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L959 RÉDEMPTION. EXPLICATION TIIÉOLOGIQUE : LA SATISFACTION 1960

devenu congénital comme une seconde nature. Loin d’autoriser cet excès, l'Évangile est d’accord avec l’expérience pour laisser au mal moral son caractère d’accident.

A égale distance de ces deux extrêmes se tient la via média de la théologie catholique, où le péché se définit, avec saint Thomas, Sum. th., Ia-II », q. lxxi, a. 1, un acte humain désordonné. Voir Péché, t. mi, col. 14C-153 ; P. Galtier, Le péché et la pénitence, Paris, 1929, p. 11-57.

2. Malice.

On n’envisage parfois le désordre du péché qu’en fonction des souffrances qu’il entraîne dans ce monde ou dans l’autre. Aspect fondé et sans nul doute éminemment révélateur, mais néanmoins superficiel. De l’effet il faut savoir remonter à la cause et, suivant la formule de l'École, avec le realus pœnie faire entrer en ligne de compte le realus culpse.

Ce qui caractérise proprement le péché, c’est d'être un manquement à la loi divine : Dictum vel faclum vel concupitum contra legem œternam, suivant la définition augustinienne adoptée par saint Thomas, Sum. th., Ia-II », q. lxxi, a. 6.

Mais, à travers la loi qui n’est qu’une abstraction, il atteint forcément le législateur. Le caractère inévitable du péché est d'être, en définitive, une offense de Dieu.

3. Portée.

Ainsi donc le péché est certainement tout d’abord le mal de l’homme. En raison de la diminution morale dont il le charge et des sanctions auxquelles il l’expose, il doit même être considéré comme le plus grand de tous les maux.

Ce n’est pourtant pas assez dire. Non point que le péché blesse ou diminue proprement Dieu en luimême ; mais il le prive de la gloire extérieure que la bonne marche de la création devrait normalement lui procurer. C’est ce que la langue chrétienne, après saint Anselme, appelle ravir à Dieu l’honneur qui lui est dû.

On voit, dès lors, comment se présente, au regard de l'âme religieuse, la situation d’un monde qui n’est pas seulement troublé par la faiblesse ou la malice d’innombrables individus, mais sur qui pèse cette faillite collective qui résulte du péché originel.

3° Rétablissement de l’ordre : La satisfaction pour le péché. — Cette ruine de l’ordre spirituel n’est pourtant pas irréparable : la doctrine chrétienne du péché s'équilibre par celle de la satisfaction.

1. Principe.

En vertu de cette mobilité même qui lui permet de faillir, l’homme, tant qu’il est in statu via :, reste susceptible de relèvement. Il ne dépend que de lui, moyennant le secours divin qui ne lui fait pas défaut, d’en réaliser les conditions. Voir PénitenceRepentir, t. xii, col. 722-746.

Sans doute il n’est pas possible au pécheur d’annuler ses actes coupables, qui demeurent à jamais dans l’ordre du réel. Mais, à défaut d’une action rétrospective sur le passé, il garde en mains une meilleure disposition du présent. Si le péché ne peut pas être aboli par son auteur dans sa réalité physique, il peut être moralement réparé.

Contrairement ù la notion protestante de la pénitence, il ne suffit pas, pour cette réparation, d’interrompre l’habitude ou, bien moins encore, l’acte du péché. Seul peut êlre réparateur un effort positif de notre part. Voir P. Galtier, Le péché et la pénitence, p. 58-77.

2. Application.

Dans ce « mouvement de volonté contraire au mouvement antérieur d, Sum. th., l^-II 03, q. lxxxvi, a. 2, il faut donc d’abord et avant tout faire entrer la contrition, qui est l’hommage intime rendu par la conscience à la loi supérieure du bien. Manifestement il ne saurait y avoir de pardon s ; ins cela. Voir Contrition, t. iii, col. 1673-1677.

Mais il faut y ajouter un élément nouveau, directe ment et activement ordonné à la réparation du mal commis. C’est a quoi le. terme de satisfaction, encore que, sensu lato, il comprenne également ce qui précède, est proprement réservé.

