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1731 RATIONALISME. LES PRÉCURSEURS DU XVIIle SIÈCLE 1732

Tels, Les voyages et aventures de Jacques Massé, Bordeaux-Cologne (Hollande), 1710, ouvrage anonyme mais dont l’auteur est Tyssot de Patot, Genevois, professeur de mathématiques à Dcventer. Massé est un libertin. En passant à Lisbonne, il se convertit au catholicisme, ressaisi par la religion de son enfance, mais non convaincu par sa raison, la Bible lui apparaissant « un roman mal concerté », les prophètes un « galimat ias ridicule », l'Évangile une « fraude pieuse ». Un naufrage le jette ensuite « au beau pays du déisme », où l’incarnation est déclarée une « idée insupportable », indigne de Dieu, la création une « allégorie », JésusChrist un grand homme, l’enfer une absurdité, l’homme ne pouvant offenser Dieu, les mystères, « ce que nous ne pouvons pas définir », la religion chrétienne en somme une imposture, utile à certains égards, des rois et des prêtres. Enfin Massé arrive à Goa, terre d’Inquisition et un prisonnier de l’Inquisition s’y proclame « universel, de la religion des honnêtes gens. J’aime Dieu, dit-il, je l’adore et je fais du bien aux hommes ». Quoi de mieux ? Thèmes semblables, dans la Terre australe, de Gabriel de Foignꝟ. 1676, l' Histoire des Sévérambes, de Denis Verras, 1677, 1678, 1679. Cf. G. Lanson, Origines de l’esprit philosophique en France, dans Revue des cours et conférences, décembre 1907-avril 1910 ; G. Atkinson, The exlraordinarg Voyage in French literature before 1700, NewYork, 1920 ; F. Lachèvre, Les successeurs de Cyrano de Bergerac. La vie de Gabriel de Foigny, Paris, 1922 ; N. Van Wyngaarden, Les odyssées philosophiques en France entre 1616 et 1789, Harlem, 1932.

Il y a même vers ce moment un essai d’une histoire comparée des religions, traitées toutes comme des phénomènes de semblable origine dans hs Cérémonies et coutumes de tous les peuples du monde, 1723-1737, Il in-fol., de Jean-François Bernard. Toutes les religions se valent, dit-il, dans toutes les choses qui méritent le mépris du sage, mais « il faut avoir pour elles les égards que l’on a pour des personnes fort âgées ».

2. La critique biblique : Richard Simon. — La Bible a cessé d'être le livre sacré que la chrétienté entendait tout entière dans le même sens. Les réformateurs ont déjà contesté certaines interprétât ions traditionnelles ; les sociniens ont réclamé le droit de libre examen. Mais le fait que la Bible est entre toutes les mains, que la Benaissance a appelé à une revision des textes, et surtout la difficulté de faire concorder la chronologie des Chinois, des Égyptiens, qu’ont fait connaître les explorateurs, les missionnaires, avec la chronologie biblique — ou plutôt avec son interprétation traditionnelle — va provoquer la naissance de l’exégèse biblique, pour mettre la Bible en contradiction avec les traditions des autres peuples, avec elle-même et détruire son autorilé.

Sans parler de Capellc, dont l’orthodoxie n’est pas douteuse, qui a écrit un Dr crilica sacra sive de variis quæ in sacris Velrris Testamenti libris occurrunt lectionibus libri VI, Paris, 1650, in-fol, les initiateurs sont Hobbes (pli traite dans son Levialhan, III, 33, « du nombre, de l’ancienneté, de l’autorité et de l’interprétation des livres de la Bible » ; le protestant [saac de La Peyrèrc (1591-1670), voir La Pkyhère et aussi Préadamites, de Bordeaux, qui, sur un passage de V Épitre aux Romains, c. v, soutient qu’Adam n’est pas le premier homme et qu’il y a des préadamiles : Præadamilse, primi homines ante Adamum conditi, 1055. in-4° ; Spinoza qui proposera d’interpréter la Bible « par une méthode semblable a celle qui sert à interpréter la nature », où l’on étudie les phénomènes pour aboutir à d’exactes définit ions. Mais le vrai Fondateur de 1 l’exégèse biblique, celui dont elle tient sa méthode et son esprit, c’est l’oral orien Richard Simon (1638-1712),

