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1911
1912
REBELLUS — REDEMPTION


mariage. L’auteur prend fortement parti pour la doctrine sévère, niant même la probabilité intrinsèque de la matière légère que, à ce moment, d’excellents moralistes, comme Lessius et Sanchez, tendaient à admettre. C’est à l’exposé et à la démonstration de Rebellus que renverra l’Opus morale in pnecepla decalot/i, (1631, I. V, c. vi, n. 12) de Sanchez, où l’on peut lire une rétractation de l’opinion favorable à la matière légère, que présentait le De milrimonio du célèbre moraliste, voir art. Jésuites ( Théologie morale), t. Vin, col. 1087. Cette rétractation et ce renvoi a Rebellus, publiés en 1613, sont-elles de Sanchez luimême († 1610) ou de l'éditeur de son œuvre posthume ? Il faut noter que Sanchez a pu connaître l’oeuvre de Rebellus, qui parut en 1608, et l’utiliser dans son manuscrit, si la rédaction de ce passage est bien de lui. En tout cas Rebellus a été sans conteste un des premiers moralistes à soutenir avec tant de netteté une doctrine, qui allait devenir commune et qu’Acquaviva ne devait pas tarder à faire prévaloir dans la Compagnie de Jésus.

Si l’on met à part ces questions sur le mariage, les autres matières exposées par Rebellus dans son volume forment un traité analogue aux De juslilia de Molina, Soto, Lessius : ce traité n’a pas rencontré le succès de ces derniers, malgré les réelles qualités de clarté et de précision qu’il présente, malgré sa forme soignée et son fond très riche (des détails sur les opérations commerciales et financières du temps gardent en particulier un sérieux intérêt historique).

Saint Alphonse ne cite Rebellus que rarement et, semble-t-il, de deuxième main. Ce qui a fait survivre surtout le nom de ce moraliste, ce furent les discussions sur le probabilisme. Depuis Concilia (Ad Iheol. christ, apparatus, t. i, t. III, diss. vi, c. viii, § 6, n. 7), il est cité en tête, dans l’ordre historique, des rares jésuites qui s’efforcèrent de résister au probabilisme d’abord triomphant ; de nos jours, Mgr Millier, Theol. mor., 6e éd. 1889, t. i, § 78, le met au nombre des tutioristes et des probabilioristes ; le P. de Rlic, Diclion. apolog., art. Probabilisme, col. 318, le maintient parmi les quelques dissidents qui font dissonance dans l’accord probabiliste de 1580 à 1656, — et il juge cet auteur un équiprobabiliste. En sens opposé, dans le catalogue de moralistes placé en appendice de sa Théologie morale, Lehmkuhl proteste contre la qualité d’adversaire du probabilisme qu’on attribue à tort à Rebellus, Theol. mor., 8e éd., 1896, t. ii, p. 82.").

Qu’en est-il au juste ? Dans sa dédicace à Acquaviva, Rebellus a déclaré qu’il s'était elïorcé avant tout de donner une doctrine, qui fût « plus commune, plus approuvée, plus sûre, plus solide » et de se tenir entre les moralistes qui lâchent par trop les rênes et ceux qui les serrent à l’excès. En fait, certaines de ses solutions sont sévères, rigoureuses et imposent des opinions probabilioristes ou tout au moins également probables ; mais en beaucoup d’autres, comme nous avons pu nous en assurer, il autorise à se servir d’opinions simplement probables. En tout cas, nulle part, à notre connaissance, il n’a traité directement et à fond la question du probabilisme, ni explicitement déclaré son jugement sur le système. Aussi, croyonsnous qu’il serait historiquement plus exact de ne pas citer Rebellus comme auteur antiprobabiliste, ni surtout probabiliorisle, et tout au plus de parler à son propos de tendance à la sévérité et à la rigueur dans les matières de justice.

P, Ant. Franco, Ano santn da Companhla de Jésus em Portugal (1721), rééd. Porto, 1931, p. 601 ; Somtnervoçel, Bibl, de ht Comp. <le Jésus, t. vi, col. 1559-1560j Ilurter, Nomenclator, 3 « éd., 1007, t. iii, col. 598.

