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RAYMOND GODEFROID


erat captas et imprisonalus ; sed Raymundus exsolvit Rogerum a carccre quia docuil eum islud opus. Voir B. Hauréau, op. cit., p. 120 ; A. G. Little, The grey friars in Oxford, p. 194.

Raymond Godefroid ne se contenta pas de visiter les provinces italiennes, mais se rendit aussi au-delà des Alpes. Ainsi d’une lettre de l’archevêque Jean Pecham (voir Regislrum epislolarum J. Peckham, éd. C.-T. Martin, t. iii, Londres, 1885, p. 982), il résulte que Raymond Godefroid était en Angleterre avant le 12 août 1291. Il y présida le chapitre provincial le 15 août suivant et assista, les 8-9 septembre, aux funérailles de sa proche parente, Éléonore de Provence, reine-mère d’Angleterre. Après quoi, il visita la province d’Irlande et à la fin d’octobre il fut de nouveau en Angleterre. Il prêcha en effet à l’université d’Oxford le 28 octobre et le 1 er novembre. Ces deux sermons sont conservés dans le ms. Q. 46, fol. 294 r°-298 v°, de la bibliothèque de la cathédrale de Worcester et ont été édités par A. G. Little, dans Colleclanea franciscana, t. iv, 1934, p. 165-174. Un troisième sermon qui, d’après P. Glorieux (Répertoire, t. ii, p. 136), aurait été prononcé par Raymond à Gainsborough, le 2 novembre 1291, est de fait un sermon donné par Guillaume de Gainsborough. Voir A. -G. Little et Fr. Pelster, Oxford Theology and Theologians, p. 157.

Puis Raymond Godefroid visita en 1294 la province d’Aragon et y présida le chapitre à Barcelone. A cette occasion il rencontra saint Louis d’Anjou, alors prisonnier à Barcelone, et s’entretint longuement avec lui au sujet de la vocation religieuse du prince. En 1289 il présida le chapitre général des religieuses de Fontevrault, dans lequel il prit la parole pour ramener les esprits révoltés à l’obéissance. En 1297, Raymond assista saint Louis d’Anjou, évêque de Toulouse, pendant sa dernière maladie. Celui-ci le désigna comme l’exécuteur de ses dernières volontés.

Malgré ses efforts, Raymond Godefroid ne parvint à contenter aucune des deux factions qui divisaient l’ordre et s’accusaient réciproquement de menées schismatiques. Aussi entendit-il bientôt murmurer contre lui non seulement les partisans de la « Communauté », parce qu’il avait mis en liberté de turbulents rigoristes, mais aussi les zelanti, parce qu’il n’avait pas encore exterminé tous les abus. Les premiers et les plus graves embarras lui vinrent des « Spirituels », qui, croyant pouvoir compter sur l’appui du général, ne cessèrent de s’agiter et d’accuser les supérieurs de la « Communauté » de graves manquements à la régulière observance, ce qui conduisit en divers lieux à des complots et à des mutineries. Cette recrudescence des idées réformistes alarma la « Communauté », qui porta plainte devant le pape. Par ordre de Nicolas IV, Raymond dut procéder contre les « Spirituels » de Provence ; il confia l’enquête à Bertrand de Sigottier, inquisiteur franciscain du Comtat Venaissin. L’enquête terminée, Raymond Godefroid, à la demande du roi Philippe le Bel, convoqua le chapitre général à Paris, le 25 mai 1292. PierreJean Olieu y comparut et y défendit avec succès la théorie de l’usage pauvre. Mais, comme il résultait de l’enquête de Bertrand de Sigottier que quelques disciples d’Olieu semblaient vouloir établir un schisme en Provence et soutenaient des doctrines erronées, Raymond, malgré sa sympathie pour eux, se vit obligé de les châtier. Au même chapitre assistèrent Thomas de Tolentino et deux compagnons, que Hayton II avait députés en Europe pour demander du secours au pape et aux rois de France et d’Angleterre. Les délégués présentèrent a Raymond des lettres du roi d’Arménie, qui furent lues au chapitre et dans lesquelles Hayton remercia t le général du bien accompli dans son pays par les missionnaires franciscains, qu’il lui avait envoyés. Mais

ni ces louanges à l’adresse des zelanti, ni l’appui du général ne réussirent à désarmer l’hostilité de la « Communauté » contre les « Spirituels ». Philippe le Bel, ayant pu apprécier dans ce chapitre général la prudence et la droiture de Raymond Godefroid et voulant lui donner une marque de son estime, obtint pour lui de l’université le titre de maître en théologie.

