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RAYMOND DE PENYAFORT


dont il avait besoin dans l’administration du sacrement de pénitence, et même toutes les connaissances requises pour l’exercice de son ministère sacerdotal en général ; elles lui donnèrent en outre la solution des divers cas de conscience, et lui offrirent toutes les déclarations officielles, principalement du droit canonique, nécessaires pour l’exercice de son ministère auprès des fidèles.

Parmi les Summæ confessorum, la Summa casitum de saint Raymond occupe une place d’honneur et constitue sans conteste la Somme la plus célèbre et la plus importante par son intérêt et son influence considérable. Elle a un caractère foncièrement canonicomoral et pratique : elle apporte les remèdes aux pénitents et enseigne à tous les prêtres, même peu lettrés, la façon de porter secours à toutes sortes de pécheurs. Ce n’est qu’incidemment que l’on y trouve des exposés dogmatiques, alors que la partie pastorale y est amplement représentée. Il est donc naturel que dans la Somme de saint Raymond la profondeur et la subtilité de la spéculation, qui sont de mise dans les problèmes dogmatiques, soient pour ainsi dire absentes et c’est à tort que J. Dietterle, art. cit., en fait un grief au docteur catalan. On ne peut d’ailleurs nier que Raymond ait réussi à créer, dans le domaine où le droit est uni intimement à la théologie morale, un véritable système, et qu’il ait exercé une influence considérable sur les générations suivantes. Comme J. Dietterle lui-même le reconnaît, le docteur catalan semble être le premier, qui, dans les Summæ confessorum, ait introduit des distinctions juridiques dans le domaine de la morale et qui ait fait entrer des décisions et des déclarations du droit civil dans le droit canonique. Rien plus dans des questions purement civiles et matérielles il laisse au droit canonique de décider et relègue à l’arrière-plan les thèses du droit civil. D’où il suit que, dans saint Raymond, l'évolution du droit canonique, principalement en ce qui regarde le for intérieur, consiste à subordonner le droit civil au droit ecclésiastique et à faire absorber le premier par le second, de sorte que le docteur catalan et son époque sont à un tournant important de l'évolution du droit canonique.

On ne doit pas perdre de vue que la Somme du saint catalan est une compilation, un agrégat de doctrines et de thèses prises chez d’autres auteurs, que saint Raymond s’est elTorcé d’unir entre elles au moins par un lien logique externe. On ne peut donc lui reprocher le manque d’originalité dans les doctrines exposées, comme l’a fait à tort J. Dietterle, puisque le but poursuivi était avant tout pratique, à savoir rassembler les théories, thèses et sentences dispersées dans des volumes copieux et coûteux. Raymond est parvenu à exposer les discussions et les débats d’une façon claire et intelligible et à éviter les particularités et les difficultés superflues. L’exposé ne prend pas en général la forme d’une déduction strictement juridique, mais plutôt d’une instruction populaire dans la langue et le style qui caractérisent la scolastique du xme siècle. Il ne néglige pas de citer les autorités, entre lesquelles se trouvent non seulement des canonistes, mais aussi le droit romain. Ainsi dans le t. ii, De peccatis in proximum, dans lequel le docteur catalan introduit le droit civil et aussi plus spécialement le droit privé, on rencontre des exposés, dans lesquels les principes et les thèses du droit romain occupent une place d’honneur, comme par exemple dans les litres De furlis, de usiiris, de negoliis sœcularibus. Dans le titre De raploribus, priedonibus et incendiariis, il existe une série de questions, dont le contenu appartient essentiellement au droit privé et dans lesquelles il expose la doctrine de l’obligation de la restitution et de la compensation, de l’accomplissement de ce devoir par la cession de

l’héritage, la doctrine de l’héritage, de la prescription du juge, etc. Dans toutes les questions juridiques le dernier mot appartient au droit canonique, auquel le droit civil et privé est subordonné. Ainsi Raymond applique les principes du droit canonique à la responsabilité qu’entraînent les héritages pour les débiteurs et les testateurs, à la relation qui existe entre le « quart falcidique » et la partie obligatoire, à la bona fides dans la prescription et surtout en matière d’impôts. Il dénie toute valeur aux lois civiles qui mettent obstacle à l’imposition de l’impôt et applique les principes canoniques i de très nombreuses questions. Il examine par exemple si et dans quelle mesure les prescriptions canoniques ont été transgressées dans les différents métiers et les diverses affaires commerciales. Il déclare coupables de péché ceux qui achètent des produits à un vil prix dans l’intention de les vendre plus chers à d’autres (la glose elle-même fait observer que cette sentence est nimis dura, si indistincte intelligatur). Quant à la doctrine pénitentielle de saint Raymond, nous l’avons exposée dans Analecla sacra Tarraconensia, t. iv, 1928, p. 145-182. L’originalité de saint Raymond consiste donc moins dans la nouveauté des doctrines et des théories alléguées que dans les procédés suivis dans l’exposé des matières traitées.

De la grande autorité dont jouit la Somme de saint Raymond dans l’ordre des prêcheurs témoignent les prescriptions des maîtres généraux et des chapitres généraux et provinciaux de l’ordre par rapport à l’emploi obligatoire de la Summa casuum dans les écoles et à l’exposé des matières qui s’y rencontrent. La haute estime dans laquelle les dominicains avaient cette Somme est une autre preuve en faveur de sa grande autorité. Ainsi, tandis que dans l’ordre quelques-uns s’insurgeaient contre Albert le Grand et que d’autres s’opposaient à la doctrine de saint Thomas d’Aquin, tous ont traité toujours avec la plus grande bienveillance la matière théologique pratique exposée dans la Somme. Les professeurs dans les écoles et les auteurs dans leurs ouvrages invoquent continuellement l’autorité de Raymond pour confirmer leurs doctrines. Dans les bibliothèques de l’ordre une place d’honneur est réservée à la Summa casuum. Enfin l’autorité peu commune dont jouissait la Somme en dehors même de l’ordre des prêcheurs, résulte du nombre vraiment prodigieux des exemplaires qu’on trouve dans toutes les bibliothèques de tous les pays de l’Europe. Cf. A. Walz, S. Haymundi de Pengafort auctorilas in re p enilentiali, Rome, 1935, p. 3LÎ--16.

La Summa casuum de saint Raymond n’a pas seulement joui d’une grande autorité auprès des canonistes et théologiens contemporains et postérieurs au docteur catalan, mais elle a exercé aussi une influence considérable sur les Summæ confessorum et sur la littérature canonique. De très bonne heure des docteurs se sont appliqués à gloser la Somme de Raymond. Telle est, par exemple, la glose universellement connue du prêcheur Guillaume de Rennes. Un grand nombre d’auteurs se sont inspirés de la Somme de Raymond, qu’ils ont retravaillée de toutes façons. De nombreuses Sommes abrégées ont été composées sur le type de celle du « .octeur catalan et en ont été extraites en grande partie. Elles portent le nom de Summulæ S. Haymundi ou de Summulæ de summa S. Raymundi ou de Summulæ abbrenialæ S. Haymundi et elles se rencontrent presque aussi nombreuses que la Somme elle-même de saint Raymond. Elles sont généralement anonymes et se retrouvent dans toutes les bibliothèques d’Europe. Ainsi, d.s avant 1250, Arnulphe de Louvain, abbé de l’abbaye cistercienne de Villers, avait composé une Summa mclrica sur celle du saint (.odeur. Vers le milieu du xme siècle un clerc de Metz et vers la fin du même siècle Robert