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REDEMPTION. VALEUR : PROBLÈMES D’ECOLE


scotiste, suivie par Suarez, De inc, disp. XLII, sect. i, 1-13, fait dépendre du Verbe incarné, comme pour nous-mêmes, la totalité de leurs privilèges surnaturels. Voir Incarnation, t. vii, col. 1495-1506.

En tout état de cause, les esprits mauvais en sont exclus. Seul, pour les englober dans son système d’universelle apocatastase, Origène, voir t. xi, col. 15501553, imaginait que le Christ serait mort également pour eux, peut-être même qu’il devrait être crucifié de nouveau à cette fin dans un monde futur. Réveillée au cours des querelles du vie siècle, voir t. xi, col. 15761578, cette dernière conception fait partie des doctrines origénistes condamnées en 543, DenzingerBannwart, n. 209, par les ordres de Justinien. Mais la première n’est pas davantage compatible avec la tradition chrétienne, qui tient les démons pour irréductiblement obstinés dans le mal.

A renoncer au charme de problématiques hypothèses pour s’en tenir à la révélation et à ses données certaines, on ne risque d’ailleurs pas d’affaiblir l’importance de la rédemption. Même restreinte dans le cadre de l’humanité, le fait que l'œuvre du Christ est le moyen de rétablir le cours surnaturel de nos destinées la met au centre du plan divin tel qu’il nous est connu.


VII. Valeur de la rédemption. —

De même qu’elle se préoccupe de suivre pour ainsi dire en largeur l’efficience de la rédemption, la théologie catholique a souci de la scruter en profondeur. Voir Dorholt, op. cil., p. 376-500. Curiosité qu’autorise assurément le réalisme de la foi, mais que la nature du problème expose à rencontrer bientôt des obstacles impossibles à franchir.

Points certains.

A travers les systèmes qui

divisent l'École, on peut démêler au moins quelques données générales qui les dominent et, pour ce motif, s’imposent à tous.

1. Question de principe.

Il ne saurait y avoir le moindre désaccord sur l’idée fondamentale d’une perfection inhérente à l'œuvre du Christ qui, en principe, la proportionne adéquatement à sa fin. C’est ce que la langue technique, aussi facile à comprendre que difficile à remplacer, désigne en parlant de satisfaclio condigna et superabundans.

Lorsqu’on lit, par exemple, dans l'Écriture que nous sommes rachetés, sanctifiés ou justifiés par le sang du Christ, c’est-à-dire à peu près dans tous les textes qui énoncent le mystère de notre rédemption, et que ces assertions ne sont entourées d’aucune réserve, ne faut-il pas entendre qu’il y a dans cette cause une vertu propre qui la rend capable de produire par elle-même cet effet ? C’est pourquoi, dès la théologie patristique, voir col. 1937, s’affirme expressément, à l’occasion, l’idée d’une parfaite équivalence entre la mort du Christ et la dette des pécheurs. La scolastique ne prétend pas dire autre chose, au fond, par le terme abstrait de condignitas. Cf. Synave, Saint Thomas d’Aguin : Vie de Jésus, t. iii, p. 197 et 200, où il est noté que sufficiens est synonyme de « satisfaction adéquate » chez saint Thomas.

Dans son parallèle des deux Adam, Rom., v, 15-17, saint Paul, au surplus, n’cnscignc-t-il pas que l'œuvre salutaire du second dépasse l’action néfaste du premier ? Énoncé concret dont le concept de surabondance ne fait qu’expliciter analytiquement le contenu. L’adaptation qui eu est laite par saint Anselme à la mort du Christ. CUT Deus homo, ii, M, P. ].., t. c.lviii, col. 41 5. reste pour ainsi dire classique après lui. Témoin saint Thomas, Suiii. th., III a, q. xlviii, a. 2 et 4.

