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    1. PRIÈRE##


PRIÈRE. DÉFINITION

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Voralio, cf. q. lxxxiii, a. 17 ; en sorte que le mot oratio peut s’entendre dans un sens large, et en ce sens la prière comprend quatre parties, on pourrait dire quatre phases, quatre mouvements : Yobsecralio, Yoratio, la postulat io et la gratiarum actio ; ou dans un sens restreint, et en ce sens Yoratia n’est plus que Yascensus

n Deum, le commencement, ou plutôt le prélude de la

prière, cf. ibid., ad 2 nm.

Voici deux définitions de la prière données par saint Thomas -.oratio ratianis est actus. appticantis desiderium’iluntatis ad eum gui non est sub potestate nostra sed supra nos, scilicet Deum, In /V llm Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, sol. 1 ; oratio est gusedam explicatio propriæ voluntatis apud Deum ut eam implcat, Sum. theol., III », q. xxi, a. 1.

Psychologiquement, la prière, comme le commandement, est, selon saint Thomas, un acte de la raison prat ique, laquelle n’est pas seulement apprehensiva, mais encore causativa ; la raison, en effet, « peut être cause de quelque chose de deux manières : d’une première manière, sicut necessitatem imponens ; c’est de cette manière qu’elle commande non seulement aux puissances inférieures et aux membres du corps, mais encore aux hommes qui sont sous notre dépendance ; c’est la causalité du commandement. D’une seconde manière, sicut inducens et guodammodo disponens : c’est de cette manière qu’elle agit lorsqu’elle demande l’accomplissement de quelque chose à qui ne lui est point soumis, mais égal ou supérieur. » Sum. theol., IIMI*, q. lxxxiii, a. 1 : cf. //) IV™ Sent., toc. cit. Dans ce dernier texte, saint Thomas a commencé par rappeler les sens profanes du mot oratio et affirmé que ce mot est passé du langage judiciaire dans la langue religieuse.

Si l’on objecte certaines définitions des Pères qui paraissent faire de la prière un acte de la volonté ou de la sensibilité (afjectivæ partis), comme celui du pseudo-Dcnys, sicut Deo nos ipsos tradentes et unienles, de saint Jean Damascène, asrensus mentis in Deum, du pseudo-Augustin, pius afjectus mentis in Deum directus, et d’Hugues de Saint-Victor, devolio gusedam ex compunctione procedens, cf. supra, col. 170, saint Thomas répondra que ces formules ne sont pas de véritables définitions exprimant l’essence de la prière ; elles n’en montrent que certains aspects ; ainsi le texte du pseudo-Denys nous dit non pas ce qu’est la prière, mais à quoi elle tend, quelle en est la fin, guia hoc prsecipue est in oratione pelendum ut Deo uniamur ; celui du Damascène ; nous l’avons déjà vii, ne concerne que les préliminaires de la prière, oportet (petentem) accedcrc ad eum a guo petit, vel loco sicut ad hominem, vel mente sicut ad Deum, Sum. theol., toc. cit., ad 2° m ; Yafjectus mentis in Deum directus dont parle ici le pseudo-Augustin ne serait pas, selon saint Thomas, In IV im Sent., toc. cit., ad l u " quelque sentiment ayant Dieu pour objet, mais le désir de l’homme transmis à Dieu, si l’on peut dire, ut in illum guo afjectus mentis desiderantis explendus est ; enfin, dire, avec Hugues de Saint-Victor, que la devolio est une prière, c’est une manière de parler ; ce n’est pas une prière proprement dite, mais une sorte d’équivalent de la prière, comme le fait de tendre la main ou d’exposer ses besoins : recogitatio necessilalum propriarum, et creetio spei ad Deum, vel indicatio sui desiderii, vel etiam humiliatio spiritus ad Deum sunt gusedam oraliones per quamdam interprelationem, ibid., ad 2° » ’.

