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RAYNAUD


ment. Il ne fait aucun choix des auteurs qu’il cite et se contente de compiler quantité de passages et de citer beaucoup d’auteurs anciens et modernes, bons et mauvais sans aucune critique… Il est extrêmement diffus… Il s’éloigne souvent du sujet dont il s’était proposé d’écrire ; il a des pensées et des tours extraordinaires et bizarres ; il avait la plume extrêmement satirique et mordante et ses ouvrages sont pleins d’aigreur et de termes injurieux. Son style n’est pas moins extraordinaire, il affecte de se servir de termes hors d’usage et de mots tirés du grec, il emploie souvent des expressions triviales… Tout cela, conclut Du Fin, n’empêche pas que ses ouvrages ne soient quelquefois d’usage et qu’il ne soit bon de les consulter, quand on veut étudier les matières qu’il a traitées. »

Notre âge souscrirait volontiers à ce jugement en somme peu favorable, si même il n’en accentuait la rigueur. Égalé jadis aux Petau et aux Sirmond, le P. Raynaud est maintenant bien oublié. Son manque de critique, l’obscurité et l’affectation de sa langue, ses perpétuelles digressions, l’outrance déplaisante de sa polémique enlèvent presque tout leur prix à sa verve pittoresque, à sa curiosité d’esprit parfois originale, à son érudition incontestable mais trouble. Sur aucune des grandes questions théologiques, croyons-nous, il n’est plus invoqué ; ses travaux ne gardent quelque intérêt qu’en des points secondaires (le mensonge, le martyre, l’histoire ecclésiastique de Lyon, le costume liturgique…). Notons encore que ses démêlés avec l’Index et ce qu’il en écrivit sont importants pour l’histoire de cette institution et de son action en France.

Far ses qualités et ses défauts, le P. Raynaud reste en défnitive un type très représentatif de toute une classe de théologiens et d’érudils, combattifs, abondants et curieux, qui ont marqué jadis et n’ont pas été sans contribuer à mettre de l’ardeur et de la vie dans les sciences religieuses.

III. Œupes. — La liste des ouvrages, très divers de genre et de dimension, composés par le P. Raynaud durant près de quarante-cinq ans d’intense activité, ne tient pas moins de trente colonnes et de cent numéros dans Somme rvogel ; nous ne pouvons qu’y renvoyer.

Dans les dernières années de sa vie, le 1’. Raynaud, retiré à Lyon, avait entrepris une édition d’ensemble de ses œuvres revues, corrigées, complétées soit par des additions, soit par des travaux inédits. La mort empêcha l’entière exécution de son dessein. Un de ses confrères, le P. Jean Bertet, termina l’édition et la lit paraître, non sans difficultés, en 1665, à Lyon, sous le titre : Thvophili Rmjnaudi, Sccielalis Jesu theologi, opéra on nia, tum hactenus inedila quam alias excusa, longo aulhoris labore aucta et emendata… sumptibus Horalii Eoissiat ei Georgii Remeus, 19 tonus in-fol., le dernier ne contient que des tables. Un t. xx fut ajouté en 1669, formé d’une revue critique faite parle Père de ses propres ouvrages et, d’autre part, de divers écrits, la plupart de caractère très polémique et non avoués de son vivant par l’auteur. Ce volume était présenté comme édité à Cracovie chez Annibal Zangoyski, mais venait manifestement de la même imprimerie et des mêmes éditeurs que les dix-neuf autres.

Sans donner tout le détail des vingt volumes, nous en citerons les titres et en indiquerons le contenu général ainsi que, — s’il y a lieu avec la date de la première publication, — les ouvrages plus importants ou plus curieux, qui y sont présentés.

T. i. Theologia Patrum… Christus Deus homo ; t. il. De altribulis Christi. — Ces deux premiers tomes, le 1 er paru à Anvers en 1652, le 2e inédit, constituent une christologie développée.

T. m. Moralis disciplina ad præslruendam theologise practicæ ac jurisprudentiee viam.

T. IV. De virtutibus et vitiis. — Ce sont deux traités de morale plus philosophique que théologique, qui avaient été publiés à Lyon, l’un en 1629, l’autre en 1631. Raynaud y traite surtout des principes, sans descendre à la casuistique, et s’y montre plutôt rigoureux.

