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RADBERT (PASCHASE


pleurent la mort l’une de son père, l’autre de son époux, en la personne d’Adalhard. Mabillon et Migne après lui ont publié ce poème à la suite de la Vila ; Traube a montré que la composition de cette églogue est bien due à Radbert. Cf. Mon. Germ. hist., Poetx lai., t. iii, p. 42. %

2° Epilaphium Arsenii seu vila Walx (ibid., col. 1559-1 G50). — A cause du sujet, il faut placer ici cet ouvrage, dont la date est beaucoup plus tardive : il présente, en effet, la vie de Wala, frère d’Adalhard, qui fut étroitement uni à l’activité de celui-ci et lui succéda à la tête de l’abbaye. Il n’y a plus d’hésitation sur l’attribution de cet ouvrage à Paschase Radbert : l’argumentation de Mabillon a paru convaincante, on la lira dans Migne (col. 1557). Cf. Himly, Wala et Louis le Débonnaire, I’aris, 1849, p. 1° ; Mobilier, Les sources de l’histoire de ]-'rance, t. i, p. 234.

Cet Éloge funèbre, divisé en deux livres, est dialogué ; les interlocuteurs ne sont d’ailleurs plus les mêmes au second livre, car un intervalle assez long s’est écoulé. Le premier livre, en effet, fut composé peu de temps après la mort de Wala, survenue en 835, et axant la mort de Louis le Débonnaire en 840 ; le second a été écrit après la démission de Radbert, donc après 851. Les interlocuteurs sont Radbert lui-même et quelques moines de Corbie qui égrènent leurs souvenirs.

A première vue, cette œuvre paraît obscure ; mais tout s’explique quand on a compris qu’il s’agit d’un livre à clef : les personnages sont présentés sous un nom d’emprunt : Wala lui-même est Arsénius, ou Jérémias ; Adalhard est Antonius ; Louis le Débonnaire, Justinien ; l’impératrice Judith, Justine, etc. Ces noms ont été interprétés pour la première fois par Mabillon. Ce style voilé, cet écart entre les deux livres étaient commandés par la prudence. Si l’on se rappelle le rôle politique si tourmenté de Wala et l’attitude d’opposant qu’il eut souvent à l'égard de Louis cl surtout de Judith, on comprendra que son panégyriste ait été tenu à une grande réserve dans le compterendu des faits, et dans le blâme de personnages encore vivants ; le premier livre, à la rigueur, peut se suffire à lui-même ; il fait l'éloge, en Wala, de l’homme et du moine ; Radbert, qui l’avait connu intimement, et mieux encore qu’il n’avait connu Adalhard, pouvait, là-dessus, entreprendre un panégyrique peu compromettant. Le second livre est beaucoup plus historique et, partant, plus intéressant pour le lecteur averti. Mais, s’il est précieux pour reconstituer l’histoire d’une période particulièrement troublée, il n’apporte que peu de choses au théologien.

3° Commentaire sur saint Matthieu (ibid., col. 31994). — Ce commentaire est l'œuvre la plus considérable de Radbert. Il est réparti en douze livres et sa composition s'échelonne tout au long de la vie de l’auteur, ainsi qu’on peut le constater par les préfaces et les conclusions des divers livres.

Il fut parlé avant d'être écrit. Au prologue du I. I er, Radbert nous dit qu’on l’avait chargé de prêcher aux fêles solennelles sur quelques passages de l'évangile, mais il est certain que cette prédication ne fut pas la seule raison d'être de ce commentaire : celui-ci, en effet, suppose une explication suivie, telle qu’elle peut être donnée par un professeur dans un cours. Laistner remarque que l'évangile de saint Matthieu était souvent considéré comme le texte de base pour l’explication des trois autres, Thought and lelters in Western Europe, A. D. ~)00-900, p. 247 à 252. C’est le cas par exemple du Commentaire sur saint Matthieu de Christian de Stavelot qui connut Paschase Radbert à Corbie : de fréquentes citations de Marc, Luc et Jean viennent compléter l’histoire évangélique telle que la donne saint Matthieu ; chez Paschase Radbert, l’impression est la même.

