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RÉDEMPTION. DOCTRINE DE SAINT PAUL


56 : >, qui ne traite cette méthode géométrique avec une juste sévérité.

Au nom d’une sélection inverse, les protestants libéraux ne veulent connaître de la prédication de Jésus que ses appels à la pénitence et cette révélation inconditionnée du Dieu Père dont la parabole de l’enfant prodigue est éminemment l’expression. De quoi ils s’autorisent pour exclure comme contradictoire l’éventualité d’une satisfaction préalable dont sa mort serait le moyen. Voir A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, p. 21-27. Mais ces deux aspects de l’Évangile ne s’opposent pas. On peut donc et il faut également retenir, pour les compléter l’une par l’autre, la promesse du pardon divin et la médiation du Fils qui en est la condition.

Parmi les « erreurs des modernistes » figure la suivante : Doctrina de morte piaculari Christi non est evangelica, sed lantum paulina. Décret Lamenlabili, n. 38, Denzinger-Bannwart, n. 2038. En condamnant cette position pour faire du Christ en personne la source de sa foi au mystère de la rédemption, loin d’avoir rien à redouter d’une saine critique, l’Église garde sur les systèmes adverses l’avantage de rester fidèle à l’Évangile dans toute son intégrité.

Témoignage des Apôtres.

« Scandale pour les

juifs et folie pour les païens », I Cor., i, 23, le sacrifice de la croix, dont le Maître leur avait découvert le secret, ne laisse pas d’être, pour les Apôtres, un des objets principaux de leur prédication.

1. Foi de la primitive Église.

Destiné d’abord à des juifs, le message des premiers disciples commence, tout naturellement, par se mouvoir dans les cadres messianiques, mais élargis sous l’action de l’esprit chrétien. Si donc Jésus est annoncé comme le Messie, Act., iii, 13, il est en même temps donné comme Sauveur, iv, 1 1, et le bienfait primordial qu’il garantit aux siens est la rémission des péchés, v, 31 ; cf. ii, 38 ; iii, 19 et 26 ; x, 43 (dans la bouche de saint Pierre) ; xiii, 38-39 (sur les lèvres de saint Paul).

Cette grâce de salut est mise en étroite relation avec la mort du Christ. Si les Apôtres avaient d’abord partagé sur ce point les préjugés de leurs contemporains, cf. Matth., xvi, 22, et s’il avait fallu que Jésus lui-même, après sa résurrection, « leur ouvrît l’esprit pour comprendre les Écritures », Luc, xxiv, 45, cf. ibid., 25-28, ils avaient fini par élever leur intelligence au niveau de cette révélation. Aussi les voit-on associer le drame du Calvaire à l’œuvre messianique du Maître comme répondant à « un dessein arrêté de Dieu ». Act., ii, 23 ; iv, 28.

Au nombre des prophéties dans lesquelles s’exprime ce plan divin, Act., iii, 18 ; xiii, 27 et xxvi, 22-23, le c. lui d’Isaïe tenait un rang spécial, viii, 28-36. En même temps que le fait providentiel de la passion, comment aurait-il pu ne pas en faire apparaître également le sens rédempteur ?

Sous ces diverses influences, la catéchèse primitive dont saint Paul résume la teneur, I Cor., xv, 3, portait « que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures ». Témoignage que les critiques les moins confessionnels s’accordent à tenir pour décisif. Voir J. Holtzmann, Lchrbuch der N. T. Théologie, Fribourg-en-Br. , 1897, t. i, p. 366-367 ; Ad. Harnack, Das Wesen des Christentums, Leipzig, 1900, p. 97.

2. Doctrine de saint Paul.

Gardien de cette foi, qu’il transmettait comme il l’avait reçue, l’Apôtre des gentils allait, en outre, la développer sous ses diverses faces, jusqu’à l’encadrer dans une large et riche théologie. Voir Éd. Tobac, Le problème de la justification dans saint Paul, Louvain, 1908, p. 131-225 ; F. Prat, La théologie de saint Paul, t. ii, 10e éd., Paris, 1925, p. 191-277 ; R. Bandas, The masler-idea of saint Paul’s Epislles or the Rédemption, Bruges, 1925. Doctrine

complexe, au demeurant, qui pose, dans le détail, force problèmes d’exégèse ou de spéculation, et qu’on ne peut exposer ici que per summa capita.

