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rospe t et <|u’il lui présente d’une certaine manière (et quodammodo preesentat, c’est-à-dire dont il lui fait présent i. comme il est dit dans le texte de Denys. Et c’est pourquoi, de même que l’esprit de l’homme l’emporte sur ses membres corporels et sur toutes les choses extérieures qu’on emploie au service de Dieu, ainsi la prière l’emporte sur tous les autres actes religieux.

Mais, quand ils se posent ce problème : ulrurn oraiio sit actus rcligionis, les théologiens ne se demandent pas seulement si la prière est un acte de religion, mais encore si elle procède de la vertu de religion, ou de quelque autre vertu, ou de quelque autre habilus de l’âme, par exemple de l’un des dons du Saint-Esprit. L’âme de l’homme pourrait être comparée à un arbre dont le tronc porterait deux branches charpentières, l’intelligence et la volonté, desquelles sortiraient divers rameaux, qui sont les vertus et les dons. De quelle branche, de quel rameau procède la prière ? Or, voici la difficulté : « La vertu de religion, étant une partie potentielle de la vertu de justice, réside dans la volonté aient in suhjecto ; mais la prière, comme on l’a vu antérieurement, est un acte de la raison pratique, donc appartient à la partie intellective de l’âme (pertinct ad parlent intellectivam) ; donc, elle ne paraît pas être un acte émanant de la vertu de religion, mais plutôt du don d’intelligence, dont le rôle est d’élever l’âme à Dieu. » lbid., objectio l a. Dans les Sentences, Inc. cit., saint Thomas s’objecte que, d’après certaines définitions traditionnelles, on pourrait aussi la rattacher aux dons de sagesse ou de science. A l’objection principale, saint Thomas répond, ibid., ad 1’"" : « La volonté meut les autres puissances vers la fin à laquelle elle tend ; résidant en la volonté, la religion pourra donc ordonner à l’honneur de Dieu les actes des autres puissances. Or, parmi celles-ci, c’est l’intellect qui est la plus haute et la plus voisine de la volonté. C’est pourquoi, après la dévotion, qui émane de la volonté elle-même, c’est la prière, par laquelle la religion meut vers Dieu l’intellect humain, qui tient le premier rang parmi les actes de religion. »

Mais enfin, si la prière est un acte de la raison, dont la religion, c’est-à-dire la volonté, « se sert pour témoigner à Dieu du respect », comme il est dit dans les Sentences, Inc. cit., peut-on maintenir cette affirmation, qu’on y trouve aussi, que la prière est un acte « élicite » de la vertu de religion : cum Deo reverentiam exhibere sit actus lalriæ, oratin actus latrise erit clicitive’.' Dans l’article de la Somme, clicitive est remplacé par proprie. Suarez distingue : « La prière, dit-il, est un acte produit immédiatement (immédiate elicitus) par la vertu de religion quand afjectum pelendi, c’est-à-dire pour ce qui concerne le désir, la détermination de prier ; mais, pour ce qui est de la prière elle-même, c’est un acte impéré, en tant que la locutio, en quoi consiste formellement la prière, est un acte intellectuel, bien que, en tant qu’acte moral et vertueux fin esse moral ; et virtutis), on puisse la considérer aussi comme un acte élicite, avec un grand nombre de théologiens. » Op. cit., t. I, c. vii, n. 7. Cette distinction n’a pas l’heur de plaire à Jean de Saint-Thomas, qui la réfute longuement, Cursus theol., In II* m -// « ’, q. lxxxiii. a. 3, éd. Vives, t. vii, p. 759-709 ; cf. Vermeersch, op. cit., p. 6.

Sclwlia : 1° Pour que la prière soit un acte de religion, il n’est pas nécessaire qu’on sache qu’elle l’est et qu’on la veuille comme telle ; il suffit que l’on reconnaisse que l’on a besoin du secours de Dieu et qu’en priant on veuille se soumettre à Dieu. Suarez, loc. cit., n. 13. 2° En revanche, il peut advenir qu’une prière soit totalement dépourvue de cette qualité, qu’elle ne soit pas un acte de religion et donc pas une vraie prière : « si quelqu’un, par exemple, n’envisageant que son intérêt (ex nimio afjectu ad suum commodum vcl

alio simili), ne pense nullement, lorsqu’il demande quelque chose, a se soumettre à Dieu et à l’honorer, ni à reconnaître sa toute-puissance et la dépendance où il se trouve à son égard, mais est uniquement préoccupé d’obtenir le bien qu’il désire ou d’échapper au mal qu’il redoute », ibid., n. Il ; cf. Bremond, llisl. titt…, t. vii, p. 10.


