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    1. RATIONALISME##


RATIONALISME. LE DEISMK ANGLAIS

1744

opérations mystérieuses. » Dans la controverse que provoquera ec livre interviendra en sa faveur Pierre Annet, qui* soutiendra en 1744 dans son livre, La résurrection de Jésus-Christ, que sa résurrection était simplement la guérison de ses blessures.

e) Tindal (1657-1733), - le plus ferme soutien de La religion naturelle », a dit Voltaire, Lellres au prince de Brunswick, faisait, si l’on peut ainsi dire, la philosophie de ees publications dans son Christianisme aussi ancien que le monde ou V Évangile, nouvelle publication de la loi naturelle, 1730. Il n’y a pas d’autre religion vraie que la religion naturelle, révélée à l’homme par sa raison. Cette religion se réduit à la morale : devoirs envers Dieu, devoirs envers ses semblables ; c’est tout. Dans le christianisme se retrouvent ces éléments de la religion naturelle ; en ce sens donc, il est aussi « ancien que le monde ». Comme cette religion, chemin faisant, s'était chargée de superstitions, Jésus est venu promulguer une seconde fois la religion naturelle. En conséquence : 1. Nous avons le droit de rejeter tous les dogmes qui dépassent la raison. 2. La Bible n’est pas un livre inspiré. Aux défauts que l’on peut relever en elle etaux infériorités de la moralequ’elle enseigne, elle apparaît bien comme une œuvre purement humaine. L'Évangile aussi, avec ses hyperboles et son langage figuré. 3. On ne saurait croire aux miracles ; ce sont des inventions humaines. Combien de soi-disant interventions divines rapportées dans la Bible sont ridicules 1 4. Non moins extraordinaires sont les ordres donnés aux prophètes par le Seigneur. Les prophéties sont d’ailleurs incompréhensibles.

f) Thomas Morgan († 1768) lit écho à Tindal dans son Philosophe moral, 3 in-8°, 1737, 1739, 1740. Il exalte la raison : la révélation est simplement la découverte de la vérité rationnelle. Ce qu’il a de particulier, c’est qu’il multiplie les attaques contre l’Ancien Testament, dont les miracles sont des événements naturels, des contes ou des mythes, de la réalité de qui les auteurs, poètes ou orateurs, ne s’inquiétaient guère, et dont les prophètes firent un instrument de parti. Le Nouveau Testament, c’est la vraie religion, la religion naturelle, la pure morale fondée sur la raison. Le vrai chrétien, c’est Paul, qui combattit le judaïsme, mit la raison à la première place et fut « le plus grand libre penseur de son temps, le vaillant champion de la raison contre l’autorité et la superstition »,

g) Chubb (1679-1747), gagné à l’arianisme que faisait revivre en Angleterre le livre de Whiston, Préface historique, 1710, public en 1715 un écrit arien : La suprématie du Pire, mais bientôt dans son Véritable Évangile de Jésus-Christ, popularisant les idées du rationalisme, il ramène l'Évangile à la prédication de Jésus-Christ, et il comprend cette prédication de telle manière que Voltaire a pu dire : « Thomas Chubb ose penser que Jésus-Christ est de la religion de Thomas Chubb, mais il n’est pas de la religion de Jésus-Christ. » Dans ses Œuvres posthumes, il s’attaque aux miracles du Nouveau Testament ; il en nie la valeur démonstrative ou l’authenticité ; il attaque saint Paul l’accusant de fourberie. Aucune religion positive ne vaut mieux qu’une autre, l.a vraie religion est fondée sur la raison, « ce guide infaillible, cette règle éternelle et invariable du bien et du mal ».

