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la vie bénédictine à la Badia de Florence, malgré l’opposition de ses parents. Il y fut déjà fêté et encouragé par Côme III et les derniers Médicis, auxquels il avait été présenté. A la Badia, il fut mis tout de suite à l'école de Mobarach, un Maronite, devenu jésuite sous le nom de P. Benedetti, et qui, plus tard, avec son aide et d’après ses conseils, édita en collaboration avec un des Assémani les œuvres de saint Éphrem. Benedetti lui apprit le grec et l’hébreu. Sorti de page, c’est-à-dire passé au rang des profès (il avait 20 ans), il eut le loisir de jouir de la compagnie de Montfaucon. qui lit alors un séjour de deux mois à la Badia et même il soutint une thèse en sa présence, sur la grâce d’après saint Augustin et saint Thomas. Son abbé, Angelo Ninzio, était loin de décourager l’ardeur d’un tel néophyte. Querini, avec l'étude de la théologie, menait de front celle des mathématiques, lisait le P. Lami, contrôlait Euclide, fréquentait tout ce que Florence comptait alors de littérateurs et de savants : Salvini, Grandi, Buonarotti, Magalotti, surtout Antonio Ma gliabecchi. Côme III avait pensé à le nommer professeur à l’université de Pise. A 22 ans, il soutenait des thèses publiques à Pérouse, il enseignait la théologie et l’hébreu à ses jeunes confrères de l’abbaye. En 1710, il est autorisé à voyager pour étendre ses connaissances dans tous les domaines de l'érudition. Il fut en route pendant quatre ans, en compagnie de son frère. Il visita l’Allemagne, la Hollande, l’Angleterre et la France, prolitant de toute occasion pour se j faire présenter à tous les gens de science sur son chemin. Il vit en Hollande Gronovius, Huster, Jean Le Clerc, Quesnel lui-mîme et autres notoriétés jansénistes ; en Angleterre il discuta histoire avec les Burnet, vit Bentley, Hudson, Potter, deux fois Newton. Il plaignait les erreurs, mais se montrait bienveillant aux hom njs et sut leur faire apprécier sa politesse et son savoir vivre. Au retour d’Angleterre, passant par la Haye, il fut l’hôte du cardinal Passionei, un autre savant et curieux comme lui, salua à Leyde Perizonius, Jacques Bernard, Casimir Oudin, eut à Rotterdam un entretien amical avec le ministre Jurieu, alors octogénaire. Après quoi, ce voyageur éclectique se mit en rapports avec Papebrock à Anvers, et, à Cambrai, reçut le plus tendre accueil de Fénelon. A Paris, il prit logis en la docte abbaye de Saint-Germain des Prés. Il y retrouva Montfaucon, Massuet, Le Nourry, Félibien et les autres infatigables éditeurs ; chez le cardinal d’Estrées, il rencontra presque tous les littérateurs français qui vivaient en ces années 1711, 1712 et 1713, les autres, chez d’Aguesseau ; d’autres encore, comme dom Calmet, aux Blancs-Manteaux : Malebranche, Lelong, Le Brun, à l’Oratoire ; Noël Alexandre, Le Quien, Échard, aux dominicains de SaintJacques ou de Saint-Honoré ; Hardouin, Daniel, Gaillard, chez les jésuites. Et, hors des cloîtres, les savantes gens de l’Académie des Inscriptions et Belleslettres : Kenaudot, l’abbé Régnier-Desmarais, l’abbé Fleury, Houdard de la Mothe et tant d’autres, complaisamment énumérés dans les Mémoires. L’Académie ne le perdra plus de vue, et l'élira comme membre étranger en 1743 (titre qui lui plaira encore plus que ceux qui s’y sont joints ou s’y joindront d’associé des académies de Bologne, de Vienne, de Berlin, ou de Pétersbourg). Il se fait renseigner sur toutes les œuvres en cours, les controverses qui s’agitent ; il va à SaintDenis et s’intéresse, auprès de Denis de Sainte-Marthe, aux débuts du Gallia chrisiiana. On le mène à Fontainebleau, à Versailles. Ce gentilhomme vénitien aime les propos spirituels des gens de cour et rapporte, avec quelque apparence de vanité, les jolis compliments qu’on lui adresse. On le trouve en Ile-de-France, en Normandie, en Bretagne, en Champagne. Il voit Le Beuf à Auxerre, Bouhier à Dijon. Par la Bourgogne,

par Avignon, par l'île de Lérins, il est de retour en Italie en 1714.

