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1910
REALISME — REBELLUS


coup d’autres qui l’ont continué, si avisée qu’elle paraissent si munie qu’elle soit d’informations, n’en est pas moins pour l’essentiel foncièrement inintelligente ». Tout cela est fort bien. Mais on n’a pas le droit d’en tirer que ce qui est inintelligent, c’est l’objectivité historique. Par exemple la recherche des intentions de Dieu sur nous, les jugements de valeur que nous portons à ce sujet et à propos de la Bible atteignent des réalités noétiques par derrière des faits matériels sérieux. Il y a des réalités du cœur et de l’esprit rendues par des réalités sensibles ; et il faut prendre garde de substituer indirectement à la contemplation du réel matériel et spirituel un fidéisme vague. Bien au contraire, ce qui est vrai, c’est qu’il faut connaître tout le réel, le réel des événements quasi-matériels et plus encore le réel des esprits qui meuvent le monde : le réel de la science et le réel de la métaphysique noétique, les deux sources du vrai absolu. Soucieux de dépasser le stade inférieur des simples constatations d'érudition, le P. Laberthonnière explique, p. 155-156, que, lorsque les historiens aboutissent à leur insu « à des conclusions doctrinales qui portent sur le fond des choses », ils ne se rendent pas compte qu’ils introduisent dans leur science une croyance. Certes il s’agit d’une croyance, d’une interprétation. Mais cette interprétation peut être juste, être le fruit d’une juste option. Il y a une science absolue de l’interprétation dans les esprits bien faits. C’est leur manière de connaître l’absolu spirituel. Toutes ces réalités sont riches et nuancées. Elles se rattachent peu à peu à l’ordre matériel dont Dieu lai-même est le Créateur. Il n’y a donc pas seulement deux attitudes : une foi globale et une érudition superficielle. Certainement, l'Évangile est de l’histoire orientée de manière à faire porter des jugements de valeur. Mais précisément, à cause de cette base historique, la méthode historique aide à la compréhension de la Bible à tous ses degrés : théologie biblique, psychologie des évangiles. A partir de l’histoire on connaîtra mieux les dogmes en eux-mêmes et comme désincarnés des circonstances de temps et de lieux où ils ont été révélés. Ce sont les érudits trop simplement érudits qui ont rendu l’histoire vaine ou dangereuse, parce que, la bornant à ses matérialités, ils ont voulu la déshumaniser. L’histoire remplit au contraire un tel rôle dans le réalisme chrétien, qu’il n’y a plus qu'à s’en remettre aux intuitions supérieures de l'Église inspirée, qui se présente elle-même dans le cadre historique de la théologie positive. Lorsqu’on veut juger l'Église elle-même, c’est à son histoire qu’on jugera la conformité de son œuvre et de sa doctrine. Le mot histoire est pris ici dans le sens, évidemment très étendu et métaphysique, de connaissance des valeurs spirituelles concrètes et réelles à travers les faits historiques également réels.

Enfin dans le dernier chapitre de son livre Le réalisme chrétien et l’idéalisme grec, p. 191-212, le P. Laberthonnière montre comment se concilie l’immutabilité de Dieu et de ses dogmes avec la mobilité des événements qui font que le christianisme prend peu à peu connaissance de ses immuables richesses divines. C’est là un nouvel et précieux exemple de la manière dont l’histoire fait connaître, pourrait-on dire, ce qui dépasse l’histoire. Toujours des accidents, pour employer le langage scolastique, font de mieux en mieux connaître, dans leurs apparitions successives, l'être substantiel dont ils sont comme l'éventail, tant il est vrai que partout, dans sa théologie, le catholicisme de Catharin, Capréolus, Thomas d’Aquin et Augustin vient s’adapter au réalisme de Plotin, et plus simplement encore ai réalisme concret, à la réalité.

Outre les ouvrages cités et analysés au cours de l’article on pourra consulter :.1. Chevalier, L’idée et le réel, Grenoble, 1932 ; P. Dehove, Essai critique sur le réalisme thomiste eom DICT. DE THÉOL. CATHOL.

paré à l’idéalisme kantien, Lille, 1907 ; G. Dwelshauvers, Réalisme naïf et réalisme critique, Bruxelles, 1890 ; A. Forest, La réalité concrète et la dialectique, Paris, 1931 ; H.-D. Gardeil, Les étapes de la philosophie idéaliste, Paris, 1935 ; R. Garrigou-Lagrange, Le sens commun, la philosophie de l'être et les formules dogmatiques, 3e édit., Paris, 1932 ; du même. Le réalisme du principe de finalité, Paris, 1932 ;