h) Bolingbroke. Voici enfin Bolingbroke (16721751), l’ami de Voltaire. Voir son article. Ce n’est pas un philosophe ; c’est un homme du monde qui traite des sujets de religion, louL comme Shal’lesburv, mais sans la même suite dans les idées. Il est déiste. 1, 'existence de Dieu lui est garantie non par les preuves </ priori de Clarkc, mais par l’ordre et la beauté de ce monde — les causes finales - et par le consentement

universel. Mais son Dieu a est plus puissant que bon, plus souverainement imposant que présent et (pu juste ». C’est « un Dieu qu’on admet mais qu’on n’adore point ». Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. x, p. 26. Son œuvre est belle : toute l’ordonnance en est bien. On ne peut aller plus loin sans « faire de Dieu un homme infini ». Il est clair dès lors que Bolingbroke ne saurait accepter les dogmes chrétiens. Il s’en prend surtout au judaïsme. Ni la Bible n’est authentique, ni les miracles qu’elle raconte ne sont vrais ; on y saisit à chaque page une déformation de Dieu ; elle réédite les superstitions del'Égypte. En frappant le judaïsme, Bolingbroke atteignait déjà — Voltaire fera de même — le christianisme. Mais il l’attaque en lui-même : les dogmes chrétiens de la rédemption, de l'éternité des peines, sont absurdes, indignes de Dieu, inconciliables avec ses attributs. Au reste, le christianisme contemporain ne lui paraît plus le christianisme primitif qui était une seconde promulgation de la loi naturelle. Saint Paul a faussé l'Évangile du Christ.

Peu lu en Angleterre, cet auteur eut plus d’influence en France, grâce à Voltaire, qui lui attribue du reste un de ses écrits polémiques : Examen de milord Bolingbroke, 1767. Cf. Hassal, Life of Bolingbroke, 1915 ; Butler, The Tory tradition (Bolingbroke…), 1914. A ces déistes faut-il ajouter Pope (1688-1744)? Dans son Essai sur l’homme, Londres, 1733, traduit en France, en prose par Silhouette, en vers par l’abbé Renel, plus ou moins inspiré du déisme de Bolingbroke et de l’optimisme de Shaftesbury, il affirme que Dieu a créé le meilleur monde possible pour le bonheur de tous les êtres, qu’il gouverne le monde par des lois générales auxquelles il ne saurait toucher sans se désavouer et qu’en conséquence l’homme doit céder aux lois de la nature, sous la modération de la raison, des passions devant sortir les vertus ; il fut pour cela rangé en France parmi les déistes, quoiqu’il s’en défendît.

Tel fut le déisme anglais. Au nom de la raison, il ne laissait rien subsister du christianisme surnaturel. Ses principaux adversaires anglais comprirent bien où était le mal. Clarke (1675-1729), maintenant les attributs moraux de Dieu, ce dont se moquera Bolingbroke, s’efforcera de montrer que la raison conduit l’homme à accepter les vérités chrétiennes : Discours concernant l’existence et les attributs de Dieu, 1704, dirigé plus particulièrement contre Spinoza et Hobbes ; Discours concernant les obligations de la loi naturelle et la certitude de la religion révélée, 1705. Warburton (16981779) démontrera au contraire que la religion révélée produit ses bienfaits en l’absence des motifs d’agir que la raison juge nécessaires. Moïse n’a pas enseigné à son peuple l’immortalité de l'âme, cette vérité surlaquelle se fonde rationnellement la morale. Dieu a donc surnaturellement rendu ce peuple capable de se passer de cet enseignement : la M ission divine de Moïse démontrée sur les principes des déistes, 1737-1741, 5 vol. in-8°. En liii, Joseph I Sut 1er (1602-1752) dans son Analogie de la religion, naturelle ou révélée, avec la constitution et le cuirs de la nature, 1736, s’applique a démontrer — ce qui rappelle le Pascal du pari — qu’en religion, si l’on ne saurait at teindre toujours une certitude rationnel le, partout égale - telle que la supposait Clarke — il fallait se contenter de cette probabilité dont on se contente partout ailleurs. Sur l’ensemble du sujet, cf. Lanson, op. cit., et ici Christianisme rationnel.

ï ; Hume (171 1-1776), Écossais qui s’est pénétré des idées de Locke et de Berkeley, terminera plus tard la série des déistes anglais. Dans ses ouvrages, Traité de la nature humaine, 173 ! » 17 tu, 3 vol. in-8° ; Essais moraux et politiques, 17 11-17 13, 3 vol. in-8°, et surtout Histoire naturelle de la religion, 1757, Dialogues sur la religion naturelle, composés sans doute vers 1749, mais publiés seulement après sa mort, en 1779, il soumet les idées religieuses a sa méthode critique et il n’en laisse rien subsister, quelles qu’aient été ses croyances prati-