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KAPT (EMPÊCHEMENT DE)


Lorsqu’une femme, qui tout d’abord a refusé de se laisser enlever en vue du mariage, se laisse gagner ensuite par les flatteries et les promesses du ravisseur et accepte enfin de le suivre librement, on a le rapt de séduction, qui n’est pas un empêchement. L’empêchement existerait au contraire, si la femme qui avait d’abord consenti à son enlèvement en vue du mariage, se ressaisissait et refusait ensuite tout consentement ; à ce moment en effet commencerait au moins la détention violente, c’est-à-dire contre le gré de la femme, en vue du mariage, can. Î074, § 3. Gaspard, op. cit., éd. 1932, n. 655.

La violence dont il est ici question, ne saurait résulter de simples prières, même pressantes, ni de promesses flatteuses de la part du ravisseur. La crainte révérenticlle ne suffit pas non plus par elle-même, à moins que ne viennent s’y ajouter des circonstances capables de créer une contrainte relativement grave. La ruse ou la fraude, dont le séducteur a usé pour l’enlèvement ou la détention, équivalent à la violence, toutes les fois que la femme, ignorant où l’on veut en venir, refuse de consentir aux manœuvres qui l’encerclent, en même temps qu’elle se trouve dans l’impossibilité de s’en débarrasser. WernzVidal, op. cit., p. 370 : Capello, op. cit., n. 464.

4. Aux termes du canon 1074, l’empêchement de mariage existe inter virum raptorem et mulierem raplam ; c’est dire que le ravisseur sera un homme, la victime une femme. On discuta autrefois pour savoir si l’enlèvement d’un jeune homme pusillanime par une femme autoritaire constituait un rapt ; quelques auteurs osèrent l’affirmer, mais la majorité tint pour la négative. Après le texte du Concile de Trente, sess. xxiv, c. vi, et celui du Code que nous avons cité, aucun doute ne peut subsister à cet égard et il est facile de comprendre la raison de la loi : la femme subissant plus facilement que l’homme la contrainte physique ou morale en vue du mariage, le législateur n’a voulu retenir que les cas habituels, non les cas exceptionnels. Sanchez, De sacr. matr., 1. VII. disp. XIII, n. 1(>.

S’il arrive que le ravisseur fasse opérer l’enlèvement ou la détention par un autre ou par d’autres, on applique la règle : qui per alium facit est perinde <te si facial per scipsum, Reg. 72, in Vl° ; d’où il suit que l’empêchement lie le mandant, non les exécutants : l’un de ceux-ci pourrait donc validement contracter avec la victime si elle y consent. Dans le cas où un individu, de son propre chef et sans en avoir reçu mandat, aurait enlevé une femme pour le compte d’un tiers, il n’y aurait aucun empêchement de rapt, ni pour le tiers, qui n’y est pour rien, ni pour le ravisseur qui n’a pas enlevé la femme en vue de l'épouser luimême ; mais l’empêchement naîtrait dès que le ravisseur, changeant de sentiment, commencerait à détenir la femme malgré elle pour l’amener à contracter avec lui.

Du côté de la femme violentée, l’empêchement existe, quelle que soit la qualité de cette femme, virgo, corrupta, honesta, inhonesfa, même meretrix : le Code ne distingue pas, à rencontre du droit romain qui ne punissait pas les ravisseurs de femmes publiques. Cependant, en présence de l’enlèvement d’une femme majeure et perdue de mœurs, on présumera, jusqu'à preuve contraire, que cette f en une a consent i a se laisser enlever et qu’en conséquence il s’agit d’une fuite, fut/a, et non d’un rapt. Le Code actuel ne dis lingue pas non plus entre la femme libre et la liancée, fût-ce la propre fiancée du ravisseur, car l’obligation qui naît du contrat de fiançailles ne saurait cire urgée par la force privée ; l’ancien adage du droit classique : non /il rapius proprise sponsse a donc définitivement vécu.