II. Lus B8PÈCES dk prières. — * Les parties de la prière peuvent s’entendre de deux manières : il peut s’agir soit des parties intégrantes, soit des parties subjectives. Par parties intégrantes de la prière, on entend tout ce qui est requis pour former une prière complète. Les parties subjectives de la prière se distinguent ou selon la diversité des choses qu’on demande, ou selon les différentes manières dont se fait la demande. « Saint Thomas, In IV’<" Sent., dist. XV, q. iv, a. 3, sol 1.

Cela à propos du texte de saint Paul, I Tim., ii, l : obsecro igitur primum omnium fieri obsecraliones, nra~ tiones, poslulationes, gratiarum actiones ; duquel il faut rapprocher celui de Phil., iv, (i : sed in nmni oratione et obsecratione, cum gratiarum actione, petitiones oestrse innotescant apud Deum. Ces textes posaient un problème : parlaient-ils de diverses sortes de prières (parles subjectivœ), eu seulement des divers éléments qui doivent entrer dans la composition de toute prière pour qu’elle soit complète (partes intégrales)’Sa définition de la prière devait porter saint Thomas à y voir principalement d’abord, puis exclusivement l’indication des parties intégrantes de la prière. Le Catéchisme romain, c. iii, n. 1, adopta cette manière de voir.

I. LES PARTIES INTÉGRANTES DE LA PRIÈRE SBIjOS

saint THOMAS. — Dans le commentaire des Sentences, loc. cit., seules, les obsecraliones et les gratiarum actiones sont considérées comme parties intégrantes de la prière ; les nraliones et les poslulationes en sont des parties subjectives : celles-là concernant les biens de la vie présente, celles-ci ceux de la vie future. C’est d’après cette conception qu’est interprétée la distinction des parties de la messe donnée par la glose ordinaire : tout ce qui se dit avant la consécration peut être considéré quasi quædam obsecrationes ; ce qui se dit dans la consécration peut être appelé nralianes, quia sacramentum quod illis verbis conficitur, in via nos adjuvat ; ce qui suit la consécration constitue des postulaliones. quia bona wierna postulantur et mortuis el vivis ; enfin ce qui suit la communion a le caractère de gratiarum actiones.

Pendant que nous sommes dans le commentaire des Sentences, remarquons, dans la qu. 3’du même art. 3, les divisions de la prière données par Hugues de Saint-Victor, qui seront intégrées dans l’art. 17 de la II -II*, q. lxxxiii. La supplicatio, la pnstulalio et Vinsinuatio, distinguées par le Victorin, sunt partes subjective et dislinguuntur secundum diversos modos. Dans une prière, en effet, on peut rencontrer deux éléments : l’exposé de nos besoins (narralio) et la demande proprement dite (petitio) ; la prière qui contiendra ces deux éléments sera une pnstulalio. définie par Hugues : dctcrminaUe pelitinni inserta narralio. Si l’un de ces éléments vient à manquer, si nous avons une petitio sans narralio, ce sera une supplicatio, définie : sine determinatione petilionis, humilis et devota precalin Si. au contraire, nous avons une narratio sans petitio. ce sera insinuatin. définie : sine petitione per solam narrattonem voluntatis jacta signiflealin.

Dans son commentaire de l’épîtrc aux Pbillppiens et de la l re à Timothée, saint Thomas ne voit plus, dans les quatre termes employés par saint Pau), que l’indication des quatre éléments qui doivent se retrouver en toute prière : Et pnnit quatuor quæ necessaria sunt in qualibet oratione. In episl. ad Phil., c. iv, lect. 1. Toute prière, en effet, comporte d’abord ascensum intcllectus