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RAYMOND DE PENYAFORT


de Prierias, de saint Antonin de Florence D’après les critiques, le plus ancien ms. de la Somme de Raymond serait le cod. 370 de la bibl. de l’Arsenal de Paris ; d’après les Raymundiana, fasc. 2, p. 10, il daterait de 1244 ou 1245. A ce ms. il faut en ajouter un autre qui, à plusieurs points de vue, est beaucoup plus important. C’est le ms. 20-3-17 de la bibl. universitaire de Barcelone, écrit vers 1242, comme l’indique une formule placée sur la première feuille : prima die marlis aprilis ? anno Domini MCCXLII.

La Somme du docteur catalan constitue, comme l’auteur lui-même en convient dans le prologue, une collection ex diversis auctoribus et majorum meorum diclis, parmi lesquels il faut citer Vincentius Hispanus, Huguccio, Jean le Teutonique, Bernard de Pavie, Laurent d’Espagne, Alanus, Jean de Galles, Rofîrède et Tancrède. En dehors du droit canonique il a utilisé aussi le Corpus juris civilis, c’est-à-dire les Pandectes et le Codex juris civilis. D’après P. Mandonnet, Raymond aurait utilisé aussi et même dans une mesure assez large la Summa de pœnilenlia de Conrad de Teutonie, O. P., provincial d’Allemagne, que le docteur catalan a connu à Bologne ; voir La « Summa de pœnilenlia Magislri Pauli S. Nicolai », dans Aus der Geisleswell des Millelallers, t. i, dans Beilrâge z. Gesch. d. Philos, u. Theol. d. M. A., Supplementband, iii, Mûnster-en-W., 1935, p. 532-533.

Le but que s’était proposé saint Raymond, en rédigeant sa Somme, était de venir en aide à ses confrères et de leur donner des règles utiles pour la direction de leurs pénitents et pour la solution des cas de conscience rencontrés le plus habituellement au confessionnal. C’est dans ces termes d’ailleurs qu’il s’exprime lui-même dans le prologue : ut si quando fratres ordinis noslri vel alii circa judicium animarum in foro pœniienliali forsilan dubitaverint, per ipsius exercilium, lam in consiliis quam in judiciis, quæsliones mullas et casus varios ac difficiles et perplexos valeanl enodare ; voir éd. de Rome, 1603. D’après ce texte, saint Raymond ne se serait point proposé d’écrire une Somme destinée à l’enseignement scolaire, comme cela ressort d’un passage d’un des plus anciens manuscrits de la Somme, où on lit : lam in judiciis quam in scolis (ms. 370 de l’Arsenal), au lieu de lam in consiliis quam in judiciis, mais un guide à l’usage des confesseurs, comme il ressort des manuscrits et d’un passage de l’Ancienne vie. Voir Raymundiana, fasc. 1, p. 21-22.

La Somme proprement dite de saint Raymond, à l’exclusion du Traclalus de matrimonio, qui, comme nous le dirons plus loin, fut ajouté plus tard, constitue un travail systématique et est divisée en trois parties, dont le docteur catalan lui-même résume le contenu dans le prologue : Dislinguitur ergo per 1res parliculas, in quorum prima agitur de criminibus, quæ principaliler et directe commitluntur in Deum ; in secunda de his, quæ in proximum ; in lertia de minislris irregularibus et irregularilatibus et impedimenlis ordinandorum, dispensalionibus, purgationibus, sententiis, poenilenliis et remissionibus ; éd. cit., p. 2, col. 1. La première partie comprend 16 titres, qui en substance traitent : de simonia, de magislris et ne aliquid exiganl pro licenlia docendi, de judœis, etc., de hæreticis, schismaticis, aposlalis ; de volo et votorum transgressionibus ; de juramento, perjurio, mendacio, adultcrio, sorlilegiis ; de feriis, de immunilale ecclesiaslica, de decimis primitiarum el oblalis, desrpulluris ; la seconde a 8 titres, dans lesquels il est question : de homicidiis, torneamenlis, duello, ballistariis ri sagittariis, raptoribus, prtedonibus el incendiariis, furlis, usuris, negotiis strcularibus el ulrum de illicilis possil fieri clcenwsynn et de (deatoribus ; la troisième comprend 34 titres, dont la matière a été donnée en raccourci plus haut. Dans les éditions

de la Somme ces titres sont, à leur tour, subdivisés en paragraphes.

