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RABAIS' MAUR. ŒUVRES


1er dans Mon. Germ. hisl., Poelie, t. n. Les poèmes de Raban célèbrent ses amis, ses bienfaiteurs ; d’autres sont des inscriptions pour les églises ou les autels consacrés par lui ; ce sont encore des épitaphes, la sienne en particulier ; des hymnes religieux : il est fort possible que le Veni, Creator soit de lui. Suivant l’habitude de son maître Alcuin, il fait précéder bon nombre de ses ouvrages d’une dédicace en vers. Dans l’ensemble, l’inspiration et la forme sont assez médiocres : imitation ou réminiscences des devanciers, classiques ou non, y tiennent une grande place.

Parmi les œuvres poétiques, il faut faire une place à part à une œuvre étrange, qui s’apparente de très près à nos mots carrés, en losange, etc., mais sur une vaste échelle. Il s’agit du poème intitulé Liber de Cruce ou encore, De laudibus sanctse Crucis. P. L., t. cvii, col. 133-294. C’est une œuvre de jeunesse, mais le nombre de manuscrits qui nous restent et qui furent exécutés à Fulda, sous les yeux de l’auteur, montrent qu’il n'était pas peu fier de sa virtuosité. De fait, un pareil travail suppose une connaissance extrêmement riche de la langue. Raban l’offrit à un grand nombre d’amis et de personnages divers, comme en témoignent les multiples dédicaces qui précèdent le texte imprimé. Comme le titre l’indique, le poème est destiné à glorifier la croix du Sauveur ; il se compose d’un texte en vers et en prose, et de figures : les vers se lisent normalement de gauche à droite ; mais, au milieu des vers sont inscrites des figures variées, les unes purement géométriques, les autres représentant des personnages : l’empereur, Notre-Seigneur en croix, des chérubins, Raban lui-même, les animaux prophétiques, etc. Dans ces figures, d’autres vers sont inscrits, suivant les lignes diverses, et, offrant, avec des lettres empruntées au fond, un sens spécial, et comme un second poème. Une notice explicative (qui n’est pas superflue) accompagne chaque tableau. La typographie de Migne permet de se faire une idée des originaux, mais le dessin évidemment ne rend pas les miniatures, qui sont fort belles. Cf. Boinet. Notice sur deux manuscrits à miniatures exécutés à l’abbaye de Fulda, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, année 1904, t. lxv.

Consultations et correspondance.

Il n’existe pas

un recueil des lettres de Raban Maur, comme il existe par exemple une « Correspondance de Loup de Ferrières ». Dummler, qui en a rassemblé cinquante-sept, dans Mon. Germ. hisl., Epist., t. v, p. 377-516, cf. p. 517-533, est obligé, pour obtenir ce chiffre, de faire iigurer dans sa collection les dédicaces et lettres d’envoi qui précèdent les différents traités ; quant aux autres, il reconnaît que ce sont plutôt de petits traités que des lettres proprement dites ; ainsi, le premier mot que nous avons placé comme titre de ce paragraphe paraît plus exact que le second : il arrive fréquemment que Raban soit consulté sur une question ou sur une autre ; tantôt, il répond par un véritable ouvrage, c’est ainsi que l’ensemble de son œuvre donne l’impression d’avoir été exécutée sur commande ; tantôt il répond par un simple mémoire. Cependant, de nombreux fragments, recueillis par Dummler et publiés par lui, à la suite des Epislolæ, montrent que la correspondance de Raban fut très vaste. Les « Centuriateurs de Magdebourg » avaient entre les mains une collection de ces lettres qui a disparu depuis.

1. Lettre à Drogon, archevêque de Metz, sur les chorévêques (P. L., t. ex, col. 1198-1206 ; Epist., p. 431-439). — Les chorévêques, collaborateurs des évêques, apparaissent en Occident, vers le milieu du viiie siècle. Peu à peu, des prélats, peu empressés à s’acquitter de leurs fonctions, ou retenus près du souverain pour suivre les affaires publiques, se déchargèrent de leurs devoirs suide tels auxiliaires. Il dut en résulter des abus, des empiétements ; aussi un mouvement d’opinion se créa-t-il

contre eux et il arriva que des préoccupations de discipline ecclésiastique faussèrent les principes de la théologie patristique sur la validité des actes accomplis par les chorévêques. Raban Maur prend leur défense : pour lui, ils ont réellement des pouvoirs épiscopaux, mais qu’ils ne doivent exercer qu’en dépendance de l'évêque dont ils sont les collaborateurs. Cf. Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 109-124. Dans le royaume de Charles le Chauve, où les proceres ecclésiastiques étaient fort animés contre eux, les Fausses décrétales leur portèrent un coup fatal.

