Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée
1977
1978
RÉDEMPTION. CONVENANCE OU NÉCESSITÉ ?


Impression établie sur les données les plus certaines de la révélation. Cf. Rom., iii, 24 ; Eph., ii, 8.

Il n’est pas trop malaisé d’apercevoir, en effet, que, dans l’hypothèse d’une ruine définitive de l'édifice surnaturel, aucun attribut de Dieu, à strictement parler, ne serait en cause. Car il avait fait entrer dans ses plans la liberté humaine, avec tout le surcroît de gloire mais aussi avec l’aléa qu’elle comportait. L’homme donc, bien entendu, n’a rien à réclamer, dès là qu’il est seul responsable de son infortune, et Dieu lui-même est à couvert, puisque la catastrophe est imputable à une défaillance prévue, mais qu’il n'était pas tenu d’empêcher. Voir Incarnation, t. vii, col. 1475-1476.

D’autant que les ressources de l’ordre naturel ne laissaient pas de subsister à titre de compensation. État suffisamment normal, en dépit de son infériorité relative, pour constituer un ordre digne encore de Dieu et permettre à l’homme d’atteindre sa fin.

3. Thèse de la convenance.

Si la rédemption de l’humanité n'était pas nécessaire, elle peut et doit être, à tout le moins, regardée comme souverainement convenable. Ni Athanase ni Anselme ne voulaient peut-être dire autre chose : toujours est-il que la théologie catholique s’en tient à cette transaction.

Congruenlissimum fuit, enseigne saint Thomas, In 7/7um Sent., dist. XX, q. i, a. 1, sol. 1, édit. Vives, t. ix, p. 301, humanam naturam, ex quo lapsa fuit, reparari, quia in hoc manifeslatur misericordia Dei, poteniia et sapienlia : misericordia quidem sive bonilas, quia proprii plasma ! is non despexit in/irmilalem : poteniia vero in quantum ipse omnium noslrum defectum sua virtute vieil ; sapienlia autem in quantum nihil frustra fecisse invenitur. Convenicns etiam fuit quantum ad humanam naturam, quia generaliler lapsa erat. Similiter etiam ex perfeclione universi, quod totum quodammodo ad salutem hominis ordinatur.

Ainsi encore saint Bonaventure, In III uln Sent., dist. XX, art. unie, q. i, édit.deQuaracchi, t.m, p.417418, qui, sans négliger les autres, donne plus de place aux considérations anthropologiques : Absquc dubio congruum est et decens reparari genus hunumum, non solum ex parle Dei, sed etiam ex parte hominis…, si consideretur dignilas hominis condili et modus labendi et status lapsi. Dignilas namque hominis lanta eral ut propter ipsum jacta sunt universa… Modus vero labendi fuit quod humana natura lolaliler cecidil, alio peccante et alio suggerenie… Status etiam hominis lapsi reparalioni congruit, quia in Mo slalu simul fuit pœnitentia cum miseria.

D’un point de vue théologique plus général, pour mieux affirmer la sagesse de la Providence et l’harmonie de ses plans, de bons théologiens estiment qu’il est plus opportun aujourd’hui que jamais de remettre l'élévation primitive du genre humain dans les perspectives de la rédemption qui devait en renouer le fil. Sans qu’il y ait un rapport nécessaire entre ces deux étapes de l'économie surnaturelle, il devient moins difficile de comprendre la précarité de la première à mesure que la seconde en apparaît d’une manière plus directe, dans les desseins éternels de Dieu, comme la reprise et le complément. Voir A. Verriele, Le surnaturel en nous et le péché originel, 2e éd., Paris, 1934, p. 102-131.

On s’explique d’ailleurs assez bien que pareille grâce de relèvement n’ait pas été faite aux anges. C’est que la volonté de l’homme est naturellement mobile, tandis que l'être angélique, parce que plus parfait, se fixe pour toujours dans chacune de ses décisions. Il y avait aussi lieu de tenir compte que les anges étaient déchus par suite d’un acte personnel, tandis que le genre humain fut compris par solidarité dans la faute d’Adam.

Modalités du plan divin.

