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QUATRE-TEMPS


sacramentaires, le terme quatre-temps n’existe pas encore. Dans le gélasien, il n’y a de messe propre que pour les mois de juin, de septembre et de décembre. P. L., t. lxxiv, col. 1133, 1178, 1188 ; les quatre-temps de mars sont simplement indiqués. Le grégorien a une messe pour mars, juin, septembre, non pour décembre. P. L., t. lxxviii, col. 61, 115, 142.

Paul Lejay cite ce texte d’une traduction latine des Canons apostoliques faite par Denys le Petit : Ofjerri non liceat aliquid ad allarc precter nouas spicas et uvas et oi.eum ad luminaria et (hymiama, id est incensum tempore quo sancta celebratur oblalio, les fruits correspondant à juin, septembre et décembre. Il fait remarquer que le texte grec ignore les épis et les raisins et ne parle que de l’huile, comme de l’encens pour l’usage de l’autel : il suppose que, dans sa traduction retouchée, Denys s’inspire de sources canoniques romaines qui lui ont fait ajouter les épis et le vin : « Ainsi, les tiois fêtes de saison de l’Eglise romaine peuvent avoir correspondu aux trois fêtes analogues du calendrier païen. » Dom Morin, art. cit., p. 343. Vraisemblablement les quatre-temps de carême ont été ajoutés entre l’époque de saint Calliste et celle de saint Léon.

2. Autre ressemblance. Les fériés païennes n’étaient pas tout à fait à date fixe, mais se célébraient un peu plus tôt ou un peu plus tard, selon que la saison était plus ou moins avancée. Les pontifes, surtout pour les semenlinse, devaient en annoncer l’époque précise quelque temps à l’avance (indicere). Voir Ovide, Fastes, i, 657 ; elles prenaient pour cette raison le nom de Jeriic conceptivæ par opposition aux autres appelées feriæ stativæ. Dansl’usage chrétien, la place des quatretemps est restée longtemps assez flottante ; aussi fallait-il annoncer les quatre-temps à l’avance, et les premiers sacramentaires nous ont conservé des formules d’indiction : ainsi le léonien pour le septième mois : Quarta igitur et sexta feria succedenle solitis conventibus. .. exequamur, P. L., t. lv, col. 105 ; pour le dixième mois : Hac hebdomade nobis decimi recensenda jejunia, ibid., col. 109. Le gélasien s’exprime ainsi : Nos commonet illius mensis instaurata devotio, lxxxii, P. L., t. lxxiv, col. 1133. Le grégorien contient : Denuntiatio jejuniorum prinxi, quarti, seplimi et decimi mensis, P. L., t. lxxviii, col. 118. Celui qui a été édité par dom Ménard ajoute que cette annonce se faisait à la messe, après Pcx domini, n. 407, ibid., col. 393. C’est peu à peu seulement que l’on est arrivé à rattacher ces jeûnes à certaines semaines fixes du cycle liturgique ; ainsi, la notice de Léon II au Liber poniificalis nous donne la preuve que, encore en 683, le samedi des quatre-temps, fixé aujourd’hui à la semaine de la Pentecôte, n’eut lieu que la troisième semaine après cette fête, c’est-à-dire le 27 juin. Voir Liber pontificalis, t. II, ? 150 et n. 11, t. i, p. 360, 362.

3. Une autre relation s’impose. Les fériés des semailles ( sementinæ), qui se célébraient en décembre, étaient les plus importantes. Ovide s’arrête longuement à les décrire, elles avaient lieu après les semailles et pouvaient à cause de cela être retardées jusqu’en janvier ; elles se terminaient par un sacrifice à Cérès et à Tellus. Le poète nous a conservé le thème des prières adressées à la divinité : on se félicitait de ce que la charrue avait succédé au glaive, on remerciait Cérès d’avoir rétabli la paix. Fastes, i, 657 sq. Voir Daremberg et Saglio, Dicl. des antiq.. t. viii, col. 1182. Les quatre-temps de décembre ont conservé longtemps dans l’Église une importance particulière. Il semble que, jusque vers le pontificat de Simplicius (168-483), il n’y ait pas eu à Rome d’ordination un autre jour que la veille du samedi au dimanche qui mettait fin à ce grand jeûne de la saison d’hiver. Saint Léon toutefois (440-461) recommande la grande nuit de Pâques.

