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RAISON — RAMIÈKK (HENRI


dans l'élude des vérités d’ordre naturel. - En elïet, les mystères proprement dits, enseignés par la révélation, sont traduits en notre esprit çn des idées empruntées aux données rationnelles. Notre raison en possède ainsi, comme on l’a dit plus haut, une certaine intelligence. Et cette intelligence même nous oblige à appliquer aux mystères les notions philosophiques reçues et ainsi à en préciser la signification et la portée, afin d'éliminer du dogme toute contradiction. Ainsi, dans l’exposé du mystère de la Trinité, la philosophie chrétienne trouve occasion de préciser la notion philosophique de relation ; dans le mystère de l’incarnation, les notions de personne et de nature ; dans le mystère de l’eucharistie, les notions de substance et d’accident, ainsi que la notion de présence locale ; dans l'étude des sacrements, la notion du siyne et de la cause instrumentale ; dans l'étude des vertus, celle des habitudes, etc.

Ce double rôle de la foi par rapport à la raison est clairement indiqué par le concile du Vatican : « Éclairée de la lumière (de la foi), la raison cultive la science des choses divines et la foi délivre et préserve la raison des erreurs et l’instruit de connaissances multiples. » Sess. iii, c. iv, Denz.-Bannw., n. 1 79*->.

Tout ce paragraphe du concile du Vatican serait d’ailleurs à transcrire ici en mode de conclusion. Car, tout en rappelant le soutien mutuel que doivent se donner foi et raison, il maintient la distinction fondamentale du champ d’investigation de l’une et de l’autre et pose ainsi le principe cpii discrimine la méthode rationnelle de la méthode d’autorit'-, tout en affirmant le primat de la vérité révélée sur la vérité rationnelle, celle-ci ne devant jamais professer d’erreurs qui la mettent en opposition avec celle-là et devant toujours s’interdire de sortir de son domaine, pour envahir et troubler le domaine de la foi. En ces quelques notes sur les rapports de la foi et de la raison se trouvent condensés les éléments de solution du problème si discuté de nos jours de la possibilité d’une philosophie chrétienne ». Voir l’art. Philosophie, t. xii, col. 1460-1494.

.T. -M. Vacant, Éludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. i, art. 20-25 ; 30-32 ; 55-60 ; 65-67 ; t. ii, art. 97-100 ; 114-116 ; 122 ; 124-135 ; R. Garrigou-La-îranse, De revelatione, Paris, 1918, t. i, C. xiii, xv ; t. ii, p issim ; J.-V. Bninvel, Foi, Fidéisrn", d ins le Dictionnaire apologétique de ht foi catholique, l. ii, col. 1794.

A. Michel.

RAM 1ÈRE Henri, né à Castres, diocèse d’Albi, en 1821, entré dans la Compagnie de Jésus en 1839, enseigna longtemps la théologie au scholasticat de Vais, près Le Puy, puis, les quatre dernières années de sa vie, à l’Institut catholique de Toulouse, où il mourut en 1884. Organisateur de V Apostolat de la prière et fondateur du Messager du Cœur de Jésus, il assista au concile du Vatican comme théologien de l'évêque de Beauvais et comme procureur de l’archevêque de Chambéry ; à cette occasion, il publia de Rome, en supplément hebdomadaire au Messager, un Bulletin du concile, dont les 36 numéros (16 décembre 186920 août 1870) constituent une source d’histoire qui n’est pas à dédaigner. On peut y suivre, en particulier, les controverses sur l’infaillibilité, dans lesquelles il intervint lui-même par plusieurs écrits : Les contradictions de Mgr Maret. L’abbé Gratry et Mgr Dupanloup : — L’abbé Gratrij, le pseudoIsidore et les défenseurs de l'Église romaine ; — La mission du concile révélée par l’abbé Gratry ; — Le programme du concile tracé par Mgr l'évêgue d’Orléans.

