Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

2007

RÉDEMPTION DES CAPTIFS (ORDRE DE LA)

2008

distinction. Après quoi le maître recevait la profession des novices. Ceux-ci ne promettaient que l’observance des vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté et des constitutions du chapitre général.

Ces constitutions exprimaient ainsi le but de l’ordre : « Tout l’ordre, tout le labeur et l’œuvre de ses moines peuvent se ramener à ceci : travailler de bonne volonté et de bon cœur à visiter et délivrer les chrétiens qui sont au pouvoir des Sarrasins ainsi que des autres ennemis de notre loi. » Avec la même simplicité, elles demandaient auxreligieux, en peu de mots, l’accomplissement de ce devoir, exigeant d’eux jusqu’au suprême sacrifice : « Pour effectuer cette merci, que tous, comme fds de la véritable obéissance, soient joyeusement disposés à sacrifier leur vie, s’il le fallait, comme le Christ l’a fait pour nous. » (Posar tur vida, axi com Jesu-Christ la posa per nos, ainsi que dit le texte original catalan).

En 1317 le régime laïque de l’ordre fut changé ; désormais tous les supérieurs généraux furent des prêtres. Le premier d’entre eux, Raimond Albert, rédigea en latin (les précédentes l’étaient en limousin ) d’autres constitutions adaptées au nouveau régime de l’ordre. Celles-ci furent promulguées au chapitre de 1327. Pour l’élection du général, l’ordre fut divisé en cinq provinces. On emprunta aux constitutions des dominicains les normes générales de vie religieuse et, pour le reste, on ne fit que traduire les constitutions d’Amer. Le changement de la Merci en ordre clérical fut son salut, autrement l’ordre serait mort peu après comme les autres ordres militaires. En outre on commença de s’y adonner avec plus d’ardeur aux lettres et à toutes les formes du culte et de l’apostolat. Au cours des siècles suivants, d’autres réformes partielles furent faites dans la législation de l’ordre.

Les constitutions qui à présent régissent l’ordre, furent promulguées en 1895. Le but de l’ordre, tant pour le passé que pour le présent, y est ainsi exprimé : « Nos premiers religieux furent des rédempteurs de captifs, des pionniers de la parole de Dieu en même temps que des soldats qui maintes fois combattirent sur les champs de bataille contre les ennemis de la re’igion chrétienne. Ils donnèrent aussi une généreuse hospitalité aux miséreux et aux pèlerins. L’esclavage disparu, notre ordre se consacra entièrement au ministère sacré, à la conversion des infidèles et à l’éducation de la jeunesse. Nos religieux donc, en vertu de la nature et du but de notre institut, sont tenus d’étudier et de se consacrer avec ardeur à toutes sortes de ministères et de charges qui puissent, de quelque façon, aider le prochain à sauver son âme. » Art. 31-32.

L’ordre de la Merci se fit toujours remarquer par son héroïsme dans la pratique de la charité. Les papes ne savaient comment en faire l’éloge. Déjà en 1255, Alexandre IV appelait les membres de la Merci : « Les nouveaux Machabées de la loi de Grâce. » Vers le milieu du xve siècle, le Fr. Pierre de Cijar dans son œuvre théologique Opuscidurn tantum quinque, contre quelques adversaires de l’ordre, soutint que la Merci était la religion la plus parfaite entre toutes, et cela en vertu de son quatrième vœu, qui exige la charité à un degré héroïque, suivant la parole du Christ : Majorem liac dilectionem nemo habet ut animam suam ponat quis pro amicis suis (Joa., xv, 13). Peu de temps après, le P. Cijar, alors procureur de l’ordre à Home, eut la satisfaction de voir sa doctrine confirmée expressément par Calixte III qui interdit aux membres de la Merci de passer à un autre ordre, à moins que ce fut celui des chartreux. Le pape en donne la raison, et ses paroles mémorables renferment tout ce qu’on pouvait dire de plus grand sur le caractère et la vocation de la Merci : Semelipsos pro redemplioiic captioorum, qui in potestate inpdelium dunv servituli subjiciuntur, Altis simo deuoverunt, profitenles se paratos, eliam pro unius redemptione captini, non modo se ipsos captivitati paganorum, in excambium traderc, sed eliam, si opus juerit, mortem et tormenta quwlibpt tolerare (Cf. Bullarium du P. Freitas, fol. 96). Cet exemple de rare abnégation fut toujours l’objet des plus grands éloges soit des papes, soit de plusieurs écrivains : on n’ignore pas les éloges qu’aux « rédempteurs » rendent Cervantes, Villarroel, Balmès, Chateaubriand, etc. Voltaire lui-même le reconnaît : « Il faut bénir les frères de la charité, et ceux de la rédemption des captifs. Le premier devoir est d’être juste. » Quest. sur l’Encyclopédie, art. Apocalypse.