5. Enfin, rapt et détention doivent être opérés l’un et l’autre en vue du mariage, intuitu matrimonii, et. non pour une autre fin, par exemple : pour satisfaire une passion coupable, une vengeance, dérober de l’argent, extorquer une rançon, etc. La loi en effet n’a été portée que pour sauvegarder la dignité et la liberté du mariage. Lorsqu’il y aura doute sur les intentions du ravisseur, on présumera que le rapt a été fait en vue du mariage, non seulement lorsqu’il y aura eu auparavant un contrat de fiançailles, mais encore en l’absence de toute promesse antérieure ou de tractations matrimoniales ; dans le doute en effet, c’est la' liberté du mariage qui doit prévaloir. Cette présomption d’ailleurs, fondée sur l’expérience et la doctrine plutôt que sur un texte du droit, ne doit jamais être considérée comme juris et de jure ; elle cède toujours à la vérité. Cf. Feije, De matr. impedimenlis et dispensationibus, n. 1 IN.

Il en faut dire autant des autres doutes qui peuvent porter soit sur la violence subie par la femme soit sur le consentement donné à l’enlèvement. Les circonstances ambiantes aideront à éclaircir ce doute, et, si quelque obscurité subsiste, on aura recours aux présomptions. La présomption ayant pour but de sauvegarder et favoriser la liberté du mariage, sera toujours contre le ravisseur, et par conséquent pour la violence exercée et l’opposition de la femme : à cette présomption, les circonstances comme l'âge de la femme, les tractalions antérieures pourront donner une consistance plus ou moins forte ; mais toute preuve contraire sera admise, ainsi quc nous l’avons dit plus haut. Cf. WernzVidal, Jus malriin., n. 31 I.

Pour la pratique, le curé chargé de l’enquête préliminaire au mariage n’oubliera pas les prescriptions du canon 1031, § 1, 3° ; et, dans le cas où quelque doute subsisterait, il n’assistera pas au mariage sans avoir consulté l’Ordinaire.

3° Cessation. - - L’empêchement de rapt dure < tant que la femme reste au pouvoir du ravisseur », can. 1074, § 1, pour quelque raison que ce soit.

Il ne saurait donc y avoir de mariage valide tant que la femme continue à habiter la maison où elle avait été transférée ou détenue, alors même que le ravisseur la laisserait libre et qu’elle pourrait s’enfuir ; il en serait de même si elle était transportée dans une autre maison appartenant à cet homme ou louée par lui, ou bien dans la maison de sa famille ou d’un de ses amis, encore que la victime ait la possibilité de s’en aller et d’agir librement : dans tous ces cas, la femme n’est pas considérée comme suffisamment dégagée de l’influence du ravisseur, surtout quand celui-ci, ainsi qu’il arrive fréquemment, charge quelqu’un de la garder ou de la surveiller. Iîicn plus, l’empêchement peut subsister, même contre la volonté de la femme, en dépit du consentement qu’elle pourrait donner dans la suite ; ni une longue cohabitation librement consentie, ni l’acte conjugal accepté par la femme, ni la célébration du mariage dans la forme prescrite ne peuvent purger le rapt.

L’empêchement cesse au contraire normalement et immédiatement par la restitution de la femme à la pleine liberté et à la complète sécurité ; il peut cesser aussi, bien que rarement, par la dispense.

1. Si rapta a raptore separata et in loco luto ac tibero constilula…, can. 1074. S 2. Il faut donc que la femme soit séparée du ravisseur, soustraite totalement à son influence et. pour cela, placée en un lieu sûr où elle soil complètement libre. Ce lieu peut être soit sa propre maison, d’où clic a été enlevée, soit celle d’un parent ou d’un ami totalement étranger aux manœuvres du ravisseur. A la rigueur, elle pourrait même rester dans le local OÙ elle était détenue, à condition que celui-ci soit purgé de toute influence, directe ou indi-