En dehors de ces brochures et de ses cours de professeur, son œuvre proprement théologique n’a rien de technique ou de spéculatif. Le P. Ramière est d’abord

un publiciste, qui sait la théologie a fond et qui la fait parler sur les questions à l’ordre du jour des préoccupations catholiques. Ainsi prend-il position contre le traditionalisme et contre l’ontologisme, en se faisant le promoteur du retour à la philosophie traditionnelle, surtout dans saint Thomas : De l’unité dans l’enseignement de la philosophie au sein des écoles catholiques d’après les récentes décisions des congrégations romaines (1852). Ainsi fait-il voir où est l’erreur fondamentale du libéralisme catholique dans : L'Église et la civilisation moderne, repris quelques mois après dans Les espérances de V Église (1861). Les doctrines romaines sur le libéralisme envisagées dans leurs rapports avec le dogme chrétien et avec les besoins des sociétés modernes (1869), et articles nombreux dans les Études de 1874-1875 et juillet 1879. Nombreux articles aussi sur divers sujets d’actualité, surtout après 1870, dans les revues catholiques de l'époque : Lettre à M. le chevalier Bonnetty (Annales de philosophie chrétienne, avril 1873> ; — La doctrine de l'école franciscaine sur le sacrement de pénitence (Rev. des se. ecclés., 1873 et 1874) ; — La théologie scolastique (Études, 1858) ; — Les études ecclésiastiques en France (ibid., décembre 1873) ; — Le mouvement catholique de l’anglicanisme (Rev. du monde cathol., t. xiv et xv) ; — Les « courants de la pensée religieuse » de Gladstone (Études, juillet 1876) ; — Le prêt d’argent des anciens théologiens comparé à celui des moralistes modernes (Bulletin de l’Institut catholique de Toulouse, 1884) ; — - La question sociale et le Sacré-Cœur ; — L’ordre social chrétien (Association catholique, t. i et vii, et Rev. calh. des institutions et du droit, t. xii).

Mais le P. Ramière est surtout le théologien de l'Église, de la vie surnaturelle et du Sacré-Cœur. Son ouvrage : Les espérances de l'Église (1861) unit fortement entre eux ces trois objets de son incessante activité. Le but immédiat du livre est de rechercher si les exigences et les aspirations du monde moderne peuvent faire craindre pour l’avenir de l’Eglise. La réponse est franchement optimiste. La tendance dans laquelle se résument les aspirations nouvelles des peuples est celle qui les pousse à l’unité. Or, c’est aussi à cpioi est ordonnée l'Église. Cependant, le vrai fondement des espérances à avoir pour elle est le rôle qui lui est assigné dans le plan de Dieu sur chaque homme en parti culier et sur l’humanité tout entière : continuer et communiquer la vie de Jésus-Christ, afin qu’en lui et par lui s'établisse le règne de Dieu. Tel est le point où le P. Ramière demande aux catholiques de se placer pour apprécier le rôle et les espérances de l'Église : au point de vue d’où le souverain ordonnateur du monde dirige les événements humains. Le théologien se tient donc lui-même au centre de la doctrine catholique. Et telle est, en efi’et, la note propre du P. Ramière : à une époque où les écrivains catholiques semblent n’aborder la question religieuse que les yeux fixés sur ceux du dehors, lui s’adresse d’abord à ceux du dedans. Le livre L’apostolat de la prière, publié en 1859 et fréquemment réédité depuis, est aussi tout pour eux ; il leur rappelle le devoir et le moyen de contribuer euxmêmes à la réalisation du plan de Dieu dans la création et l’incarnation. Pour cela, il leur est indispensable de s’unir à celui cpii est le chef et le centre de cet ordre surnaturel et de s’associer aux incessantes aspirations de son cœur vers V Advenial regnum tuum. Ainsi l’homme atteint-il sa fin personnelle, qui est la participation à la vie même de Dieu, et ainsi concourtil à faire pénétrer partout les principes chrétiens, qui assurent le règne du Christ dans la société comme dans les individus.

Cette doctrine, incessamment reprise dans les articles du Messager d’où ont été tirés ensuite les deux volumes : Le cœur de Jésus et la divinisation du chré-