E. Gilson, L’idéalisme méthodique, Paris, 1936 ; M.-M. Gorce, L’essor de la pensée au Moyen Age : Albert le Grand, Thomas d’Aqinn, Paris, 1933 ; du mime. Premiers principes de philosophie, Paris, 1933 ; du même. Saint Vincent terrier, Paris, 1924 ; du même, Cajétan précurseur de Catharin et de Bancs, dans le recueil Cajétan, Saint-Maximin, 1935 ; M.-M. Gorce et F.-M. Bergounioux, Science moderne et philosophie médiévale, Paris, 1930 ; M. Grabmami, lier kritische Rcolismus Oswald Kûlpes, Vienne, 1910 ; du même. Die Geschichle der kaiholischen Théologie seit dan Ausgang der Vaterzeil, Fribourg, 1934 ; du même, Thomas von Aquin, Munich, 1930 ; A. Hodgson, The melaphysic af expérience, Londres, 1898 ; P. Kremer, Le néo-réalisme américain, Louvain, 1920 ; O. Kiïlpe, Einleiiung in die Philosophie, Leipzig, 1921 ; du même, 1 ie Realisierung, Leipzig, 1912 et 192(1 ; « lu même, Lut Kaiegorielehre, Munich. 1915 ; L. Laberthonnière, Le réalisme chrétien et l’idéalisme grec, Paris, 1904 ; G. Maire, William Jcmes et le pragmatisme religieux, Paris, 1933 ;

F. Olgiati, / a filosofia bergsoniana ed il realismo, dans

1 iidsta dl filoso fia neo-scolastizs Li’ii. ( Ottiviïno, Crilica del idealismo, Naples, 1930 ; M. D. Roland-Gosselin, Le De ente et essentia de saint Thomas d’Aquin, le Saulchoir, 1920 ; J. Souilhé, La philosophie chrétienne de Descartes à nos jours,

2 vol., Paris, 1934 ; R. Verneaux, Les sources cartésiennes et kantiennes île l’idéalisme français, Paris, 1930 ;.1. YVahl, La philosophie pluraliste d’Angleterre et il' Amérique, Paris, 1920 ; du même. Néo-réalisme d’Angleterre et d’Amérique, dans Revue. philosophique, 1923. — l’ourle surplus des études et des articles de revue consacrés au réalisme, consulter la table des matières annuelle dans la collection de la Revue des sciences philosophiques et théologiques et la collection du Bulletin thomiste.

M.-M. Gorce.

    1. REBELLUS Ferdinand##


REBELLUS Ferdinand, (Feknao Rebei.o), jésuite portugais, ne en 1546 dans le diocèse de Lamego, a Prado, ou, d’après le P. Franco, à Caria. Entré au noviciat le 20 mai 1052, il enseigna six ans la philosophie et douze ans la théologie à l’université d’Evora et en fut huit ans chancelier. Il était renommé à la fois pour sa science et sa mansuétude dans les discussions publiques. Appliqué ensuite à la prédication, il lit en 1600 un voyage a Rome comme envoyé de sa province à la congrégation des procureurs et mourut à Evora, le 20 novembre 1008.

On a de lui un ouvrage de morale casuistique, dont il surveilla l’impression à Lyon en revenant de Rome et qui parut l’année de sa mort : Opus de obligationibus justifias, religionis et caritalis… doctoribus et confessoribus perulile et perjucimdiun, ad R. P. Claudium Acquavii>a, ejusdem societatis præpositum generalem, Lyon, 1608, in-fol., 889 p. L’ouvrage parut aussi en 1610 à Venise avec cette légère modilication du titre : De obligationibus, etc. quæstiones D. Ferdinandi Rebelli, etc. Dans sa dédicace au P. Acquaviva, Rebellus déclare qu’il a été invité et même, malgré ses résistances, forcé parle P. général à faire paraître quelques-uns de ses commentaires scolaires sur saint Thomas. L’ouvrage devait comprendre cinq parties, trois sur la justice, les deux autres sur la religion et la charité, et former deux volumes. Le premier seul de ces volumes a vu le jour ; il contient les deux premières parties de la justice : généralités et restitution ; contrats. La mort a sans doute empêché l’auteur d’achever ou, en tout cas, de publier son deuxième volume.

En tête des contrats, — ceci est propre à Rebellus et ne se rencontre pas dans les autres ouvrages similaires de l'époque, croyons-nous, — il est traité du contrat matrimonial : tout ce qui concerne la morale naturelle du mariage y prend place. A ce propos (t. III, q. xix, sect. ni) est examinée la question de la légèreté de matière en fait de luxure directe hors du

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