Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

1969 RÉDEMPTION. SON ESSENCE : EXPOSÉ DES SYSTÈMES 1970

inséparables dans la réalité. Ni l’expiation, en effet, ne se comprend sans l’amour qui l’accepte ou la provovoque, ni l’amour n’aurait tout son prix s’il n'était consommé dans la douleur. Voilà pourquoi la passion est bien le point culminant de l'économie rédemptrice, parce qu’elle synthétise éminemment les deux.

Il ne s’ensuit pas que l’un et l’autre occupent le même rang dans la hiérarchie des valeurs. Un récent commentateur de la Somme estime que, dans la satisfaction du Christ, le Docteur angélique tient pour « secondaire » le côté pénal. P. Synave, Saint Thomas d’Aquin : Vie de Jésus, t. iii, p. 257. Distinguant dans le sacrifice du Calvaire la perpessio pœnse et la perpessionis ordinalio, P. Galtier, De inc. ac red., p. 401, place dans celle-ci Yelementum formate… seu determinalivum unde sil passioni et morli vis alque valor apud Deum. Cf. p. 407 : Qui vêtit redemptionem et redemplorem vere et plene cognoscere, is contemplari in primis débet quo sensu et animo Christus ea omnia [quæ passus est ] adieril et perluleril. Autant dire qu’ici élément formel ne peut pas ne pas être synonyme d'élément principal.

C’est pourquoi la théologie catholique est unanime à dire, voir col. 1980, qu'à la rigueur le Christ n’avait aucun besoin de souffrir quoi que ce soit pour offrir à Dieu une pleine réparation de nos péchés, qui, dans ce cas, tiendrait tout entière à la qualité de ses actes et de ses sentiments. Vue théorique sur les modalités possibles de la rédemption qui fournit un nouveau critère pour départir les facteurs dont elle fut positivement constituée et préciser l’importance relative de chacun.


IV. Synthèse de la rédemption : Essence de l’acte rédempteur. —

Ne faut-il pas néanmoins, sous peine d’une véritable carence rationnelle, dégager la logique interne et les proportions respectives des éléments ainsi juxtaposés ? Il n’y a pas d’autre moyen pour cela que de remonter à quelque principe central dont le développement homogène permette d’en faire comme les parties organiques d’un tout. La théologie de la rédemption ne s’est pas dérobée à ce dernier travail d’achèvement.

Notions préalables.

Devant ce genre de problèmes, il est rare, pour ne pas dire plus, que l’elîort

spéculatif n’ait pas suivi des chemins parfois assez divergents. A défaut d'écoles proprement dites, diverses tendances, bien que souvent trop peu remarquées, se sont fait jour, dans le cas présent, qui aboutissent à nuancer et, pour ainsi dire, équilibrer diversement l’exposé du mystère au nom de prémisses plus ou moins explicites sur son caractère distinctif.

C’est en général quand il s’agit de spécifier la position catholique en la matière par rapport à celle de la sotériologie protestante que surviennent ces ultimes précisions. Voir B. Dôrholt, Die Lehre von der Genugthuung Christi, p. 30-31 et 164-165 ; F. Stentrup, Preel. theol. de Verbo inc. : Soleriotogia, t. i, p. 227-22X et 241-249. En voici, d’après L. Heinrichs, Die Gcnugtuungstheorie des ht. Anselmus, p. 4-5, un bilan méthodique et objectif, qui délimite avec une minutieuse exactitude le status quazstionis.

