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QUESNEL. BIOGRAPHIE


Vineam Domini (col. 1512). XIII. Fénelon et Quesnel (col. 1519). XIV. Les attaques contre le livre des Réflexions morales (col. 1520). XV. Louis XIV demande une bulle et l’obtient (col. 1528).

I. Biographie de Quesnel (1634-1719). — Pasquier Quesnel, né à Paris, rue Saint-Jacques, le 14 juillet 1634, fit ses humanités chez les jésuites du Collège de Clermont et ses études philosophiques et theologiques en Sorbonne. Il était maître es arts le 29 novembre 1653 et entrait à la congrégation de l’Oratoire le 17 novembre 1657. étant simple tonsuré, bien qu’il lût âgé de 23 ans. Il se mil sous la direction du P. Berthad, supérieur de la maison de l’institution et fut ordonné prêtre, le 21 septembre 1659, par Nicolas Sevin, ancien évêque de Sarlat et coadjuteur de Cahors, avec la permission des vicaires généraux du cardinal de Retz ; il célébra sa première messe le 29 septembre et resta dans la maison de l’institution jusqu’au mois d’octobre 166(5, chargé d’enseigner les cérémonies, d’organiser la bibliothèque et de diriger les frères. Durant ce séjour, Quesnel signa, en 1661, 1662, 1664 et 1665, le formulaire d’Alexandre VII et celui de l’Assemblée du clergé.

Comme on le trouvait trop sévère pour les jeunes confrères, on le fit passer, à la fin de 1666, au séminaire Saint-Magloire, où il demeura trois ans. comme second directeur, tandis que le supérieur de la maison était le P. Juannet.un augustinien très zélé. C’est alors vraisemblablement qu’il s’attacha à Arnauld, lequel se tenait caché au séminaire Saint-Magloire, jusqu'à la paix de Clément IX, et qu’il publia ses premiers écrits contre le sieur M aile t (ci-dessous col. 1472). Quesnel entreprit de réformer Saint-Magloire, « pour en faire une maison vraiment ecclésiastique ». Au mois de novembre 1669, Quesnel revint à la maison de Paris, où il compta parmi ses élèves, Soanen, le futur évêque de Senez. C’est à Saint-Magloire que prit naissance le célèbre ouvrage qui devait provoquer tant de polémiques : les Réflexions morales sur le Nouveau Testament. C'était alors un recueil des paroles de NotreSeigneur, avec quelques courtes réflexions. Quesnel commença à publier quelques écrits et il fut chargé de faire, à la maison Saint-Honoré, des conférences sur le dogme, la morale et la discipline de l'Église. En 167K. l’archevêque de Paris, M. de Ilarlav, pour purger du jansénisme la congrégation de l’Oratoire » et aussi pour des motifs de vengeance personnelle, au dire de Quesnel, demanda l'éloignement de Quesnel. Celui-ci se retira à Orléans, où l'évêque, Cambout de Coislin, plus tard cardinal et grand aumônier de France, lui accorda tous les pouvoirs pour exercer le ministère. Ses biographes parlent de ses succès dans la direction et la prédication. Mais l’assemblée de l’Oratoire d’octobre 1684 fit un décret touchant 1rs opinions qu’on devait suivre dans les écoles. Quesnel refusa de souscrire et dut quitter Orléans ; il se retira d’abord chez les oratoriens de Mons, mais il y resta fort peu de temps et il vint à Bruxelles. Là, il trouva Arnauld, qui avait dû quitter la France en 1678. Quesnel vécut avec Arnauld jusqu'à la mort de celuici, en 1694, et prit une part plus ou moins active aux travaux du célèbre docteur. Il compléta ses Réflexions morales et en publia plusieurs éditions, considérablement augmentées. Durant ce long exil, Quesnel écrivit à ses amis de très nombreuses lettres, toutes pleines de précautions minutieuses, d’allégories et de paraboles, où l’auteur lui-même se cache sous des pseudonymes très variés et désigne ses correspondants sous des noms divers. En voici quelques-uns : Quesnel s’appelle lui-même le P. prieur, M. de Fresnes, M. de Frekenberg, le baron de Rebeck. M. Du Puis, M. de Pozzo, Mme Quesnel ; Arnauld est désigné par les noms suivants : le prieur de Bosnel. Mlle de Raincy.

DICT. DE THÉOI.. CATHOI..

