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QUATRE-TEMPS


samedi après la Pentecôte ; guérison d’un fils victime d’un esprit muet, d’une fille d’Abraham liée par Satan, mercredi et samedi des quatre-temps de septembre. Si l’on admet que les quatre-temps ont été institués pour faire concurrence aux solennités païennes des saisons, on comprend mieux pourquoi on a choisi ces passages. Deux textes de saint Léon, relatifs à la fête des collectes, imitée aussi des païens et qui a disparu, confirment cette supposition : « Parce que, dit-il, en ce temps-là, le peuple païen s’adonnait davantage à la superstition, il faut, à la place des sacrifices profanes des impies, présenter l’offrande très sacrée de nos aumônes. » Serin., ix, n. 3. < Chaque fois que l’aveuglement des païens se montrait plus intense à inventer des supersititions, alors le peuple de Dieu redoublait de prières et d'œuvres de piété. » Serm.. vin. II y a donc plus que des conjectures dans l’opinion proposée par dom Morin : « Peut-être la vérité se trouve-t-elle dans l’union des deux théories, et les quatre-temps, institués en effet dans le dessein qu’indique dom Morin, n’ont-ils été fixés au mercredi et au vendredi que parce que ces deux jours étaient tout désignés par leur rôle primitif dans la semaine chrétienne. » Villien, Hist. des commandements de l'Église, p. 217.

II. Histoire.

1° D’origine romaine, les quatretemps sont restés assez longtemps purement romains et, malgré l’importance que saint Léon leur donnait, puisqu’il les disait établis par les apôtres, au milieu du VIe siècle Rome seule les pratiquait. C’est en vain que les papes insistent dans leurs lettres aux évoques d’Italie et d’ailleurs pour les obliger à observer ces jeûnes des quatre saisons et à réserver pour ces jours-là l’ordination des ministres sacrés. Leurs exhortations ne furent guère écoutées pendant des siècles : « Ni à Capoue, sous l'évêque "Victor au milieu du vie siècle, ni à Naples au siècle suivant, ni nulle part ailleurs en Italie on ne semble s'être conformé en ce point à l’usage romain. » Dom Morin, art. cité, p. 339.

2° Les missionnaires envoyés par le pape saint Grégoire Ie » durent vraisemblablement l’introduire en Angleterre. Il est même intéressant de constater que le premier document que nous connaissions sur l’observance des quatre-temps en Angleterre ne mentionne que les trois séries de jeûne les plus anciennes des quatrième, septième et dixième mois ; on y insiste sur l’obligation de se conformer à la coutume romaine qui, à ce qu’il semble, n’a été acceptée, là aussi, que difficilement, lui effet, le IIe concile de Cloveshoe (747), c. XVIII, veut que ces jeûnes soient annoncés à l’avance : .t nie horum initia per singulos annos admnneatur plebs, qualenus légitima universalis Eeelesi ; r sciai alque observet jejunia, concorditerque nnii>crsi id faciant, née ullatenus in ejusmodi discrepent observatione, sed secundum exemplar, quod juxta ritum romanes Ecclesise description est, slndeant cclebrarc. Mansi, Concil., t. xil, col. 401.

Toutefois, à peu près à la même époque, Egbert d’York (732-766) indique sur ces jeûnes une discipline bien établie, qu’il fait remonter par saint Augustin de Cantorbéry, jusqu'à saint Grégoire lui-même. Le jeûne du premier mois est dans la première semaine de carême, le deuxième dans la semaine après la Pentecôte, le troisième dans la semaine avant l'équinoxe, qu’elle soit ou non la troisième de septembre, le quatrième dans la semaine qui précède Noël. Egbert, De inslit. cath., c. xvi, De jejunio quat. temp., /'. L., t. i.xxxix, col. 111-1 12.

La règle cependant n'étail pas absolument uniforme, et le concile d’Enham (1009), C. XVI, qui décide qn’en Angleterre on obéira aux prescriptions de saint Grégoire, reconnaît qu’on ne le l’ait point partout : quamvis alise (/entes aliter exereueriinl. Mansi, op. cit., I. xix, col. 308.