Les missionnaires du parti des zelanti que Raymond avait envoyés en Arménie après les avoir délivrés de prison, ne purent y prolonger leur séjour. Sujets à toutes sortes de vexations de la part des frères de la province de Romanie, ils revinrent en Italie en 1293. Le vicaire provincial de la Marche, leur province d’origine, refusa de les recevoir avant qu’ils ne se fussent présentés au général. Celui-ci les reçut avec bienveillance et conseilla à Pierre de Macerata et à Pierre de Fossombrone de demander une audience au pape. Célestin V, qui avait fondé un nouvel ordre d’ermites (les célestins), les accueillit avec bonté, les délia de toute obéissance à l'égard de l’ordre franciscain et ordonna à un abbé des célestins de mettre à leur disposition des ermitages, dans lesquels ils pourraient observer à la lettre la règle et le testament de saint François. Pour ne pas susciter les susceptibilités des mineurs, il les appela du nom de « Pauvres ermites ». A cette époque Pierre de Macerata prit le nom de Libérât et Pierre de Fossombrone celui d’Ange de Clareno. Pierre de Macerata leur fut donné comme supérieur en 1294 ; c'était la première fois qu’un rameau se détachait du grand arbre franciscain. L’existence en fut toutefois de courte durée. Après l’abdication de Célestin V, le 13 décembre 1294, Boniface VIII, élu le 24 décembre de la même année, annula, dès le 27 décembre, tous les privilèges concédés par Célestin V, et, le 8 avril 1295, il replaçait les « Pauvres ermites » sous la juridiction du général des mineurs. La bulle Ad augmentum du 12 novembre suivant ne fit que compléter les mesures destinées à refaire l’unité. Entre temps Boniface VIII s'était brouillé avec Philippe le Bel et la puissante famille romaine des Colonna, tandis que Raymond Godefroid avait gagné l’amitié du roi de France. Boniface VIII prit ombrage de la faveur que Philippe le Bel accordait à Raymond qui, se montrant sympathique aux « Spirituels », alliés des Colonna, lui devint vite suspect. Voulant lui enlever la direction de l’ordre, le pape lui offrit l'évêché de Padoue. Le général refusa, objectant qu’il ne se sentait pas capable d’administrer un diocèse. « En ce cas, répliqua Boniface VIII, vous êtes encore moins apte à administrer l’ordre des frères mineurs » et il le déposa aussitôt (29 octobre 1295). Jean Minio de Murrovalle de la Marche d’Ancône lui succéda comme général.

Raymond Godefroid devint dans la suite partisan des « Spirituels », mais toujours modéré et raisonnable. Le cardinal Ehrle a publié le Mémoire qu’il composa en leur faveur lors des controverses qui suivirent le concile de Vienne. Dans Archiv fur Lilteraturund Klrchengeschichle des M. A., t. iii, 1887, p. 142-144. Raymond Godefroid n’a cependant pas eu le bonheur d’assister au premier triomphe de la cause des « Spirituels » qu’il défendit. Il mourut en effet entre le 14 avril 1310, date de la bulle Dudum ad aposlolalus, où il est désigné comme vivant encore, et le 23 août de la même année, date d’une lettre, dans laquelle Clément V annonce à Philippe le Bel la mort de Raymond, qui devait témoigner dans le procès de Boniface VIII. Raymond tomba malade dans un château appartenant à sa famille et mourut dans l’espace de cinq jours. La rapidité de ce trépas frappa les esprits. Tandis que les uns y virent un châtiment divin, d’autres, les « Spirituels », crurent à un empoisonnement et cette rumeur circula à la cour d’Avignon.