Radbert commença donc à commenter saint Matthieu, alors qu’il était écolàtre de Corbie ; à la demande de ses frères, il rédigea les quatre premiers livres et les dédia à Guntland, moine de Saint-Riquier. Plus tard, lorsqu’après sa démission il se retira à SaintRiquier, les nouveaux frères qui l’avaient accueilli lui demandèrent de continuer son travail, il composa alors les quatre livres suivants. Les derniers furent terminés plus tard, après son retour à Corbie : au prologue du t. IX, il se présente lui-même comme un vieillard. Ces livres, comme les précédents, sont dédiés aux moines de Saint-Riquier.

La méthode habituelle de ces commentaires chez nos auteurs du ixe siècle consiste à recueillir les meilleurs passages des Pères, à les abréger en un florilège assez impersonnel. Radbert est cependant, dans son commentaire sur Matthieu, plus personnel que beaucoup de ses contemporains ; il utilise les Pères, évidemment, mais il ne se prive pas de les critiquer quand l’occasion s’en présente ; il indique ses références en plaçant près du texte cité les premières lettres du nom de l’auteur ; si l’on ne peut pas dire que tout soit de lui dans cette œuvre, il y a beaucoup de lui ; il ne dissimule pas ses idées : le récit de la cène, par exemple, lui permet de revenir et d’insister sur la thèse qu’il a soutenue dans son De corpore et sanguine Domini. Voir col. 890.

4° Liber de corpore et sanguine Domini (ibid., col. 1267-1350). — C’est l’ouvrage fondamental de Radbert, celui dans lequel il a mis le plus de lui-même. Migne reproduit le texte publié par les P. P. Martène et Durand, au t. îx de V Amplissima collectio. Cette édition a été établie très sérieusement sur un grand nombre de manuscrits, dont plusieurs contemporains de Radbert. Le traité fut composé à la demande de Warin, ou Placide, abbé de Corbie la Neuve, pour l’instruction des moines saxons, chrétiens de date récente et encore peu instruits de la doctrine ; cette première édition est de rSlil, la préface taisant allusion a l’exil de Wala, nommé ici Arsénius. Il ne semble pas que l'œuvre, a cette date, ait fait grand bruit. Des extraits, cependant, en furent faits et circulèrent sans nom d’auteur ou même sous le nom de saiuL Augustin, ce qui provoqua plus tard un singulier quiproquo : on alléguera contre Radbert ses propres textes comme étant de saint Augustin et on lui fera le reproche d’avoir mal compris et tiré à lui la pensée du maître. Noir sur cette curieuse question : Lepin, L’idée du sacrifice de la messe d’après les théologiens, Paris, 1926, appendice, p. 759.

En 844, devenu abbé de Corbie, Radbert reprit son œuvre et en lit hommage à Charles le Chauve : elle recevait ainsi une publicité qu’elle n’avait pas connue jusque là. Il en résulta une controverse qui dura plusieurs années ; on reprochait à Radbert un réalisme excessif, lorsqu’il affirmait que le corps du Christ présent dans l’eucharistie est le corps même du Christ vivant, né de la vierge Marie et immolé au Calvaire, et d’autre part que le sacrifice de la messe « renouvelle » le sacrifice de la croix. Les principaux opposants lurent Ratramne, moine de Corbie, Raban Maur, Pénitenliel à Héribald, P. L., t. ex, col. 192, et Gottschalk, auteur des Dicta cujusdam sapienlis, autrefois attribués à Raban Maur et publiés parmi les œuvres de ce dernier sous le titre de Lettre à Égil, P. L., t. c.xii, col. 1510.

Ainsi attaqué, Radbert non seulement maintint sa position, mais il l’accentua. Nous pouvons connaître l'état de sa pensée d’alors par le commentaire qu’il donne du c. XXVI de saint.Matthieu, où il prend à par r tie ses adversaires : Audiant qui volunt exlenuare hoc verbum corporis, quod non sit vera caro Christi, qu.se nunc in sacramento celebratur in Ecclesia Christi, neque