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RÉDEMPTION. DOCTRINE DE L’EGLISE : SYMBOLES


Au contraire, dans le second cas, le péché n’est plus seulement un mal à guérir, mais un désordre à réparer. Qu’on parle d’un hommage rendu à Dieu en compensation de nos taules ou d’un acquittement bénévole de la peine qui nous était due, le Christ est conçu comme réalisant en notre faveur une œuvre qui a un sens et une valeur en soi, indépendamment de ses répercussions possibles ou réelles sur nous. Au lieu de viser seulement l’homme, il vise également Dieu : la rédemption est alors de caractère théocentrique et objectif.

Il faut d’ailleurs ajouter que, dans l'économie de la foi chrétienne, la considération du péché individuel est subordonnée à celle de la faute collective qui pèse sur le genre humain. De ce chef, la rédemption signifie avant tout la réparation de la déchéance originelle et le rétablissement par le Christ à notre profit du plan surnaturel primitif, suivant le schème classique : inslilulio, destittitio, restilulio.

2. Termes usuels.

Pour désigner ce mystère, le langage ecclésiastique dispose de vocables nombreux et divers.

Il s’agit tout d’abord d'énoncer le rôle actif du Sauveur dans la reprise de nos bons rapports avec Dieu. La Bible fournit à cette fin l’image populaire de rachat, les analogies rituelles d’expiation et de sacrifice, les catégories sociales de médiation et de réconciliation ; l'École y ajoute les notions plus savantes de satisfaction et de mérite. Tandis que les professionnels retiennent plutôt celles-ci, la langue courante se sert plus ou moins équivalemment de toutes les autres. L’allemand a le privilège d’avoir deux mots : Erlôsung et Versôhnung, qui correspondent respectivement aux deux aspects, général et précis, du salut ; l’idiotisme anglais alonement exprime ce dernier avec une originalité qui défie la traduction.

Au surplus, quand elle est prise au sens objectif, la rédemption apparaît comme une œuvre accomplie pour une bonne part à notre place. En conséquence, elle implique une certaine idée de substitution. D’où la formule technique salisfaclio vicaria, qui a l’infortune de ne pouvoir guère se traduire qu’en allemand, et qu’on se gardera d’invertir en ce lamentable pléonasme substitutio vicaria qui n’est rien moins qu’inouï. Voir Franzelin, Traclatus de SS. Eucharistiæ sacramento, Rome, 4e édit, 1887, p. 326-328 ; Hugon, Le mi/stère de la Rédemption, Paris, 6e édit., 1927, p. 270.

II. Doctrine de l'Église. — C’est un fait souvent constaté qu’il faut, d’ordinaire, à l'Église la pression de la controverse pour l’amener à formuler officiellement sa propre foi, tandis qu’elle laisse à l'état plus ou moins vague celles de ses croyances même les plus fondamentales, qui ne rencontrent pas de négateurs. Nulle part sans doute ce cas ne se vérifie mieux qu’au sujet de l'œuvre du Christ, qui, pour n’avoir de longtemps pas soulevé de problème, n’a non plus reçu que très tard un commencement de définition.

Période ancienne.

Avant le concile de Trente

on ne trouve aucun acte saillant de l’autorité ecclésiastique sur le chapitre de la rédemption. Les voies communes du magistère ordinaire suffisent aisément à garantir aux fidèles la possession normale de la régula fidei.

1. Époque patrislique.

Indirectement toutes les hérésies relatives à la personne du Christ en arrivaient à compromettre son œuvre de salut. Mais celle-ci n’a jamais proprement suscité de contestation. La prétendue erreur du gnostique « Bassus », en réalité Colorbasus, voir ce mot, t. iii, col. 378-380, qu’on a parfois donné comme un ancêtre du subjert ivisme abélardicn, n’est due qu'à une méprise d’Alphonse de Castro, Ado. omnes hær., c. iv : Clirislus, Anvers, 1565, fol. 122 v°,

recueillie de confiance par Suarez, De incarn., disp. IV, sect. iii, 5, édit. Vives, t. xvii, p. 56.

Ni le docétisme, en effet. iii, plus tard, le nestorianisme ou le pélagianisme, en dépit de la logique, ne déroulèrent leurs virtualités en matière de sotériologie. La Gnose, où le ministère prophétique du Christ constituait le principal de son action salutaire, se disqualifiait assez par l’ensemble de sa christologic pour ne pas apparaître comme un danger spécial en matière de rédemption. Aussi l’ancienne Église n’eut-elle pas à insister sur ce point.

a) Symboles primitifs. — Non seulement la lecture des livres saints maintenait les premières générations chrétiennes en contact réel avec l'œuvre du Christ, mais la catéchèse ecclésiastique leur en proposait le sens.

On a dit que, dans la primitive Église, en dehors de la christologie sur laquelle se concentrait l’attention, « le reste paraissait accessoire ». A. Sabatier, La doctrine de l’expiation et son évolution historique, p. 43. Défaut de perspective dû à une méprise complète sur la portée des premiers symboles de la foi, dont le type est le symbole romain. Textes dans Hahn, Bibliolhek der Symbole, p. 122-127 ; choix des principaux dans Denzinger-Bannwart, n. 2-10.

Ces formules sans prétentions théologiques, où la carrière terrestre du Sauveur est succinctement résumée, n’ont pas pour but d’en indiquer et, moins encore, d’en épuiser la signification. On n’oubliera pas que l'Écriture, la prédication générale et la liturgie de l'Église en formaient le commentaire perpétuel. Même réduite à la forme simple de l'Évangile, la christologie implique une sotériologie : le processus normal de la pédagogie chrétienne suffisait à en dégager cet aspect.

Il s’en faut, du reste, que la lettre du symbole soit aussi indigente qu’on veut bien l’assurer. A lui seul déjà le rappel de la venue au monde et de la mort du Christ laisse entendre qu’il ne s’agit pas là de faits indilTérents. Le texte, au surplus, se continue bientôt par une allusion à la « rémission des péchés ». Grâce qui, de toute évidence, non plus que le don de la « vie éternelle » qui en est la suite, ne saurait rester étrangère à l’avènement du Fils de Dieu et, par là-même, en est posée, au moins d’une manière implicite, comme le fruit.

A ces paroles s’ajoutait d’ailleurs la leçon vivante des rites. Dans l’ablution baptismale se réalisait pour les âmes le bienfait de la rédemption, cependant que la cène eucharistique la reliait expressément à la mort du Rédempteur.

b) Symboles postérieurs. — En même temps qu’ils élargissent, à rencontre de l’arianisme, les énoncés de la première heure sur la personne du Christ, les symboles rédigés à partir du ive siècle accusent aussi en termes plus explicites sa mission de sauveur.

Pour l’ensemble de l'Église, deux documents autorisés attestent ce développement. Qui puopter nos et PROPTER nostram salutem descendit de cœlis, … crucifixus etiam pro nouis, lit-on dans le symbole dit de Nicée-Constantinople, qui a pris place dans les prières de la messe. Denzinger-Bannwart, n. 86. Et plus synthétiquement dans le symbole dit de saint Athanasc, ibid., n. 40 : Qui passus est pro salute nostra.

On relève des énoncés analogues dans les textes symboliques de diverses Églises du monde chrétien. Voir Denzinger-Bannwart, n. 9, 10, 13, 16 et 54 ; Hahn, op. cit., p. 135, MO et 157.

c) Condamnai ion des grandes hérésies. — Quelques obiter dicta sur la rédemption sont également fournis par les définitions dogmatiques opposées par l'Église aux erreurs du temps.