Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/252

Cette page n’a pas encore été corrigée
1917
1918
RÉDEMPTION. DOCTRINE : CONCILE DE TRENTE


Aucune hérésie n’intéressait plus gravement l’œuvre du Sauveur que le pélagianisme. Le canon 21 du concile d’Orange (529), Denzinger-Bannwart, n. 194, montre combien l’Église en eut conscience. « Si la justification vient par la nature, y est-il déclaré d’après Gal., ii, 21, le Christ est mort pour rien… Bien au contraire, il est mort afin d’accomplir la Loi… et aussi de réparer en lui-même la nature perdue par Adam » : … ut natura per Adam perdila per illum reparetur.

Diviser le Christ en deux « personnes », comme le faisait bon gré mal gré Nestorius, avait pour conséquence inévitable de fausser le but de sa mort. Le lien qui rattache l’union hypostatique au mystère de la rédemption s’affirme dans l’anathématisme 10 de saint Cyrille d’Alexandrie, Denzinger-Bannwart, n. 122 : « …Si quelqu’un dit qu’il s’est offert en sacrifice pour lui-même et non pas plutôt pour nous seuls

— car il n’avait pas besoin de sacrifice, n’ayant pas commis de péché — qu’il soit anathème. » Bien que d’origine privée, ces anathématismes ont fini par prendre une certaine autorité pratique dans l’Église, en suite de leur insertion d’ailleurs tardive dans les actes du concile d’Éphèse et des conciles postérieurs. Celui-ci a l’intérêt de refléter la foi de l’Église au sacrifice rédempteur de la croix.

En dehors de toute controverse, le symbolum fidei du XI" concile de Tolède (675), appuyé sur II Cor., v, 21, présente l’oblation du Christ comme un sacrificium pro peccalis. Denzinger-Bannwart, n. 280.

2. Époque médiévale.

Pas plus que la période patristique, le Moyen Age n’a connu de choc doctrinal sérieux en matière de rédemption. Seules quelques intempérances dialectiques d’Abélard amenèrent le concile de Sens (1140) à censurer une de ses propositions, que nous retrouverons en temps et lieu (col. 1 945). Acte plutôt négatif et qui ne dépassait pas suffisamment les contingences du cas pour être l’occasion d’un progrès.

La foi commune de l’Église à cette époque s’exprime incidemment, soit dans les termes bibliques de rançon et de sacrifice, comme dans le canon 4 des conciles de Quierzy (853) et de Valence (855), provoqués par la controverse prédestinatienne, Denzinger-Bannwart, n. 319 et 323, soit par le retour plus ou moins littéral aux formules du symbole, ainsi que dans les professions de foi souscrites par Bérenger (1079), ibid., n. 355 : Christi corpus… pro salute mundi oblalum, et Michel Paléologue (1274), ibid., n. 462 : … in humanitate pro nobis et salute noslra passum, ou dans celle que promulgue, ibid., n. 429, le quatrième concile du Latran (1215) : … pro salute humani generis in ligno crucis passus et mortuus.

Un peu plus tard, le formulaire ecclésiastique s’enrichit du concept de « mérite », qui survient dans une bulle de Clément VI relative aux indulgences (1343), Denzinger-Bannwart, n. 552, puis dans le décret d’Eugène IV pour les jacobites, ibid., n. 711 : Firmiter crédit, profitetur et docet [romana Ecclesia] neminem umquam… a diaboli dominatione fuisse liberalum nisi per meritum nwdialorïs.

Au vocabulaire traditionnel l’Église commençait de la sorte à joindre l’un des termes que l’École utilisait depuis saint Anselme avec une parfaite unanimité qui avait déjà par elle-même la valeur d’un consensus.

Période moderne.

Comme tant d’autres, la doctrine

de la rédemption allait recevoir, au moment de la Réforme, un surcroit de précision et de clarté.