Scholion : de la prière « secundum sensualitatem >. 1 me la prière soit un acte de l’intelligence ou de la olonté, c’est en tout cas un acte de l’esprit, des facultés supérieures de l’âme. Pourtant, à propos de la prière du Christ, saint Thomas se demande s’il n’y a pas aussi une prière de nos facultés inférieures, de notre appétit sensible. Cꝟ. 7/1 //P! » > Sent., dist. XVII. q. i.

a. 3, qu..’i ; Sum. theol., III 1, q. xxi, a. 2. La réponse est évidemment négative. Le cor meum et caro meu exullaverunt in Deum vivum doit s’entendre du retentissement dans l’appétit sensible des mouvements de l’appétit rationnel : caro exultât in Deum vivum non per actum carnis ascendentem in Deum, sed per redundantiam a corde in carnem, inguantum appetitus sensitious seguitur motum appetitus rationalis. Sum. theol., ibid., ad 1’"'.

La synthèse suarézienne.

1. Suarez remarque

d’abord que les théologiens ont coutume de distinguer une triple acception du mot firière : a) dans un sens très large, on dit que le mot prière désigne toute bonne action ; la glose ordinaire sur le sine inlermissione orale de I Thess., v, 17, autorise cette acception : « Priez sans cesse, c’est-à-dire vivez toujours saintement ; celui-là prie toujours qui toujours agit bien. » Op. cit., t. I, c. i, n. 2. Suarez rejette comme absolument impropre cette acception du mot prière, qui a de plus le tort de favoriser la distinction établie par Wiclef d’une triple prière, mentale, vocale, vitale : « Cette dernière, il la faisait consister dans les bonnes œuvres, afin de ravaler les autres et de déclarer qu’elles n’avaient aucune importance. »

b) D’une manière générale, on a coutume d’entendre par le mot prière tout mouvement intérieur de l’âme vers Dieu, soit par la pensée, soit par le cœur, omnis interior motus animi in Deum, sive per ejus cogilalionem, sive per afjectum, ibid., n. 6. C’est l’ « oraison mentale », à laquelle Suarez consacrera son second livre. La définition qu’il en donne ici paraît bien y inclure la simple méditation ; pourtant, il déclare se rallier aux explications de Clicntove sur la définition de la prière selon saint Jean Damascène (ascensio mentis in Deum). explications qui semblent établir une distinction entre la prière et la méditation, ibid., n. 7. Mais nous reviendrons sur ce sujet, cf. col. 176 sq..

c) Enfin, le sens propre qu’on donne au mot prière est celui de demande, oratio proprie significare dicitur pelilionem, et particulièrement de demande adressée à Dieu. Entendue dans ce sens, la prière peut d’ailleurs être vocale ou mentale, n. 8 ; il ne faut donc pas confondre prière mentale au sens de demande formulée mentalement, et oraison mentale au sens d’interior motus animi in Deum.

2. Mais la définition du Damascène : pelitio decenlium a Deo, et celle de saint Basile : boni cujusdam pelitio guæ ad Deum a piis efjunditur, doivent-elles être maintenues ? N’introduisent-elles pas dans l’essence de la prière des éléments qui n’en font pas partie ? a) Contre Navarre, qui pourtant peut revendiquer en sa faveur l’autorité de saint Thomas, In I V jn » Sent., dist. XV, q. IV, a. 1, sol. 4, Suarez maintient la définition restrictive du Damascène. Ibid., c. ii, n. 2. La raison qu’il en donne, c’est que tout le monde s’accorde à reconnaître que la prière est un acte de religion qui honore Dieu ; or, celui-là n’honore pas Dieu, mais l’outrage plutôt (sed potius contumelia illum afjicil), qui lui demande quelque chose de mauvais. Ibid., n. 3.

b) En revanche, Suarez ne maintient pas, dans la définition de la prière, la restriction de saint Basile : a piis, parce que, dit-il, une véritable prière peut être aussi produite ab impiis, c’est-à-dire par ceux qui sont en état de péché. Ibid., n. 2.

c) Enfin, Suarez n’est pas d’avis qu’on introduise d’autre restriction dans la définition de la prière, par exemple qu’elle soit faite decenter ; parce que la demande qu’on fait à Dieu de choses convenables l pelitio decentium a Deo), même si parfois elle se fait d’une manière, en un temps ou en un lieu qui ne conviendrait pas, conserve néanmoins ce qui est essentiel à la prière et est su stanticllement bonne, bien qu’elle possède