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    1. RATIONALISME##


RATIONALISME. LES PRÉCURSEURS DU XVIIIe SIECLE 1736

1790, 8 in-8° ; Trublct, Mémoires pour servir à l’histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fonlenelle, 1761, in-12.

5. Newton et Locke : expérience et empirisme, mécanisme et matérialisme. — Newton (1642-1727) et Locke (1632-1704), furent vraiment les maîtres du xviii » siècle, qui ne les entendit pas toujours comme ils eussent voulu : ils étaient croyants, même Locke, latitudinariste plutôt que déiste, mais tels qu’i ! plut aux philosophes anti-chrétiens. Newton n’admettant d’autre explication des phénomènes que celle « déduite d’euxmêmes », par l’expérience, non fîngo hypothèses, il sera permis d’exclure les causes finales. De son côté la loi de la gravitation, bien que Newton l’ait complétée par l’appel à ce Dieu géomètre et architecte qu’acceptera Voltaire, permet de réduire l’univers à un mécanisme universel, où il n’y aura place pour aucune action surnaturelle et à peine pour une action ordinaire de Dieu. Enfin l’attraction pouvant s’expliquer par une propriété de la matière, la matière apparaîtra comme pouvant avoir des propriétés « à l’infini », dira "Voltaire, Philosophie de Newton, 2e partie ; et alors pourquoi pas la pensée ? Cf. L. Bloch, La philosophie de Newton, Paris, 1008 ; D. Mornet, Les sciences de la nature au XVIIIe siècle, 1911.

Locke, (1632-1704) Essai sur l’entendement, 1690, Le christianisme raisonnable, 1696, combat la théocratie anglicane et réserve les droits de la conscience, affirme que laBible suffit au salut, mais interprétée par la conscience humaine qu’aucun système humain ne satisfait et qui trouve ici la parfaite morale ; il accepte le miracle, mais le fait relatif à la doctrine et au témoin, et ramène en somme le christianisme à l’humain, à un véritable déisme. D’autre part, jugeant que tout cela suppose fixés les pouvoirs et les limites de notre entendement, il établit la valeur et la dignité supérieure du fait. Au point de départ de toute opération intellectuelle est la sensation. L’esprit n’enferme ni idée, n : principe à l'état de virtualité. La pensée est l’action de l'âme, non son essence. Et à ce propos, il ajoute : « Nous ignorons à quelle espèce de substance Dieu a trouvé à propos d’accorder cette puissance…, il aurait pu la donner à quelques amas de matière disposés comme il le juge à propos. » Cette réflexion qui rejoignait la découverte newtonienne d’une propriété inconnue de la matière sembla autoriser le matérialisme et les Encyclopédistes parleront avec foi de la matière pensante. Cf. Carlini, La filosofia di Locke, Florence, 1920 ; Ch. H. Morris, Locke, Berkeley, Hume, Oxford, 1931 ; Al. Campbell Frazer, Locke, Londres, 1932 ; H. Ollion, La philosophie générale de John Locke, Paris, 1 908 ; Ascoli, La Grande-Bretagne devant l’opinion française au XVIIIe siècle, Paris, 1930, et ici l’article Locke.

6. Grotius, Pufendorf, Cumberland : les droits de l’homme et de la société fondés sur la nature ; sécularisation du droit. — La chrétienté avait trouvé dans l'Évangile le fondement des droits de l’homme et des sociétés. Machiavel et Hobbes avaient opposé à cette doctrine la théorie du droit absolu, unique du prince, que rien ne limite ni du côté de Dieu, ni du côté de l’homme. Or, dès 1625, Grotius, dans le De jure belli el pacis libri duo, revendiquait contre Machiavel, pour l’homme et les sociétés, des droits imprescriptibles, mais à ces droits il donnait comme fondement premier la nature considérée en elle-même en dehors du Créa tcur. On peut aussi, ajout ait-il cependant, voir en Dieu l’auteur de ce sentiment des droils de l’homme et de la société. En 1640, dans son Truite théologlcopolitique, il écrivait : Propositlo vi, Unaquæque res, quantum in se est, in suo esse perseverare conatur. Res enim singulares modi surit quibus Del allribnta certo et determinalo modo exprimuntur ; hoc est res potentiam,

