492), plus tard évêque de Tuy, conseiller de l’audience royale au temps des rois catholiques (Ferdinand et Isabelle de Castille), ambassadeur en cour de Rome et auprès d’autres cours d’Italie. Ce fut à ses instances que le chapitre général de Guadalajara, tenu en 1467, concéda aux gradués en théologie, de quelque université que ce fût, le droit de voix active dans l’élection du provincial. En 1475 on décida que le grade de maître ne serait octroyé qu’aux candidats qui auraient enseigné les quatre livres des Sentences et qui auraient présidé ou soutenu des conclusions en chapitre provincial ou général. Ces distinctions rehaussèrent le prestige de la théologie chez les membres de la Merci, et firent présager son plein essor au cours du xvie et du xviie siècle.

2° A partir du XVIe siècle. — La théologie se développa parmi les membres espagnols de la Merci, en même temps que se multipliaient les universités. Le P. Alphone Médina obtint, dès 1509, lachaire de Saint-Thomas à l’université de Salamanque et dès lors il y eut toujours dans cette université quelque professeur de la Merci. On peut en dire autant des universités d’Alcala, Santiago, Huesca, Valladolid, Barcelone, Valence, etc. Bien plus célèbre est Jérôme Pérez († 1549) qui fut le professeur de théologie des premiers jésuites à l’université de Gandie. Il était de Valence et fit ses études théologiques à Salamanque ou à Valence ; pendant vingt ans il enseigna la théologie dans cette dernière ville. Il avait déjà obtenu le titre de « jubilé », quand il fut appelé par le duc de Gandie, le futur saint François de Borgia, comme professeur à l’université que celui-ci venait de fonder. II y enseigna avec grand éclat. Le 10 janvier 1549, le P. Oviedo écrivait à saint Ignace : « Les leçons de théologie ont commencé et c’est le P. M. Pérez qui les fait ; on dit de lui qu’il est un personnage très docte, ayant écrit sur saint Thomas et enseigné la théologie pendant plus de vingt ans… On attend beaucoup de fruit de ce cours, étant donnée la science de ce maître… il nous a semblé qu’ils (les jeunes religieux), doivent étudier très diligemment la théologie, car ils ont une commodité telle qu’à Paris peut-être il n’y a pas mieux. » Mon. hist. S. J., t. xii, p. 177. Pérez mourut dans les derniers jours de 1549. Le 3 janvier 1550, François de Borgia écrivait au P. Araoz : « Maître Pérez a laissé la

chaire de la terre, puisse le Seigneur lui donner celle du ciel ! »

Il écrivit plusieurs opuscules théologiques, mais son ouvrage le plus important est celui qui a pour titre : Commentaria expositio super / am partem Su.mm.8c S. Thomæ Aquinatis. Quantum ad ea quæ concernunt /um Ubrum Sententiarum, Valence, 1518, ouvrage extrêmement rare aujourd’hui. Pérez s’écarte souvent des commentateurs de saint Thomas de son époque. Il reproche constamment à Cajétan en particulier de ne pas avoir compris saint Thomas. Zumel dit que Pérez répétait souvent : « Multiscius Thomas non est intcllectus a Cajetano hoc loco. » De vitis patrum et magislr. gênerai., Rome, 1924, p. 97.

Les deux points essentiels du molinisme, la science moyenne et la prédestination unie preevisa mérita ont un célèbre précédent dans l’œuvre du P. Pérez. Quant au premier point qu’on lise le passage suivant emprunté au fol. 50 de ses Commentaria :

An Deus sciât futura contingentai ? Circa primum notandum est : primo, contingens posse dupliciter considerari ; uno modo in se ipso, prout est in actu, et sic, ut bene inquit sanctus Thomas, non consideratur ut futurum sed ut pnesens… Secundum notandum est quod Deus futura contingentia non cognoscit ut futura pra’cise, ut nos, sed ut præsentia et hoc duoluis modis : uno modo videndo ipsas forum existentias prout sunt in seipsis ; alio modo videndo ipsas in earuin causis productivis, videndo omnia quæ possunt eus impedire et </ » « de facto Impedient et quw non impedienl.

Quant à la prédestination, on trouve au fol. 70 la doctrine qui suit :

l’trum prsf-scientia meritorum sit causa prredestinationis ? (Urca primum articulum notandum est primum quod cum prédestinât io essentialiter sit cognitio, quæ ad intellectum pertinet, et habet adjunctum propositum conferendi média et quæ ad voluntatem pertinent, ideo titulus potest duobus modis intelligi : uno modo de causa cognitionis, quod non est dubitabile quia talis cognitio est Deus et Dei nulla est causa. Alio modo ex parte adjuncti, utpote quare Deus vult conferre talia média, et adliuc potest esse dupliciter, quia vel potest qua-ri de causa volendi, et sic nulla est quæstio : aut potest qu ; rri de causa ipsius rei volitæ qua ; est effectus pra-destinationis ; hoc autem quod dixi de actu volendi intellige secundum rem, quoniam secundum rationem bene potest dari causa.

Nous avons donné ces citations à cause de leu intérêt pour la connaissance du prémolinisme, car beaucoup de jésuites portugais furent les auditeurs du P. Pérez et ce fut du Portugal que la doctrine revint en Espagne. D’ailleurs, Molina connaissait parfaitement cet ouvrage, il le cite en effet pour se défendre dans une Apologie qu’il adresse à l’Inquisition. Archivo Hist. Nacional de Madrid : Inquisiciôn, 4437. Le P. Henao, S. J., fait état, de son côté, de ce que Pérez « comprend le saint Docteur de la même façon que nous (les Jésuites) ». Scientia média historiée propugnata, Salamanque, 1665, n. 801.

Le P. J. Pérez se distingue des scolastiques de son époque par son style élégant et concis. Interprète habile de saint Thomas, il a souvent des points de vue originaux.

Cependant en fait de théologie, le personnage le plus remarquable de la Merci c’est Zumel (1540-1607). Le P. François Zumel naquit à Palencia. Il fit ses premières études à Salamanque où il enseigna pendant presque toute sa vie. Il occupa les plus hautes charges dans l’ordre, y compris celle de général. Il fut pendant plusieurs années vice-chancelier de l’université de Salamanque, au moment même où « cette école était la première du monde ». Il écrivit beaucoup, mais son œuvre la plus importante et la plus célèbre consiste en ses Commentaires sur saint Thomas surtout les volumes sur la morale.