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    1. QUESNEL##


QUESNEL. APRÈS LA PAIX DE CLÉMENT IX

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de Jansénius, sans distinguer le fait d’avec le droit, pour empêcher l’exécution de la lettre de cachet du 16 avril. L’université protesta de nullité, le 21 mai, contre cette ordonnance, sous prétexte qu’elle n'était pas soumise à la juridiction de l'évêque ; de plus, en n’exigeant point la signature pure et simple du formulaire et en affirmant la distinction du fait et du droit, l'évêque érigeait en règle pour tous ce qui pouvait être, au plus, une tolérance pour quelques-uns. L'évêque nia le fait, mais le roi, à la demande de l’archevêque de Paris, déclara que son arrêt du 23 décembre 1608, arrêt fondamental de la paix de l'Église, ne tirait pas à conséquence pour l’usage général : en elîet, la condescendance dont on avait usé, en admettant des signatures avec explications, en faveur de quelques particuliers seulement et pour les mettre à couvert de leurs scrupules, n'était point une révocation de la bulle, qui prescrit avec serment, la signature du Formulaire. Cet arrêt, rendu le 30 mai 1676, à l’année de Flandre, est l' « arrêt du camp de Ninove ». SainteBeuve, Port-Royal, t. v, p. 150-151.

Ce fut la première infraction grave faite à la paix de Clément IX ; d’ailleurs, de l’aveu même des historiens jansénistes, cette paix avait déjà été fort compromise par le triomphe bruyant des jansénistes et en particulier de Port-Royal, où les religieuses revinrent en foule et attirèrent de nombreux visiteurs ; le pensionnat redevint florissant, et le noviciat se repeupla ; on fit des constructions nouvelles. On parlait beaucoup de Port-Royal et l’on voyait venir « au désert gens d'épée, magistrats, prêtres, dames de qualité, princesses ». Pontchartrain estimait « qu’il y avait trop de carrosses en ces quartiers ». L’admiration dont Port-Royal était l’objet et qui amenait ce concours de pèlerins, grands et petits, dans un désert voisin de Versailles, devenait un danger « sous un roi qui n’aimait de bruit et d'éclat, que celui qu’il faisait et qui se rapportait à lui ». Sainte-Beuve, op. cit., t. v, p. 143. La Mère Agnès craignait, elle aussi, à cause de la dissipation que cela causait.

De plus, sous le couvert de la paix de Clément IX, furent publiés des ouvrages, qu’on n’avait pas encore osé faire paraître : Considérations sur les dimanches et fêtes des mystères et sur les fêtes de la Vierge et des saints, Paris, 1670, 2 vol. in-8°, rédigées par l’abbé de Saint-Cyran, durant son incarcération de Vincennes. — Instructions chrétiennes, tirées par M. Arnauld d’Andilly de deux volumes de Lettres de Messire Jean Du Verger de Haurane (sic), abbé de Saint-Cyran, Paris, 1671, in-12. C'était l’apothéose de Saint-Cyran. et c'était peut-être imprudent. M. Gazier fait remarquer que les » jésuites et leurs amis curent le bon goût de ne pas manifester alors leur rage et leur dépit » ; mais la chose ne passa pas inaperçue. D’ailleurs, la duchesse de Longueville couvrait les jansénistes de sa puissante protection, mais elle mourut le 15 avril 1679, et son cœur fut apporté en grande pompe à Port-Royal le 26 avril.

Auparavant, de graves événements s'étaient passés, qui annonçaient la fin prochaine de la trêve signée par Clément IX ; son successeur, Clément X, était mort le 22 juillet 1676 et avait été remplacé par le cardinal Odescalchi, qui prit le nom d’Innocent XI (21 sept. 1676). Les quatre évêques, signataires de la paix de 1668 lui écrivirent en 1677 pour protester contre certaines infractions faites à la trêve, sous prétexte de condamner une hérésie imaginaire. Innocent XI répondit, le 7 juillet 1677, à l'évêque de Chàlons et, le 19 septembre, à l'évêque d’Alet, pour faire cesser des contestations inutiles. L'évêque de Chàlons écrivit aussi au cardinal Cibo, principal ministre du pape, et l'évêque d’Angers écrivit directement à celui-ci (janv. 1678) ; enfin Gilbert de Choiseul voulut