Epist., ix, ad Discorum, P. L., t. uv, col. 626. C’est le pape Gélase, mort en 196, qui permit de faire les ordinations des prêtres et des diacres à tous les quatretemps et à la mi-carême. Epist., ix, ad episc. Lucanise, 11, P. L., t. i.ix, col. 47.

4. Beaucoup de similitude aussi dans la nature des fêtes, dans leur objet. Chez les Romains, le jour de fête n’est pas un jour de joie, mais un jour de pureté, de purification. Voir l’art. Feria’, dans le Dicl. des antiq., t. ii, 2 1’part., p. 1044.

C’est la même idée qui a présidé à l’institution et à l’ordonnance do nos quatre-temps : jours de fête liturgique sans doute, puisqu’il y a station, mais jours surtout de pénitence, puisque le jeûne et l’abstinence sont prescrits. Les Romains y demandaient la production et la conservation des fruits de la terre. Les premières fêtes des païens avaient été des fêtes de la nature, des fêtes de saisons, quelques-unes gardaient encore ce caractère aux premiers temps de l’Église et même après la défaite du paganisme. D’après le Feriale Campanum de 387, on célébrait encore à Capoue la fête des moissons en août, celle des vendanges en octobre. « Puissent par ces fêtes, disaient les païens, grandir les moissons. Ex his jruges grandescere possinl. »

Les chrétiens demandent la même chose : « Jusque dans les moindres détails, le formulaire antique des quatre-temps reproduit en les christianisant, les pensées et les préoccupations qui présidaient à la solennité païenne. Dom Morin, art. cit., p. 3 11. Ainsi, aux quatre-temps de Noël, le thème de la moisson est transformé d’une façon grandiose, les fruits de la terre font penser au fruit béni que, pendant l’Avent, la Vierge porte dans son sein : » Nous sommes invités… à [lasser de la vieillesse à la nouveauté de vie. de telle sorte que, débarrassés des préoccupations de la nourriture temporelle, nous attendions avec de plus ardents désirs l’abondance des dons célestes et que, par cet aliment qui nous est fourni en des faveurs successives, nous parvenions a la vie qui ne finira point. » Préface du Sacr. léonien, xi.ni. P. L., t. i.v, col. 153. La même pensée revient dans les trois autres préfaces du même jour, in jejunio mensis decimi. « Pouvons-nous désespérer de voir la fécondité des semences confiées à la terre lorsque, dans nos supplications, revient le moment de l’année où nous avons à vénérer le fruit de salut, que nous promet la Vierge Mère, le Christ. notre Seigneur ? Sacr. gélasien, préface pour le mer credi, P. 1… t. lxxiv, col. 1188. « Attendu par les anciens Pères, annoncé par l’ange, conçu par une vierge, il a été présenté aux hommes à la fin des siècles. » Sacr. grégorien, préface pour le mercredi, P. L., t. lxxviii, col. 192-193.

Aperiatur terra ri germinel Salvatorem, avait écrit [sale, xlv, 8, dans le même sens, et l’Église le répète pendant l’Avent. Le prophète avait dit aussi, pour annoncer le règne de ce roi de la paix : Con/labunt gladios in vomercs et lanceas suas in falces, ii, 1, paroles que nous lisons le mercredi des quatre-temps de l’Avent. et qui se retrouvent à peu près les mêmes dans Ovide quand il célèbre la transformation des armes de la guerre en instruments pacifiques de l’agriculture. Fastes, i, 697 sq. Les lectures du samedi des quatretemps de carême développent le thème habituel en pro mettant la prospérité à Israël ; celles du samedi après la Pentecôte parlent de l’offrande des prémices ; celles des quatre-temps de septembre restent plus fidèles encore à l’idée primitive.

5. A l’exception des quatre-temps de décembre où tout converge vers la venue du Rédempteur, il y a dans les évangiles des autres quatre-temps, une lecture relative à l’expulsion des démons, à la délivrance des possédés : transfiguration, avant le deuxième dimanche de carême ; guérison de la belle-mère de saint Pierre,