T. v. Theologia naturalis siue enlis creati et iiicreati intra supreniam abslraclionem ex naturæ lumine investigalio. A cette théologie naturelle, de forme très métaphysique, parue à Lyon en 1622, est joint un opuscule plus pratique Scalæ a visibili creatura ad Deum (Lyon, 1624).

T. vi. Eucharislica. Ce tome comprend six écrits se rapportant à des matières eucharistiques. Le 3e, Exuviee panis et vini in eucharislia (inédit) défend l’existence réelle des accidents ou espèces eucharistiques contre la philosophie cartésienne. — Le 4e, Christiaiuwi sacrum acathistum (Lyon, 1661) attaque l’usage de donner des chaises et de s’asseoir pendant le sacrifice de la messe. — Le 8e, De l a missa et de prœrogativis christiunæ Penleccsles (Lyon, 1658) prétend prouver que la première messe après la Cène a été célébrée le jour de la Pentecôte ; à ce propos il est traité de la l re messe de chaque prêtre et du jubilé sacerdotal de cinquantaine ; le panégyrique du P. Girin et l’éloge du P. Bonniel, dont il a été parlé plus haut, y sont joints. — Le 6e, De communione pro morluis traclatus (Lyon, 1630) soutient que la communion des fidèles n’a pas d’effet satisfactoire direct pour les fîmes du purgatoire ; il fut censuré à Rome (18 décembre 1646), mais l’éditeur obtint en 1664 la permission de le corriger et de le réimprimer, (cf. t. xi).

T. vu. Marialia. Cinq traités ayant pour objet les perfections ou le culte de la sainte Vierge. Le 2e, Scapulare Marianum illustration eldefensum (Paris, 1654) fut écrit contre Launoy à la prière du procureur général des Carmes ; il valut à son auteur, à sa mort, des prières de tout l’ordre. Le 3e est une défense du privilège de l’immaculée conception, Disserlalio de retinendo tilulo in n acululæ conceptionis, Cologne, 1651. Le dernier, O Parascevaslicum, etc. (Lyon, 1661) donne le précis de sept sermons prêches sur les sept antiennes solennelles qui précèdent la fête de Noël ; le P. Raynaud ne prit que cette seule lettre pour sujet.

T. viii. Hagiologium Lugdunense concerne l’histoire religieuse lyonnaise et renferme onze traités ou dissertations.

T. ix. Hagiologium exoticum. Six traités sur divers saints, sur le bon Larron, Judas, l’ange gardien.

T. x. Pontifîcia. Cinq dissertations sur les titres des papes, sur certaines bénédictions pontificales (Agnus Dci, Rose d’or, etc.), contre l’erreur du souverain pontificat attribué comme à un seul sujet à saint Pierre et saint Paul. Une phrase, « saint I’icrre et saint Paul, ces chefs de l’Église qui n’en font qu’un », mise par Bareos dans la préface du livre d’Arnauld, De la fréquente communion, souleva de vives discussions et donna lieu à une condamnation du Saint-Office, décret du 2 janvier 1647, Denz.-Bannw. n. 1091. L’opuscule du P. Raynaud, De bicipiti Ecclesia sub S S. Pelro et Paulo, etc., parut cette même année à Rome.

T. xi. Critica sacra. Neuf traités dont le plus remarquable est une étude sur la censure des livres, De justa et injusla confixione librorum seu Erotemala de bonis et malis libris, (considérations sur les livres à condamner, conduiteà tenir par les censeurs, etc.). Deux ouvrages du P. Raynaud avaient été mis à l’Index en 1646, le De marlijrio per peslem, cf. t. xvii, et VError popularis de communione pro morluis, cf. t. vi. En 1653 il fit paraître à Lyon ces Erotemala pour protester et exposer ses idées sur la censure des livres. A leur tour les Erotemala furent condamnés par décret du 3 février 1 659, spécialement à cause d’une censure satirique du