Normalement cette satisfaction comporte des actes pénibles, qui répondent à la jouissance illégitime incluse dans le péché, savoir les peines que nous envoie la justice divine nu celles que le pécheur s’inflige à luimême spontanément. Sum. th., laII », q. lxxxvii, a. 6. Il est clair néanmoins que ni les unes ni les autres ne peuvent avoir de valeur que par la bonne volonté de celui qui les offre ou les subit. En termes d'école, elles sont, par rapport à la satisfaction, un élément matériel, dont l’intention du sujet constitue l'élément formel. Voir P. Galtier, De inc. ac red., p. 394-397. A ce désordre moral qu’est le péché seul peut remédier un acte de l’ordre moral.

Ces deux éléments, interne et externe, de la satisfaction peuvent, d’ailleurs, être diversement réalisés. Déjà, pour notre nature déchue, l’accomplissement du plus certain de nos devoirs prend un caractère onéreux. Sum. th., suppl., q. xv, a. 1 et 3. Tel est, en particulier, le cas pour la contrition : aussi peut-on concevoir, à la limite, qu’elle implique suffisamment de charité pour obtenir par elle-même l’absolution ab omni pœna devant Dieu. Ibid., q. v, a. 2.

En définitive, la peine ou toute autre pénalité ne joue, dans l'économie de la satisfaction, qu’un rôle accidentel. Satisfactio, déclare saint Bonaventure, In Ilpaa-Sent., dist. XVIII, a. 2, q. iii, édition de Quaracchi, t. iii, p. 393, fit maxime per opéra pœnalia. De même Scot, Opus Oxon., In 7//um Sent., dist. XX, qu. unie, n. 8, éd. de Lyon, t. vii, p. 429, demande uniquement, pour « satisfaire », unum vel multos actus diligendi Dcum propter se ex majori conalu liberi arbitra (jiiam fuit conatus in peccando. Seul donc est essentiel pour un pécheur, quelle qu’en soit la matière ou l’occasion, le redressement de sa volonté, avec les œuvres de surcroît qui en sont logiquement le fruit, parce qu’il répond seul au canon classique de saint Anselme, Cur Deus homo, i, 11, P. L., t. clviii, col. 377 : Honorem quem rapuit Deo solvere.

Le Christ médiateur.

Du moment qu'à la satisfaction personnelle du coupable la foi chrétienne surajoute la médiation du Rédempteur, une claire notion

de la christologie traditionnelle n’est pas moins indispensable pour comprendre de quelle manière et à quel titre il peut intervenir dans ce processus.

1. Son être.

Fils de Dieu fait homme ou, plus simplement, Homme-Dieu, le Christ est en deux natures et, par conséquent, possède une double activité. Des opérations qui en résultent la personne divine est le terme unique et non pas le moyen d’exécution. La nature humaine garde, par conséquent, son jeu normal dans le ressort qui lui est propre et la grâce de l’union hypostatique, sans rien changer à ses actes, leur donne seulement une nouvelle dignité. La kénose imaginée par la théologie protestante moderne est dénuée de sens non moins que de tou^c attache avec la tradition. Voir t. viii, col. 2339-2349.

Or c’est par son humanité que le Christ est constitué médiateur. I Tim., ii, 5. Étant l’un de nous, il peut devenir le nouvel Adam qui répare l'œuvre néfaste du premier. I Cor., xv, 21-22 et 45-17.

Son existence terrestre est celle d’un fils tout dévoué au service de son Père, Luc, ii, 49 et, Matth., xx, 28, qui pousse l’abnégation jusqu’au sacrifice de la croix. Phil., ii, 8. En regard de cette unité psychologique et morale, l’antique distinction luthérienne entre son obéissance active et son obéissance passive apparaît comme une sorte de vivisection. La vie. et la mort du Sauveur forment un tout, que la sotériologie catholique, voir I, . Billot, Dr Verbo inc, 4e éd., p. 493, envi-