Quant à la méthode employée par le docteur catalan, il nous renseigne encore lui-même à ce sujet dans son prologue : il ne fait que suivre la méthode de tous les autres scolastiques. Il expose d’abord la matière annoncée dans chaque titre et dans chaque paragraphe et il y ajoute ensuite des dubise quæsliones et des casus. Il s’est efforcé de fournir un exposé clair, méthotique et complet de chaque matière, donnant tout ce qui pouvait être utile ou nécessaire pour une compréhension plus détaillée et plus complète de la matière traitée, et il a visé aussi à rejeter tout le superflu et à éviter toutes les répétitions inutiles. Il a ajouté enfin des notes précieuses de droit, où sont exposées certaines opinions touchant les questions qu’il examine.

Le prologue nous fournit également des renseignements, dont il résulte que saint Raymond doit avoir composé sa Somme proprement dite dans son couvent de Barcelone. Il y écrit en effet qu’il a rédigé son œuvre ad honorem bealæ Catherinæ, éd. cit., p. 1. Or sainte Catherine était la patronne du couvent des prêcheurs de Barcelone. Quant à la date de composition — nous excluons le Traclalus de matrimonio — on tient généralement qu’elle doit être fixée après 1234, date à laquelle Grégoire IX a promulgué officiellement les Décrétales collectionnées par saint Raymond. Le principal argument à l’appui de cette thèse se réduit au fait que les Décrétales de Grégoire IX y sont citées couramment et continuellement sous le sigle Extra. Cette opinion est admise par la généralité des auteurs, Fr. von Schulte, op. cit., p. 412, et J. Dietterle, art. cit., p. 535, en tête. Nous ne pouvons toutefois nous rallier à cette opinion, vu le grand nombre d’arguments contraires ; nous croyons plus fondée l’opinion, admise par les auteurs des Raymundiana, qui met la composition entre 1223 et 1229 (fasc. 2, p. 9, note 1), ou celle de A. Danzas, dans Études sur les temps primitifs de l’ordre de Saint-Dominique, IIe sér., t. ii, p. 152, 209, n. 1, 275-280, et de B. Kuhlmann, dans Der Geselzesbegriff beim heil. Thomas von Aquin, Bonn, 1912, p. 55-56, qui soutiennent que saint Raymond doit avoir commencé sa Somme avant 1234 (c’est-à-dire vers 1227), bien qu’il ait pu la terminer après 1234. Nous avons apporté dans les Ephemerides theologicæ Lovanienses, t. v, 1928, p. 65-70, un grand nombre de preuves, empruntées tant à la critique externe qu’à la critique interne, qui permettent de fixer la composition entre 1222 et 1230, c’est-à-dire entre la date de l’entrée de Raymond dans l’ordre des prêcheurs et la date de son départ de Barcelone pour la cour pontificale.

2. Importance de la Somme dans l’histoire de la pénitence. -= Quant à la place occupée par la Somme de saint Raymond dans l’évolution des traités pénitentiels. elle est d’une importance exceptionnelle. Pour le montrer, nous donnerons un résumé de l’exposé que nous avons fait dans notre ouvrage La confession aux laïques dans l’Église latine depuis le viii* jusqu’au XIVe siècle, Bruges, 1926.

Dans le haut Moyen Age prédominaient les livres pénitentiels à but exclusivement pratique, qui établissaient la pénitence à imposer pour les divers péchés et constituaient de la sorte un livre indispensable pour les prêtres. Plus tard, avec l’introduction des pénitences arbitraires, les traités de pénitence gardèrent leur caractère foncièrement canonique. Ainsi, dans les recueils des deux plus grands canonistes de l’époque de transition, on trouve principalement des préoccupations d’ordre pratique ; c’est à la partie morale, beaucoup plus qu’à la dogmatique, qu’ils donnent leur attention. Réginon de Priim, dans plusieurs chapitres de son traité De causis et disciplinis, dans P. L.,