La note caractéristique des religieux de la Merci ce fut leur activité prodigieuse malgré leur petit nombre. Si l’histoire n’en témoignait, le verdict populaire le prouverait ; en effet un proverbe qu’on entend encore en Castille et qui figure dans toutes les collections des proverbes espagnols dit : Los frailes de la Merced son pocos, mas hâcenlo bien. « Les frères de la Merci sont peu nombreux mais travaillent bien. »

La Merci, fondée p ?r ordre exprès de la Mère de Dieu, conserva toujours son caractère mariai. Le général de l’ordre, le P. Caxal écrivait ces mots significatifs dans un document présenté au Saint Siège en 1414 : …ad Dei laudem et gloriam singularem et ejus malris virginis gloriosæ Mariæ quæ. nostri ordinis est fundamentum et caput (cf. Gazulla, Refutaciôn, p. 230). Ces mots révèlent clairement la pensée de l’ordre à ce sujet. Les membres de la Merci avaient tellement à cœur la gloire de Marie, leur mère et fondatrice que, malgré le petit nombre de leurs missionnaires, ils rendirent la dévotion envers Notre-Dame de la Merci extrêmement populaire dans les contrées de l’Amérique espagnole, au point que trois de ces républiques l’ont proclamée leur patronne.

III. Les théologiens de l’ordre de la Merci.

— Pendant les deux premiers siècles de leur histoire, les membres de la Merci ne s’adonnèrent pas beaucoup aux travaux intellectuels. Il y eut cependant, même alors, des hommes qui cultivèrent les études surtout les études sacrées. C’était une nécessité pour pouvoir soutenir des controverses avec les juifs et les maures, avec lesquels on était toujours en contact. Au xive siècle surtout, les gradués en droit et en théologie sont particulièrement nombreux dans l’ordre. Pour acquérir le doctorat en théologie on devait se rendre à Paris ou dans d’autres universités étrangères, car l’Espagne ne posséda de faculté de théologie qu’en 1395, quand Benoît XIII en fit concession à l’université de Salamanque.

Les primitifs.

- On a discuté pendant deux

siècles pour savoir si le saint évêque de Jæn, Pierre Pascual fut membre de la Merci. La question n’a pas encore été définitivement résolue, toutefois les raisons contre n’ont pas grande valeur. Ce grand évêque, qui subit le martyre à Grenade en 1300, écrivit plusieurs ouvrages de controverse, à l’adresse des juifs et des musulmans. Entre autres sont particulièrement remarquables la « Dispute contre les juifs » ou « Petite Bible », écrite en limousin, et 1’ « Impugnalion de la secte de Mahomet » en castillan. Cette dernière lui valut le martyre. M. Amador de los Rios, Hist. de la littérature espagnole, t. iv, p. 76, considère saint Pedro Pascual comme le vrai fondateur de l’éloquence sacrée espagnole, il faut aussi remarquer que c’est lui le premier qui ait fait usage de la langue espagnole pour écrire sur des matières théologiques.

Le général de l’ordre, Dominique Serrano († 1348) de nationalité française et professeur à Montpellier, donna un grand essor aux études dans la Merci ; après lui, les supérieurs ayant des titres universitaires sont nombreux.