rappeler au pape les faits qui avaient amené la paix de Clément IX. D’autre part, en 1676, l'évêque d’Arras, Gui de Sève de Rochechouart, avait dénoncé au pape des propositions qu’il jugeait subversives de toute morale et il s'était entendu, sur ce point, avec l'évêque de Saint-Pons, Percin de Montgaillard, ami de Pavillon, d’Arnauld et de Xicole. Les deux évêques rédigèrent une lettre qui serait remise secrètement au pape et ils firent appel à Xicole pour traduire la lettre en latin. Des docteurs de Louvain avaient, de leur côté, dénoncé diverses propositions contraires aux maximes de l'Évangile et à la morale. Les jésuites n'étaient pas désignés dans la lettre de Nicole, mais les propositions dénoncées étaient toutes empruntées à des auteurs jésuites. Une indiscrétion de l'évêque d’Amiens, en 1677, tit connaître à l’archevêque de Paris la dénonciation. « Alors, écrit Gazier, op. cit., t. i, p. 206-307, le P. de La Chaise et l’archevêque de Paris, Ilarlay de Ctiampvallon, tirent alliance et se proposèrent de ruiner Port-Royal, mais ils attendirent la mort de la duchesse de Longueville. Louis XIV intervint, le 3 janvier 1679, pour faire condamner les propositions, et un décret du 2 mars 1679 condamna soixante-cinq propositions de morale relâchée. Dès 1669 avait paru à Cologne le premier volume d’une collection, qui se poursuivit jusqu’en 169 1 et dont les six derniers volumes ont été composés avec la collaboration d’Arnauld lui-même. L'écrit a pour titre : La morale pratique des jésuites, représentée en plusieurs histoires arrivées dans toutes les parties du monde. Sainte-Beuve appelle ces volumes, pesamment écrits, « la queue de Pascal », et il note que celle demi-victoire îles jansénistes à Rome allait les taire écraser en France. »

Lu effet, tout allait concourir à la ruine de PortRoyal, regardé comme le foyer et la forteresse du jansénisme : la colère des jésuites, le désir du roi, manifesté depuis longtemps, d'être le maître de Port-Royal, par le droit demandé à Rome de nommer à l’abbaye, et le concours assuré de l’archevêque de Paris pour en extirper les restes du jansénisme ; L’affaire de la régale, dans laquelle s'étaient compromis deux évêques chers a Port-Royal : Pavillon et Caulet. Ce dernier, sans être janséniste, avait énergiquement soutenu Port-Royal et n’aimait guère les jésuites. Louis XIV redoutait une nouvelle Fronde, dont les armes se préparaient à Port-Royal ; l’existence du jansénisme allait lui apparaître incompatible avec l’ordre et l’unité du royaume, presque comme une forme de républicanisme opposée à la monarchie. C'était une cabale dont il fallait se débarrasser ; en cela, « il serait plus jésuite que les jésuites eux-mêmes », écrit Sainte-Beuve, op. cit., t. v, p. 154. Sur ce point, l’archevêque de Paris, M. de I larlay. élail pleinement d’accord avec le roi : il n’aimait pas les jansénistes, pour des raisons diverses, voir Sainte-Beuve, ibid.. p. 191-195. Les historiens jansénistes peignent l’archevêque sous de tristes couleurs, comme un intrigant perdu de vices. Voir Gazier, op. cit., t. i, p. 206, et Mlle Gazier, Histoire du monastère de Port-Royal. p. 306-307. El Sainte-Beuve termine son portrait de l’archevêque de Paris, op. cit., t. v, p. 154-160, par ces mots, qui montrent bien, ce semble, la position de l’archevêque par rapport aux jansénistes : t’n archevêque de l’esprit et de la capacité de M. de Harlay l’ut contre Port-Royal parce que le roi le voulait et que lui-même, prélat clairvoyant, il appréciait les raisons qu’il y avait de dissiper et d'éteindre ce loyer d’opposition ecclésiastique. »

Le 17 mai 1679, l’archevêque de Paris, après une enquête préalable, procéda à l’expulsion des religieuses : il fit sortir les postulantes, les jeunes pensionnaires, au nombre de quarante-deux, les confesseurs et autres ecclésiastiques, au nombre de six ; puis il