1. « … Il y a d’abord la théorie du châtiment (Straftheorie). « Sous le nom de châtiment au sens propre, il faut entendre, non pas seulement une peine infligée, mais infligée précisément pour la réparation de l’ordre détruit et de la transgression volontaire. Les autres lins, médicinales, méritoires ou autres, ne sont pas nécessairement exclues ; mais elles doivent être subordonnées au but premier et capital. « Par suite, le sujet propre de la souffrance pénale ne peut être que celui dont la transgression coupable doit être réparée, c’est-à-dire le pécheur lui-même ; car le châtiment a justement pour but de lui arracher par force ce que sa volonté refuse de fournir. Sans doute une autre personne pourrait endosser la peine et garantir ainsi une certaine compensation extérieure à l’ordre détruit. Même alors cependant faut-il que la réparation de l’ordre violé soit le motif dominant pour l’infliction de ces peines, si l’on ne veut pas que s'évanouisse la notion du châtiment. »

2. « Que si maintenant de la notion de châtiment nous retenons une seule partie, savoir le fait de supporter un mal, et si nous en écartons l’idée de vengeance pour mettre à sa place, dans celui qui inflige la peine, un sentiment de complaisance pour la générosité de celui qui accepte volontiers ce rôle douloureux, nous avons l’idée d’expiation (Sùhne). « Les éléments constitutifs de ce concept sont, par conséquent, d’une part le fait de supporter un mal, d’autre part l’absence de tout motif de représailles dans l’infliction de ce mal. Par ce dernier point, la théorie de l’expiation s’oppose à la théorie du châtiment, avec laquelle pourtant elle coïncide par le premier. »

3. « Nous pouvons encore aller plus loin et faire abstraction de n’importe quel mal comme connotation essentielle, de telle sorte qu’il nous reste seulement la complaisance divine à l'égard d’une action qui est faite en compensation du désordre inhérent au péché. « De cette manière, nous atteignons le concept strict de satisfaction. Bien entendu, pas n’est besoin pour cela que l'élément douleur soit exclu de fait : il suffit qu’il le soit formellement. Dès lors, dans la théorie de la satisfaction ( Genugtuungstheorie), ce qui apparaît comme essentiel, par contraste avec la théorie de l’expiation (Sùhnethcorie), c’est le fait d’offrir une réparation d’honneur. « Satisfaction et expiation ont entre elles, de ce chef, le rapport d’une idée plus larj, 'c à une plus étroite. Tout acte d’hommage qui a pour but l’acquittement d’une dette est une satisfaction, indépendamment de cette circonstance accidentelle qu’il comporte ou non le fait de supporter une douleur. Au contraire, si la soulïrance comme telle copstitue un élément essentiel de l’action réparatrice, de telle sorte qu’on mette l’accent, non plus sur ['hommage dans la soulïrance, mais sur l’hommage dans la souffrance, alors cette satisfaction s’appelle proprement expiation. »

2° Constructions soteriologiqu.es. — Selon que l’une ou l’autre de ces notions est adoptée comme point de départ — et, d’une manière plus ou moins systématique, toutes le furent à l’occasion — l'œuvre du Christ se présente sous un jour différent.

1. Système du châtiment.

Pas un chrétien ne pouvait appliquer à la rédemption le concept de châtiment proprement dit. Mais, si le Christ ne fut jamais coupable devant Dieu, on a cru pouvoir admettre qu’il n’en fut pas moins traité comme tel.

D’ordinaire, c’est la justice vindicative qui est mise au premier plan. Parce qu’il est un désordre, le péché appelle une sanction. Exigence tellement sacrée que, même en pardonnant, Dieu n’a pas renoncé — et l’on ajoute souvent qu’il ne le pouvait — à rétablir l’ordre par ce moyen.

Mais il n’y a pas d’obstacle invincible, assure-t-on, à ce que le châtiment soit acquitté par un autre que par le débiteur, qui pourra, de la sorte, être amnistié sans que la justice perde rien de ses droits. C’est à une mutation de ce genre que se ramène la rédemption. Dans cette perspective, sans être personnellement l’objet de la colère divine, le Christ en ressent tous les cfïcts, du moment qu’il voulut prendre par substitution la place des pécheurs. Les textes de saint Paul sur le Fils de Dieu fait « malédiction » et « péché » pour