M. Du Rieu, mon oncle, notre P. abbé, M. David ou M. Davy, le cher Didyme, dom Antoine ; Duguet est appelé le cousin Du Rieu, M. de Lory, M. Le Fossier, M. de Lisola, ma sœur ; Nicole s’appelle Rosny, M. de Bethincourt, le voisin, M. Le Doux ; Gerberon est désigné par les noms de M. Kerkré, le pape, M. de Saint-Martin, le P. Patrice ; le cardinal de Noailles est dom Bernard ou dom Antoine de Saint-Bernard ; Petitpied est M. Gallois ou Le Fort ; Fénelon est M. Du Repos, et les jésuites sont appelés les Rouliers ou les Noirs.

Après la mort d’Arnauld, le 6 août 1694, Quesnel poursuit ses travaux à Bruxelles, où il demeura jusqu’en 1703. A cette date et par suite des polémiques provoquées par le fameux Cas de conscience, Quesnel fut, le 30 mai 1763, sur les ordres du roi d’Espagne, enfermé, avec le P. Gerberon, dans les prisons de l’archevêché de Malines. Le 13 septembre de la même année, il s'évada « d’une manière inespérée et qui tient du miracle ». On trouve le récit pittoresque de cette évasion dans les histoires jansénistes. Xécrologe des appelants, p. 100-108 ; Albert Le Roy, Histoire diplomatique de la bulle, p. 122-100. Quesnel a raconté luimême ce drame, dans Motif de droit, p. 55, et Relation de la délivrance du P. Quesnel, lettre du 31 août (Bibl. nat., ms. fr. 19 739, p. 67-106 par Bellissime, pseudonyme de l’avocat Brunet, reproduit en partie dans la Correspondance de Quesnel, t. ii, p. 197-209). Voir aussi Y Histoire de la sortie du 1'. Quesnel des prisons de V archevêché de Malines, 1718, et le ms. fr. 19 736. Le ms. 19 739 contient de nombreux documents relatifs à l'évasion de Quesnel, eu particulier des lettres écrites de Bruxelles, du 30 mai au 18 octobre 1703, p. 1-65.

Après son évasion, Quesnel fit un séjour de quelques mois à Liège et se réfugia ensuite en Hollande, où il arriva en avril 170 1. Désormais sa vie est inséparable de La composition des innombrables écrits qu’il publia pour se défendre lui-même, pour défendre son livre des Réflexions et pour essayer de justifier Arnauld. II proteste de mille et mille manières contre la condamnation de son livre par la bulle Unigenitus, « qu’on ne peut accepter, écrit-il, sans condamner une partie des dogmes de la foi, et il suffit de savoir un peu son catéchisme pour voir tout d’un coup qu’on ne peut adhérer aux décisions de la bulle en question ». Quesnel affirme ici son infaillibilité personnelle et celle de ses amis ; il écrit à un oratorien, le P. Dubois, le 25 juillet 1715, ces paroles extraordinaires : o Le cri public des fidèles, une infinité d'écrits convaincants, quinze ou seize évêques qui sont l'élite de l'épiscopat et qui seuls se sont trouvés à l'épreuve des craintes et des espérances de ce monde et qui se sont exposés à tout plutôt que de recevoir la Constitution, ton les ces preuves suffisent pour prouver qu’elle est si énorme qu’on s’est cru obligé de s’exposer à la colère des puissances les plus respectables plutôt que de souffrir qu’elle soit reçue de l'Église. » Il écrit aussi que ce serait trahir la vérité et violer la justice que de condamner et de proscrire les cent vérités condamnées par la bulle ».

La mort de Louis XIV (oct. 1715) rendit l’espoir à Quesnel et à ses amis. Le Régent prit le contre-pied de la politique du roi et se montra nettement favorable aux jansénistes et aux parlementaires, leurs alliés. Certains songèrent au retour de Quesnel à Paris, mais celui-ci redoutait, à juste titre, les faiblesses du cardinal de Noailles. Il apprit avec joie l’appel des quatre évêques en 1717 et l’adhésion d’une partie de la Sorbonne à cet appel et à l’appel de Noailles. La fdle du Régent, la future abbesse de Chelles, par l’intermédiaire de son confesseur, le P. Louvard, le tint au courant des démarches qu’on fit auprès du Régent pour obtenir son retour en France

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