Arguant de ce que l'Église s’appuie sur la tradition et de ce que le protestantisme ne peut que perdre à une revision scientifique des livres sacrés, il se livra à cette re vision — malgré Bossuet — dans l’Histoire critique du Vieux Testament. 1085 ; V Histoire critique des textes du Nouveau Testament, Botterdam, 1089, in-4° ; l’Histoire critique des versions du Nouveau Testament, Botterdam, 1090. in 1° ; {'Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, Botterdam, 1093. in- 1°, (contredite par Bossuet dans sa Défense de la Tradition des saints Itères, 1703) ; le Nouveau Testament de Xolre-Scigneiir Jésus-Christ, traduit sur l’ancienne édition latine avec des remarques, Trévoux, 1702-1703, 2 vol. in-4°, dit Version de Trévoux, condamné par Bossuet et le cardinal de Noailles. « Ceux qui font profession de critique, dit-il lui-même, Histoire critique du Vieux Testament, t. III, c. xv, ne doivent s’arrêter qu'à expliquer le sens littéral de leurs auteurs et éviter tout ce qui est inutile à leurs desseins. Ils n’ont donc pas à tenir compte de considérations I héologiques ou morales mais à traiter, tout comme ils le feraient pour un livre profane, ces questions : 1. Les livres donnés sont-ils bien de l’auteur à qui la tradition les attribue ? Ainsi, Moïse n’est pas l’auteur du Pentatcuque tout entier : il a fait les lois et les ordonnances ; des scribes ont rédigé sur son ordre et peut-être après lui la partie historique ; 2. les textes nous sont-ils parvenus intégralement ? Il y a dans tous des altérations, des interpolations ; 3. il faut retrouver la pensée même de l’auteur. Kntre le sens traditionnel et théologique donné a tel passage et le sens grammatical ou littéral », le critique n’a pas à hésiter. « Il doit toujours avoir devant les yeux le sens littéral. Autrement chacun prendrait la liberté de traduire l'Écriture selon ses préjugés et alors ce ne serait plus interpréter la parole de Dieu, mais l’expliquer selon ses idées. » Histoire critique des versions du Nouveau Testament, 1690, p. 447.

Un protestant, [saac Leclere (1057-1736), professeur à Amsterdam, tout en combattant certaines de ces idées tit écho à Bichard Simon en le dépassant. Dans les Sentiments de quelques théologiens de Hollande sur l’Histoire critique du Vieux Testament composée par Richard Simon, Amsterdam, 1085, 2 in-8°, et dans ses Parrliasiana un pensées diverses sur des matières de critique, d’histoire…, Amsterdam, 1099, in-8°, après avoir critiqué l’hypothèse de Richard Simon sur le Pcntatcuque pour en avancer une autre plus radicale, il soutient que, là où la Bible ne s’accorde pas avec la conscience et la raison, elle n’esl pas inspirée. Ainsi, les livres historiques ne sont pas inspirés ; les Proverbes sont un livre de sagesse purement humaine. Ses attaques contre Bichard Simon furent pour celui-ci l’occasion d’une nouvelle publication : De l’inspiration des livres sacrés avec la Réponse au livre intitulé : Défense des sentiments, Rotterdam, 1087, in-4°. L'œuvre de Bichard Simon obligera les catholiques à une nouvelle exégèse et fournira aux libertins un nouveau terrain de combat et de nouvelles armes. Sur B. Simon, cf. A. Bcrnus, Richard Simon et son liisloire critique du Vieux Testament. La critique biblique au siècle de Louis XIV, Lausanne, 1809 ; J. Denis, Critique et controverse ou Richard Simon et Bossuet, Cæn, 1870 ; Margival, Essai sur Richard Simon et la critique biblique au XVIIIe siècle, Paris, 1900, in-8° ; H. Fréville, R. Simon et les protestants, dans Revue d’histoire moderne, janvier-février, 1931.

3. Bayle : la critique des croyances, « le préjugé de la raison » et l’apologie de l’athéisme. - Pierre Bayle, (1647-1700). voir son article, avec ses écrits Sur la comète. 1082 1705, ses Nouvelles de la République des lettres, 108 1-1087. son Commentaire philosophique sur le Compclle inlrare. 1686-1687, et surtout son Diction-