Sur le terrain des simples données religieuses, en dehors de toute prétention à des calculs décevants non moins qu’inutiles, on ne voit pas, en effet, ce qui pourrait manquer au sacrifice du Sauveur pour que

son offrande plaise à Dieu autant et plus que peuvent lui déplaire nos péchés. Christus, expose le Docteur angélique, ibid., q. xlviii, a. 2, ex caritate et obœdienlia paliendo, majus aliquid Deo exhibuit quani exigerel recompensatio lotius offensas humani generis : primo propter magniludinem caritalis ex qua patiebatur ; secundo propter dignitatem vilse suae… ; tertio propter generalitalem pussionis et magniludinem doloris ussumpti.

Or, ce qui est vrai de nos offenses à réparer ne l’est manifestement pas moins des biens qu’il s’agissait de nous obtenir. Auprès du Père, le Fils est toujours en mesure de se faire écouter. Cf. Joa., xi, 42 ; Hebr., v, 7.

Parler ici de suffisance et de surabondance, à propos tant de la satisfaction que des mérites du Christ, n’est, en somme, qu’une autre manière de dire que son œuvre tient de sa personne quelque chose d’incomparable et de définitif. Voilà pourquoi cette immolation accomplie une fois pour toutes s’oppose, dans l'économie du monde religieux, à l’indéfinie non moins qu’impuissante répétition des rites anciens, Hebr., vii, 27-28 ; ix, 12, 26-28 ; x, 10-14, tandis que, dans sa vie personnelle, cf. Rom., v, 9-10 ; viii, 32 ; Eph., ii, 18 ; I Thess., i, 10 ; I Tim., i, 15 ; Hebr., vi, 19-20 ; ix, 25 ; x, 19 ; I Joa., i, 7 et ii, 1-2 ; Apoc, v, 10, le croyant y peut trouver, en regard de sa propre misère, un de ces motifs de confiance qui ne trompent pas.

2. Question d’application.

En théorie pure, voir col. 1980, dans toute action ou souffrance du Christ, il y avait de quoi réaliser les conditions de cette valeur. Cf. Sum. th., III », q. xlvi, a. 5, ad 3um.

Mais, avec la quantitas prelii, comme saint Thomas le précise ailleurs, Quodl., II, q. i, a. 2, il faut aussi regarder à sa deputalio. Or, dans l’espèce, non sunt deputatæ ad redemptionem humani generis a Deo Pâtre et Christo alise passiones Christi absque morte. C’est ainsi que la mort du Sauveur devient seule, de fait, la satisfaction adéquate que tout autre de ses actes était, en droit, susceptible de constituer.

2° Discussions d'école. — Au-delà commence la zone de ces quæstiones disputâtes qui ont absorbé le principal effort de la scolastique moderne, voir col. 1951, d’ordinaire sans autre bénéfice que de soulever des problèmes de plus en plus subtils autour desquels les écoles catholiques ont depuis lors couché sur leurs positions.

1. Détermination de la cause formelle.

- Et d’abord d’où l'œuvre du Christ tire-t-elle exactement le principe de son efficacité?

Par rapport à nous, in actu secundo, il est entendu, non seulement qu’elle exige notre concours, mais qu’elle suppose une décision bénévole de Dieu qui nous admette à en recevoir éventuellement l’application. Voir Galticr, De inc. ac red., p. 398-399. Le chrétien lui-même, pour ne rien dire de l’infidèle, n’a pas plus de titre à l’héritage du Christ que le Juif n’en pouvait avoir, du chef de sa descendance charnelle, cf. Matth., m, 9, et Joa., viii, 39, à celui d’Abraham.

Qu’en est-il maintenant si on la considère in actu primo, c’est-à-dire en soi ? L'école thomiste professe qu’elle vaut par elle-même, au lieu que l'école scotiste la subordonne, en dernière analyse, à l’acceptation de Dieu. Ses qualités propres lui suffisent, dans le premier cas, pour assurer la rédemption du genre humain, tandis que, dans le second, la raison dernière de sa valeur de fait, qui n’est pas en cause, lui vient ab exlrinseco.

Cette divergence tient d’abord à la façon de concevoir la source du mérite et, d’une manière plus générale encore, la situation essentielle de l’homme devant son Créateur, En dépit des objections qu’elle soulève à première vue. la concept ion scotiste a pour elle cette transcendance de l’Absolu qui le fait être le principe