Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/276

Cette page n’a pas encore été corrigée

1965

    1. RÉDEMPTION##


RÉDEMPTION. CATEGORIES TRADITIONNELLES

L966

Satan, cette doctrine est restée constante dans l'Église, col. 1932-1942, et les actes du magistère, col. 1915-1929, en ont consigné l’essentiel. Par où l’idée générale d’une restauration surnaturelle, due à la médiation du Christ et spécialement au mystère de sa mort, porte à bon droit le nom de dogme. A la même autorité dogmatique les formules modernes de mérite et de satisfaction participent à leur tour, dans la mesure où l'Église les a reçues pour traduire cette notion.

2. Convenances postérieures.

Guidée par l’enseignement de la révélation et de l'Église, la raison peut du moins y apercevoir des convenances, qu’on se gardera de surfaire autant que de négliger.

Le concept large d’un médiateur qui nous rapproche de Dieu, à condition qu’il ne supprime pas notre part nécessaire d’elïort, et plaide notre cause en cas de péché, n’a rien que de conforme à notre nature, qui en éprouve à la fois le désir et le besoin. Beaucoup plus encore, si l’on fait intervenir la chute originelle, est-il normal que l’humanité retrouve la vie et l’amitié divines, comme elle les a perdues, par l’intermédiaire d’autrui.

Or qui pourrait mieux remplir cette mission que le Verbe incarné? L’union hypostatique le prédestine à devenir le chef moral de notre race et, si elle n’est pas indispensable à sa dignité, la fonction de rédempteur lui donne certainement un nouveau relief. Motif puissant pour qu’elle entrât dans le décret divin de l’incarnation. Du seul point de vue historique, l’avènement du Christ se pose comme un fait assez notable pour qu’il ne soit pas malaisé d’admettre que Dieu ait voulu en faire dépendre nos destinées dans l’ordre surnaturel.

Quant à l’expiation de nos péchés par la mort du rédempteur, la gloire de Dieu et le bien de l’homme n’y sont-ils pas également intéressés ? Tous les arguments qu’on a dû récuser à titre de preuves, col. 1961, sont au moins des indices et gardent leur valeur comme tels.

Sans supprimer le recours, seul décisif en l’espèce, à l’autorité du témoignage divin, ces convenances rationnelles peuvent en faciliter l’intelligence et l’acceptation.


III. Analyse de la rédemption. —

Fixé par la révélation sur le fait et le sens de notre rédemption par le Christ, le croyant peut ensuite entreprendre de l’expliquer. S’il suffit à la foi simple de savoir que la mort du Sauveur nous obtient de Dieu la rémission de nos péchés, la théologie a la mission et l’espoir de montrer comment.

Catégories traditionnelles.

Rien ne semble, au

premier abord, moins difficile, tellement serait grande ici, d’après les exposés courants, l’abondance des matériaux.

1. Exposé.

Nécessairement la doctrine de la rédemption est corrélative à celle du péché, comme le terminus ad quem par rapport au terminus a quo. De ce chef, il n’est peut-être pas de mystère chrétien qui ouvre à l’esprit, au moins en apparence, des horizons plus variés. « Autant d’aspects du péché, autant de faces de la rédemption. Si le péché est une déchéance, la rédemption sera un relèvement ; si le péché est une infirmité, la rédemption sera un remède ; si le péché est une dette, la rédemption sera un acquittement ; si le péché est une faute, la rédemption sera une expiation ; si le péché est une servitude, la rédemption sera une délivrance ; si le péché est une offense, la rédemption sera une satisfaction du côté de l’homme, une propitiation du côté de Dieu, une réconciliation mutuelle entre Dieu et l’homme. » F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, 10<> éd., p. 226. « Tous ces points de vue sont justes dans une cer taine mesure, poursuit l’auteur, p. 240 ; tous doivent être mis en lumière et ils ne peuvent l'être que successivement. » C’est, en effet, à ce genre d’analyses successives que la plupart des théologiens, pour ne rien dire des exégètes et des prédicateurs, ont longtemps borné leur effort.

Un besoin d’ordre, sinon d’unité, pouvait-il cependant ne pas se faire sentir ? De ces multiples catégories, plus ou moins représentées dans l'Écriture et dans la tradition antérieure, le Docteur angélique, en tout cas, n’a gardé que quatre espèces : mérite et satisfaction, sacrifice et rançon. Sum. th., UI a, q. xlviii, a. 1-4. Ce cadre est resté classique et, le prestige de son auteur aidant, il règne encore autant que jamais, non seulement chez les commentateurs de saint Thomas d’Aquin, mais également, tout au plus avec de minimes retouches, dans la plupart de nos manuels.

2. Fondement.

Hasard ou calcul, il se rencontre que ces deux groupes binaires de catégories sotériologiques sont rangés par saint Thomas dans l’ordre inverse de leur apparition au cours des temps. C’est dire que, s’ils sont l’un et l’autre incontestablement traditionnels, ce n’est pourtant pas tout à fait de la même façon.

Rançon et sacrifice appartiennent au vocabulaire biblique et patristique le plus formel. Après avoir largement alimenté la langue religieuse du paganisme, ces termes ont fourni a la foi chrétienne son premier vêtement et ils n’ont pas cessé de la servir alors même que d’autres s’y sont ajoutés.

Satisfaction et mérite, au contraire, ne sont entrés qu’au Moyen Age dans la théologie de la Rédemption. Voir J. Rivière, Sur les premières applications du terme « salisfactio » à l'œuvre du Christ, dans Bulletin de lill. eccl., 1924, p. 285-297, 353-369, et 1927, p. 160164. Mais ce fut pour s’y tailler, de très bonne heure, une place prépondérante, qui leur reste acquise depuis lors. Il faut les tenir pour synonymes des précédents, à cela près, sans que d’ailleurs ce partage ait rien d’exclusif, qu’ils caractérisent plutôt le style de l'École, tandis que les autres conviennent davantage à la prédication et à la piété.

Bénéficiaires d’un long usage qui suffirait à les accréditer, ces quatre concepts, chacun à sa manière, expriment, au surplus, l’un ou l’autre des aspects sous lesquels se présente le mystère générateur de notre salut. En tant qu’elle comporte une délivrance, et qui ne coûte rien de moins que la vie même du libérateur, la rédemption chrétienne tient évidemment du rachat. Par comparaison avec les rites sanglants dans lesquels l’humanité cherchait la paix avec Dieu, la mort du Christ s’offrant lui-même en victime à son Père pour le fléchir en notre faveur est, sans conteste, de tous les sacrifices le plus véritable et le plus parfait. Que si, dans cet acte sacerdotal, on envisage le droit aux faveurs divines qu’il confère à son auteur ou l’hommage qu’il rend à la souveraineté de son destinataire, n’a-t-il pas tout ce qu’il faut pour apparaître sous l’angle du mérite et de la satisfaction ?

Justement chères à nos théologiens comme un bien de famille, toutes ces analyses peuvent être conduites en fait avec plus ou moins de linesse et de bonheur : il n’est pas douteux qu’elles n’aient un fundamentum in re.

3. Valeur.

Encore ne faut-il pas attendre de ces

notions et du cadre qui les rapproche plus qu’ils ne peuvent donner.

Assez indépendantes l’une de l’autre pour autoriser chacune son propre développement, elles ne le sont pourtant, au fond, que secundum quid. Quelque application, en effet, qu’il mette à nuancer l’expression de son respondeo dicendum pour le tenir à l’alignement de la question posée, il est visible que les