lia vu au passage Muratori, avec qui il bataillera plus tard au sujet de la réduction des fêtes chômées. Sa congrégation bénédictine du Mont-Cassin le charge d'écrire les Annales de l’ordre de Saint-Benoît en Italie. Dans ce but, le voilà reparti en tournée scientifique, explorant les archives a Venise, Trévise. Padoue, Ferrare, Modène, Florence, Rome, Naples, le Mont-Cassin Ce travail ne fut pas poursuivi, Mabillon l’ayant fait en grande partie dans ses Annales, dont les cinq premiers volumes venaient de paraître de 1703 à 1713. Il en sortit pourtant, plus tard, son travail sur l’abbaye de Farfa. Il dut surtout séjourner à Rome, y gagna l’amitié de Prosper Lambertini (qui fut Benoit XIV), et les bonnes grâces du pape régnant. Clément XI, qui l’entendait volontiers sur les hommes et les affaires religieuses de France. Il est déjà consul teur de la Congrégation de l’Index, de celle des Rites ; en 1718, il fait partie de la nouvelle congrégation érigée pour la correction des livres de la liturgie byzantine, et publie une édition critique du Quadragesimale, d’après un manuscrit de la bibliothèque Barberini, avec des considérations qui lui attirent des contradictions et lui font prendre le parti de se livrer à d’autres études. Mais le pape voulut qu’il fût élu abbé de son ordre, et, peu après, le nomma à l’archevêché de Corfou. Il y arriva au mois de juin 1724. y travailla beaucoup pour l'édification de son peuple et la conversion des sehismatiques. Venu à Rome deux ans après, pour sa visite ad limina, il y fut retenu par Benoit XIII, qui l’emmena avec lui dans son voyage à Bénévent, le fit consulteur du Saint-Office, cardinal le 9 décembre 1720, et l’année suivante, le transféra au siège de Brescia. Il se rendit sans tarder dans son nouveau diocèse, pourvut dès lors à ses besoins spirituels et matériels avec la plus grande sollicitude, y appela des prêtres de la Mission, y dota un monastère de la Visitation, y lit venir des clercs réguliers pour diriger son séminaire, y acheva de S’js deniers et avec somptuosité la nouvelle cathédrale, y fonda une bi bliothèque importante, qui existe toujours et porte son nom. Clément XII le nomma bibliothécaire de l'Église romaine, l’autorisant a résider dans son dio cèse. a la condition de faire de fréquents voyages à Rome pour veiller aux intérêts de la bibliothèque Vaticane. Il lit en effet bien souvent le voyage, sa voiture chargée de livres : « Les lettres, disait-on, voyageaient, villégiaturaient, pontifiaient, dormaient avec lui. « A Rome il trouva encore moyen de restaurer des basiliques : Saint-Alexis. Saint-Marc, Saint-Grégoire et Sainte-Praxède. Il accrût les fonds de la biblio thèque Vaticane, mais il racheta plus tard pour mille écus un certain nombre des livres qu’il lui avail donnés, voulant en faire le premier appoint de sa bibliothèque Quiriniana.

Il était resté ou était entré en correspondance épis tolaire avec un grand nombre de lettrés de son temps. des origines les plus diverses. Ses relations avec Vol taire datent de 17 H. La dissertation qui précède la Sémiramis, jouée en 1748, lui est adressée. Il avail traduit en vers latins une partie de la Henriade el l’ode sur la bataille de Foatenoy. D’une complaisance extrême, il compulsait des manuscrits pour ses corres pondants, recueillait pour eux les notes utiles, aidai ! à la publication de leurs ouvrages. C’est ainsi qu’on lui doit notamment l'édition des œuvres de saint Éphrem, parue de 1732 a 1740, en six volumes in-folio. C’est surtout au cours d’un nouveau voyage qu’il (il en Suisse et en Allemagne, en 1747 et 1748, qu’il entra en rapports, le plus souvent amicaux, avec les plus notoires professeurs protestants des universités allemandes. Il n’y vit pas Schellhorn, le bibliothé-