2. Consultations diverses sur le mariage et la pénitence.

Lettre à Humbert de YV’urzbourg sur les degrés de parenté qui empêchent le mariage. P. L.,

t. ex, col. 1083-1088 ; Epist., p. 445-447. — Reprise de la même question, dans une lettre à Lionose, abbé de Fulda, son successeur ; puis examen de quelques difficultés concernant la magie et la superstition. P. L.. t. ex, col. 1087-1096 ; 1097-1108 ; Epist., p. 455-462. — Lettre à Réginbald, chorévêque, réponse à plusieurs questions sur la pénitence. P. L., t. ex, col. 1187-1196 ; Epist., p. 448-454. — Au même sur divers sujets. P. L., t. cxii, col. 1507-1510 ; Epist., p. 479-480. — Lettre au chorévêque de Strasbourg sur la pénitence à imposer à l’inceste et au parricide. Epist., p. 507-508.

3. Lettres concernant l’affaire de Gottschalk.

Cette

affaire de Gottschalk occupa théologiens, évêques et conciles pendant une bonne partie du siècle. Raban Maur qui la déclencha n’en vit pas l’issue ; il se retira d’ailleurs de la controverse, bien avant de mourir, soit lassitude résultant de son état de santé, soit qu’il considérât l’affaire comme assez mal conduite par Hincmar.

Gottschalk encore enfant avait été offert — oblatus — à l’abbaye de Fulda, au temps de l’abbé Égil, pour devenir moine. Plus tard, arrivé à l'âge d’homme, il soutint que ses vœux ne l’engageaient pas, faute de consentement ; il fit discuter son cas au concile de Mayence de 829. Le concile lui donna raison, mais Raban Maur, qui était alors son abbé, protesta dans une lettre à l’empereur, lettre qui constitue un véritable mémoire sur l’oblature des enfants. P. L., t. evn, col. 419-440, Liber de oblalione puerorum. La question est traitée en termes généraux et Raban conclut que les engagements pris ainsi au nom des enfants par leurs parents peuvent être parfaitement valides. Quoi qu’il en soit, Gottschalk ne resta pas à Fulda, il partit pour le monastère d’Orbais, au diocèse de Soissons, où il fit profession. Là, il se mit à l'étude de saint Augustin, se fit bientôt un certain renom de compétence et entra en relations avec quelques-uns des meilleurs esprits de son temps. C’est au cours d’un voyage qu’il fit en Italie que ses prédications et ses discussions commencèrent à inspirer des doutes sur son orthodoxie. A son retour de Rome (date incertaine) il séjourna quelque temps dans le Frioul, chez le gouverneur Éberhard. Celui-ci était un ami personnel de Raban Maur qui lui avait peu auparavant envoyé en hommage son Liber de Cruce. Au Frioul, Gottschalk rencontra par hasard l'évêque nommé de Vérone, Noting, et eut avec lui des discussions théologiques. La gemina prsedestinatio est déjà son leit-motiv. Quelque temps après, Noting se rencontra avec Raban auprès de Louis le Germanique et lui demanda son opinion sur la question. Raban répondit par une lettre dans laquelle, d’après Prosper d’Aquitaine, et d’après Y Hijpomnesticutn qu’il croit être de saint Augustin, il réfute la thèse de Gottschalk : Epislola ad Nolingum, cum libro de prædeslinalione. P. L., t. exil, col. 1530-1553. Cette lettre serait de 840, à l’estimation de Dummler. Epist., p. 428. Plus tard, vers 846-847, Raban écrivit à Éberhard, lui expliquant que Gottschalk a trahi la pensée de saint Augustin, que celui-ci n’a jamais enseigné la double prédestina-