qua Deus est et agit certo et determinalo modo, exprimunt ; neque ulla res aliquid in se habel, a quo possil destrui, sive quod ejus exislentiam tollal ; sed contra omne, quod ejus exislentiam potest tollere, opponitur ; adeoque quantum potest, et in se est, in suo esse perseverare conatur. Même note dans Pufendorf. De jure naturee et genlium libri octo, 1672 ; dans Cumberland, De legibus naiuræ disquisilio philosophica, 1672, répondant à Ilobbes ; dans Thomasius, h’undamenta juris natures et genlium, ex sensu commuai deducta, 1 705 ; dans Gravina, Origines juris ciuilis quibus orlus et progressus juris civilis… explicantur, 1708 ; dans Locke, Du gouvernement civil, 1689, où il est dit en effet : « La raison… enseigne à tous les hommes… qu'étant égaux et indépendants tous, nul ne doit nuire à un autre au regard de sa vie, de sa santé, de son bien… lex insita ralione ». Jurieu, Seizième lettre pastorale de la troisième année, 15 avril 1689 : De la puissance du souverain, de son origine et de ses bornes, ira jusqu'à reconnaître aux peuples le droit à l’insurrection ; cf. Possuet, Cinquième avertissement aux protestants : Le fondement des empires renversé par le minisire Jurieu, 1690. Voir Franck-Puaux, L'évolution des théories politiques du protestantisme français, pendant le règne de Louis XIV, dans Bulletin de la société d’histoire du protestantisme français, 1913, et Les défenseurs de la souveraineté du peuple sous le règne de Louis XIV, ibid., 1917 ;.J. Dedicu, Le rôle politique des protestants français, Paris, 1920. — Sur l’ensemble de la question, cf. E. Wolf, Grotius, Pufendorf, Thomasius…, Tubingue, 1927 ; G. Gurvitch, L’idée du droit social, Histoire doctrinale depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, 1931 ; L. Le Fur, La théorie du droit naturel depuis le XVIIe siècle…, dans Recueil des cours de V Académie de La Haye, t. xviii, 1927, p. 393 sq.

7. Bayle, Locke. : l’idée de la tolérance. — Si la vraie religion est la religion naturelle, telle que la demande la simple raison humaine et par rapport à laquelle les religions positives ne sont que des superfétations, comm ? le veut Bayle, et si, de par la nature, tous les hommes ont le droit de penser librement, et si, entre le souverain et le sujet, il y a un pacte bilatéral, comme le veut Locke, la tolérance se déduit de là nécessairement. Locke, Essai sur la tolérance, 1666 ; Epistolæ de toleranlia, Ve, 168° ; 2% 1690 ; 3% 1692, soutient que le droit du mandataire se réduit à interdire les attitudes religieuses contraires au pacte social : en Angleterre, par exemple, le papisme, qui appelle l’intervention d’un souverain étranger et l’athéisme puisque la croyance en Dieu garantit l’ordre. D’ailleurs, la vraie religion ignore hs prêtres, la véritable Église étant une « société volontaire d’hommes qui se réunissent de leur propre gré, afin d’adorer publiquement Dieu de la façon qu’ils pensent lui être agréable » et à cela, ces hommes ont de par la nature un droit absolu. Cf. Ch. Bastide, Jolin Locke. Ses théories politiques et leur influence en Angleterre, Paris, 1906. Au xviir 3 siècle, Fénelon passera pour un apôtre de la tolérance. Il devra cette réputation a l'Écossais Hamsay, qu’il avait converti en 1709. Cf. A. Chérel, Ramsay et la tolérance de Fénelon, dans Revue du xviiie siècle, janvierjuin 1918 ; Fénelon au xviiie siècle en France, 1917 ; A. -M. Ramsay, Paris, 1926, in-8°. Comparer ce que dit Bossuet de la tolérance, dans une lettre de 1692 à Leibniz : ».le crois que ceux qu’on appelle sociniens et avec eux ceux qu’on nomme déistes et spinozistes, ont beaucoup contribué à répandre cette doctrine qu’on peut appeler la plus grande des erreurs, parce qu’elle s’accorde avec toutes. Car craignant de n'être pas soufferts et que les lois civiles ne s’en mêlassent, ils ont été bien aises d'établir qu’il fallait tout souffrir. Delà est né le dogme de la tolérance… » Cité par P. Hazard, op. cit., t. ii, p. 95.