3° C’esl sans doute par l’intermédiaire des moines

envoyés par l’Angleterre en Germanie au viiie siècle que celle-ci connut les quatre-temps et là aussi il fut nécessaire d’insister pour en imposer l’obligation, témoin le concile d’Estinnes de 743 : Doceant etiam presbijteri populum quatuor légitima lemporum jejunia observare, hoc est in mense marlio, junio, septembrio el decembrio, quando sacri ordines juxta statuta canonum aguntur. Statuta S. Bonifacii in conc. Leplinen., ut videtur promulgata, c. xxx, P. L., t. lxxxix, col. 823. Ce décret n’est pas à proprement parler rédigé par le concile, il est plutôt une décision de saint Boniface qui le communiqua à son clergé pendant le concile ou à l’occasion du concile. La mention des ordinations faites aux quatre-temps fait penser, il est vrai, plus aux usages romains qu'à une origine anglaise : c’est la première t’ois qu’il en est question dans l'Église germanique.

Un peu plus tard, en 769, un capitulaire de Charlemagne rappelle aux autres pays de l’empire franc l’obligation d’observer les quatre-temps et de les annoncer aux peuples. Éd. Boretius, dans Mon. Germ. hist., t. i, [>. 16. Et en 813 le concile de Mayence fixe non seulement la semaine du mois pour chacun d’eux, mais aussi l’heure à laquelle le jeûne peut prendre (in : " Que les jeûnes des quatre-temps, dit-il, soient observés par tous, c’est-à-dire la première semaine de mars : que le mercredi, le vendredi et le samedi tous viennent à l'église à l’heure de none pour les litanies et la messe ; de même la deuxième semaine de juin, que l’on jeûne le mercredi, le vendredi et le samedi jusqu'à l’heure de none et que l’on fasse abstinence ; de même la troisième semaine de septembre et en décembre, la dernière semaine pleine avant la vigile de la nativité du Seigneur, comme il est de tradition dans l'Église romaine. » Conc. Mogunt.. c. xxxiv, Mon. Germ. hist.. Concilia, t. ii, p. 269.

4° La discipline est donc fixée dans tout l’empire soumis aux Carolingiens ; on se contentera désormais d’y rappeler les décrets antérieurs ou même d’y faire une simple allusion, ainsi Hérard de Tours dans ses Capitula : « Quant aux jeûnes des quatre-temps et ceux établis pour différentes nécessités, on ne peut s’en dispenser que pour certaines infirmités. » Capilul., c. x, Mansi, Concil., t. xvi (append.), col. 678. Réginon de Prûm († 915) et Burchard († 1023) citent avec des variantes le texte du concile. Beginon, De Eccles. disciplina, t. I, c. cci.xxvii, P. L., t. cxxxii, col. 2 13 ; Burchard, Décréta, t. XIII, c. ii, P. L., t. cxl, col. 885. Il est donné en abrégé par Gratien, dist. LXXXI, c. 2. Voir aussi Villien, op. cit., p. 223.

5° A voir l’insistance que mettent les évêques à en surveiller l’observance, à punir les manquements de sévères pénitences, il est permis de penser que ces jeûnes n’ont jamais été très bien accueillis dans nos pays. Les confesseurs doivent demander si l’on > a manqué et imposer dans ce cas un jeûne de quarante jours au pain et à l’eau. Burchard, Décréta. 1. XIX. c. v, P. L.. t. c.xi, . col. 962.

En Italie, même difficulté pour les faire accepter ; Bathier de Vérone († 97 1), un des rares qui en parle, impose à ses prêtres « de les recommander de toutes leurs forces et par tous les moyens, ainsi que ceux des Rogations et de la Litanie majeure ». Synodica ml presbyteros, /'. /… t. cxxxvi, col. 562.

6° A la fin du xi° siècle, les semaines indiquées plus haut étaient, à quelques exceptions près, admises dans un grand nombre de pays : l’Angleterre ccpeu dant mettait le jeûne du premier mois à la première semaine de carême. Egbert, De inslil. cath., c. XVI, De jejunio quai, temp., P. L., t. lxxxix, col. III ; d’autres coutumes locales existaient encore. Le concile de Seligenstadl (1022), can. 2, dans le but d'établir l’uniformité, décréta que, si le mois de mars commen-