1. Enseignement du concile de Trente. — Loin de péricliter au sein du protestantisme, l’œuvre rédemptrice du Christ y devenait un élément essentiel du système de la justification par la foi. Voir Justification, t. viii, col. 2137-2146. Ce n’est donc pas le besoin de

réagir contre l’erreur, mais le souci de donner à la synthèse catholique toute sa plénitude qui amena le concile de Trente à y toucher. Voir J. Rivière, La doctrine de la rédemption au concile de Trente, dans Bulletin de littérature ecclésiastique, 1925, p. 260-278.

a) Session V : Mérite du Christ. — En définissant la transmission héréditaire du péché originel, le concile en souligne, au passage, l’extrême gravité, dont il demande la preuve à la façon dont il nous est remis. Ce qui ramène à faire intervenir, comme une donnée connue, l’œuvre du Rédempteur et la notion de mérite qui est une des manières de l’exprimer. Sess. v, can. 3 ; Denzinger-Bannwart, n. 790 ; Cavallera, Thésaurus, n. 871.

Si quis hoc Adapeccatum

… vel per humante nature

vires, vel peraliud remedium

asserit tolli quam per meri tum unius mediatoris Do mini nostri Jesu Christi, qui

nos Deo reconciliavit in san guine sun, factus nobis justi fia, sanctificatio et mUiiiptin (I Cor., i, 30), aut negal ip sum Jesu Christi meritum

per baptismi sacramentum…

applicari, A. S.

Si quelqu’un affirme que

ce péché d’Adam… est enlevé

soit par les forces de la na ture humaine, soit par un

autre remède que le méritede

l’unique médiateur [qu’est]

Notre-Seigneur Jésus-Christ,

qui nous a réconciliés à Dieu

dans sou sang, « en deve nant pour nous jus liée, sanc tification et rédemption »,

ou bien s’il nie que ce mérite

de Jésus-Christ soit appliqué

pai le sacrement du bap tême…, qu’il soit anathème.

Ce rapprochement entre le médiateur et le premier père, en vue d’opposer à l’action néfaste de celui-ci la mission salutaire de celui-là, est une allusion manifeste au parallèle paulinien des deux Adam. Aussi, pour caractériser le rôle du second, le texte conciliaire emprunte-t-il volontiers les formules de saint Paul ; la suite y ajoute d’ailleurs, à titre justificatif, des déclarations d’allure encore plus générale telles que Act., iv, 12 et Joa., i, 29. De ce dossier scripturaire le terme abstrait de mérite accentue et précise la portée ; mais il est ici employé comme usuel plutôt que proprement défini.

6. Session VI : Mérite et satisfaction du Christ. — Une seconde fois la doctrine centrale de la justification, qui fit l’objet de la session vi, allait amener le concile à rencontrer celle de la rédemption qui en est le fondement.

Suivant le cadre dessiné au début de l’Épître aux Romains, le décret commence par traiter brièvement de naturæ et legis ad justifïcandos homines imbecillitate. En regard de cette impuissance consécutive à la chute se dresse un exposé non moins succinct de dispensatione et mysterio advenlus Christi. Sess. vi, c. i-ii ; Denzinger-Bannwart, n. 793-794. La défaillance du genre humain, aggravée plutôt que guérie par les deux régimes provisoires sous lesquels il vécut, appelait à titre de remède la venue du Rédempteur, qui, dès lors, ne s’affirme pas seulement comme le principe eflicace de notre salut, mais arrive à prendre une sorte de nécessité.

Pour achever d’inscrire la justification dans le plan général du surnaturel, le concile en veut, un peu plus loin, expliquer les > causes. qui sont ramenées à cinq : finale, efficiente, méritoire, instrumentale et formelle. Nomenclature scolaire qui permet de l’envisager tour à tour sous ses différents aspects. C’est évidemment Dieu seul qui peut nous justifier. Mais le jeu souverain de cette « cause efficiente » n’en est pas moins préparé par l’intervention d’une » cause méritoire ». Rubrique sous laquelle s’introduit le rôle du Christ dans l’économie du salut. Sess. vi, c. vu ; Denzinger-Bannwart, n. 799 et Cavallera, Thésaurus, n. 879.

… Meritoria autem [causa … Quant à la cause mérijustificationis ], dilectissimus toire de la justification, c’est Unigenitus suus, Dominus son très cher Fils unique,