R. IJkouillard.


RECHLINGER ou REHLINGER François,

né à Augsbourg en 1607, entré dans la Compagnie de Jésus en 1626, enseigna à Ingolstadt et à Dillingen la philosophie, la théologie, l'Écriture sainte et la controverse ; il mourut à Inspruck le 8 décembre 1670.

Il publia plusieurs thèses soutenues en discussion publique, en particulier De scientia Dei creata et increata, Dillingen, 1656 ; De libéra Dei prædestinalione et reprobalione hominum, ibid., 1657 ; De sacramento pœnilentiæ, ibid., 1661.

Sommcrvogel, Bibl. de la Compagnie de Jésus, t. vi, col. lôiil sq.

J.-P. Grausem.

RECHLINGER ou REHLINGER Frédéric,

né à Augsbourg en 1652, admis dans la Compagnie de Jésus en 1669, professa à Dillingen la philosophie et la théologie morale et scolastique ; il mourut le

12 février 1716. Nous avons de lui plusieurs thèses philosophiques et théologiques défendues en soutenance publique. D’après Sommcrvogel, le séminaire d’Eichstâtt conserve de lui plusieurs commentaires inédits de la Somme de saint Thomas : De Deo uno et trino, De angelis, De virtute et sacramento pcenitenlise.

Somtuervogel, Bibl. de la Compagnie de Jésus-, t. vi, col. 1665 sq. ; l’r. S. Romstock, Pie Jesuilennutlen Prantl’s an der UniocrsUiU Ingolstadt, Elchstâtt, 18)S, p. 304-307.

J.-P. Grausem.


RÉDEMPTION, terme générique pour désigner le salut du genre humain par la vie et la mort du Christ, c’est-à-dire la solution donnée par le christianisme à l’un des problèmes essentiels que devrait ou voudrait résoudre toute religion. —
I. Affirmation de la foi catholique.
II. Genèse de la foi catholique (col. 1921).
III. Explication de la foi catholique (col. 1957).
IV. Notes sur l’histoire littéraire de la question (col. 19)2).

I. AFFIRMATION DE LA FOI CATHOLIQUE.—

Du latin red.em.plio, qui se rattache à la racine redimere, le mot « rédemption » évoque, à la lettre, un acte de « rachat ». Métaphore de l’ordre commercial, qui s’applique usuellement, par extension, à toute idée de délivrance et spécialement à l’action par laquelle Dieu travaille à libérer l’homme de ses misères. Ce concept, qui, en soi, peut convenir à la préservation ou à la guérison des simples maux physiques, se réalise éminemment dans l’ordre spirituel par rapport à ce mal par excellence qu’est le péché. Mais, à ce point de vue, « rédemption » est un terme des plus compréhensifs, dont il faut d’abord distinguer avec soin les divers aspects pour déterminer le point spécifique sur lequel la foi chrétienne fait porter son enseignement. —
I. Notion de la rédemption. —
II. Doctrine de l'Église (col. 1915).

I. Notion de la rédemption. —

Même sans faire intervenir l’immense variété des religions humaines, le christianisme est de contenu suffisamment riche pour qu’une catégorie aussi souple que celle de rédemption y puisse trouver les applications les plus différentes. De ce chef, il n’est peut-être pas un mot de la langue religieuse qui donne lieu à autant d’indécisions ou d'équivoques, auxquelles peut seule obvier l’analyse méthodique des acceptions qu’il est susceptible de revêtir.

Sens large.


Il suffit d’avoir devant l’esprit la moinde notion de Dieu et de l’Ame pour voir s’en dégager un certain concept de rédemption.

En effet, l’homme apparaît à la raison comme un être spirituel, doué de conscience et de libre arbitre. Ce qui lui donne les moyens d’assurer le règne de l’ordre sur ses appétits inférieurs. Kt si, dans cette lutte, son inévitable contingence le rend capable de défaillir, sa liberté même lui permet de se redresser. Toute vie morale est-elle autre chose, en somme, qu’un per-