 Aux différents décrets

dans lesquels se décompose logiquement l’exécution de l'économie rédemptrice il faut appliquer la même solution.

1. Problème de la satisfaction.

En admettant que Dieu voulût racheter les pécheurs, devait-il exiger d’eux une satisfaction ou pouvait-il procéder par voie de condonation plus ou moins complète à leur endroit ?

a) Nécessité ? — D’après l’archevêque de Cantorbéry, Cur Deus homo, i, 15, P. L., t. ci.vm, col. 381, on serait ici acculé à la stricte alternative : Salisfaclio aul peena. Et cela du côté de l’homme aussi bien que de Dieu : Sine salis/actione, id est sine debili solutione sponlanea, nec Deus potest peccatum impunilum dimittere, nec peccalor ad beatitudinem vel talem qualem habebal antequam peccaret pervenire. Ibid., i, 19, col. 391. Ce qui s’entend, au surplus, d’une satisfaction adéquate au péché : Hoc quoque non dubilabis… quia secundum mensuram peccati oportet satisfaclionem esse. Ibid., i, 20, col. 392 ; cf. i, 21, col. 394 : Palet quia secundum quanlilatem peccali | exigii Deus salisfactionem.

Vrai du repentir, ce raisonnement ne l’est pas de la satisfaction, qui reste soumise à la souveraine liberté de Dieu. Si voluisset absque omni salisfaclione hominem a peccato liberarc, contra justitiam non fecisset. Ille enim judex non potest salua justitia culpam sine peena dimiltere qui hubet punire culpam in alium commissam… Sed Deus non habet aliquem superiorem, sed ipse est supremum et commune bonum lolius universi. Et ideo, si dimillal peccatum, quod habcl rationem culpie ex co quod contra ipsum commiltitur, nulli facit injuriant. Thomas d’Aquin, Sum. th., III », q. xlvi, a. 2, ad 3um. Voir Incarnation, t. vii, col. 1476-1478.

A plus forte raison en cst-il ainsi lorsque, avec la théologie protestante, on identifie satisfaction et expiation, jusqu'à vouloir que le péché ne puisse être remis sans que la peine en soit acquittée par le coupable lui-même ou par un substitut. « Personne parmi les catholiques ne soutiendra que la miséricorde soit impuissante ou que Dieu ne puisse pardonner sans avoir calmé les exigences de sa justice. » Éd. Ilugon, Le mystère de la rédemption, 6e éd., p. 267.

b) Convenance. — On s’en tiendra donc, ici encore, à penser qu’une satisfaction était convenable, soit du côté de Dieu pour mieux établir la majesté de ses droits, soit du côté de l’homme pour qu’il pût se sentir pleinement réhabilité.

C’est dans ce sens que saint Thomas transpose les thèmes anselmiens. Voir In IIIum Sent., dist. XX, q. i, a. 1, sol. 2, édit. Vives, t. ix, p. 301-302 : Congruum etiam fuit quod natura humana per satisfaclionem repararetur. Primo ex parle Dei, quia in hoc divina justitia manifeslatur quod culpa per pœnam diluitur. Secundo ex parte hominis, qui satisfaciens perf retins integratur : non enim tantx gloriæ essel posl peccatum quanta : erat in statu innocentiæ si non plenaric salis fecisset… Tertio etiam ex parte universi, ut scilicet culpa per pœnam satisfactionis ordinetur et sic nihil inordinatum in universo rémanent. Ainsi Bonaventure, In /// u ' « Sent., dist. XX, art. unie, q. ii, édition de Quaracchi, t. iii, p. 419-422.

En vertu de l’adage : Accessorium sequitur principale, il va de soi que la question de degré ne comporte pas d’autre réponse. Une satisfaction adéquate à la faute ne saurait être que de meliori bono.

2. Problème de l’incarnation.

Si une satisfaction devait avoir lieu, on peut subsidiaircment rechercher par quel moyen. Ce qui revient à déterminer si la médiation du Fils de Dieu fait homme ne s’imposerait pas en droit, vu la grandeur du péché, comme elle fut adoptée en fait.