A la base de cette synthèse doctrinale, il va de soi qu’on suppose l’authenticité des lettres communément reconnues à saint Paul. Le morcellement dont A. Loisy, La naissance du christianisme, Paris, 1933 et Remarques sur la littérature épistolaire du Nouveau Testament, Paris, 1935, emprunte le programme à « H. Delafosse » (J. Turmel), Les écrits de saint Paul, Paris, 1926-1928, n’est qu’une de ces créations subjectives qui ont toutes les chances d’appartenir à la catégorie des systèmes mort-nés.

a) La mort du Christ dans l’économie du salut. — Dès la première de ses épîtres, où la perspective du jugement tient encore tant de place, l’Apôtre évoque la parousie du Fils de Dieu, en rappelant qu’il « nous a préservés de la colère à venir ». I Thess., i, 10. Un peu plus tard, il parle des chrétiens comme rachetés au prix de son sang, I Cor., vi, 20 ; vii, 22-23. Priser vation et rachat qui s’entendent, il va de soi, dans l’ordre spirituel ; « car Dieu dans le Christ se réconciliait les hommes, ne leur imputant plus leurs péchés ». II Cor., v, 19.

Ces traits épars vont prendre, au début de l’épître aux Romains, les proportions d’une synthèse grandiose et destinée a rester classique. Aux deux régimes de l’ancienne économie religieuse, loi naturelle et loi mosaïque, l’une aussi bien que l’autre impuissantes à nous justifier, s’oppose le régime nouveau du salut gratuit qui nous vient par le moyen de la rédemption dans le Christ Jésus », Rom., iii, 23-24, « lequel fut livré pour nos fautes et ressuscita pour notre justification ». Ibid., iv, 25.

< Justifiés dans son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés de la colère par lui. » Ibid., v, 9. La mort du Christ devient un principe subjectif de réconfort pour le croyant sur qui pèse l’angoisse de son péché, mais parce qu’elle est, au préalable, le moyen objectif choisi par l’amour de Dieu pour nous en obtenir la rémission.

Tout cet exposé du plan divin aboutit au parallèle des deux Adam. Rom., v, 12-21. Du premier nous n’héritons pas seulement la mort, mais un véritable péché qui entraîne une condamnation. Voir Péché originel, t. xii, col. 306-311. Au second nous sommes redevables de la justice, de la grâce et de la vie. C’est même le retentissement salutaire de l’œuvre de celui-ci qui permet à l’Apôtre de comprendre l’influence néfaste de celui-là. Leur action est de sens inverse, mais de même extension et de même efficacité. Cf. I Cor., xv, 21-22 et 45-49.

Sous une forme plus dense, les épîtres de la captivité dessinent une semblable économie du salut, qui se développe suivant la même trilogie : état préalable de péché comme terminus a quo ; réconciliation avec Dieu, qui comporte l’adranchissement de nos âmes et leur affiliation au royaume céleste, comme terminus ad quem ; mort sanglante du Christ comme facteur immédiat de cette rédemption. Eph., i, 5-10 et ii, 1-18 ; Col. i, 12-22 ; I Tim., ii, 5-6. Restauration spirituelle qui, dans la perspective paulinienne, ne s’entend pas seulement des individus, Gal., ii, 20 et I Tim., i, 15, mais encore et surtout, Act. xx, 28 ; Eph., v, 23-27 ; Tit., ii, 14, de l’Église comme corps.

b) Efficience de la mort du Christ. — Outre la claire attestation du rôle central dévolu à la mort du Christ dans l’économie du surnaturel, on peut tout au moins surprendre chez l’Apôtre quelques suggestions théblogiques sur le mode spécial de son action.

Comme afin de mieux étreindre un mystère qui le déborde, saint Paul, quand il s’agit de l’énoncer, multiplie sans aucun souci d’unification les analogies de