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PRESCRIPTION. EN DROIT CANONIQUE


normalement réglées de façon rapide (d’où l’art. 2278), sans titre < i ii î les constate ; la libération ne profitera

pas souvent à un débiteur de mauvaise foi ; elle évitera l’accumulation des Intérêts dans le cas visé par l’art.’2277 ; au surplus, le fondement juridique de ces prescriptions, la présomption de paiement, quand il se révèle inexistant, impose certaines mesures de faveur a l’égard du créancier (interversion de l’art. 2271 ; délation de serment de l’art. 2275). Ici, le législateur a certainement voulu réserver la survie de l’obligation au for externe ; il ne l’a pas exclue au for interne visà-vis du débiteur de mauvaise foi, mais seulement pour la veuve ou les héritiers auxquels on défère le serment dans les termes de l’art. 2275, § 2, quand ils ignorent de bonne foi l’existence de la dette. On peut donc suivre ces règles en conscience (en ce sens, Waffelært, op. cit., p. 191 ; Noldin-Schmitt, op. cit., p. 3’JO, admet, pour des raisons d’intérêt général, qu’il suffit pour libérer complètement le débiteur de l’intention expresse ou présumée de la loi).

Effets de la prescription.

Avec toutes les conditions

requises, il y a véritablement transfert ou extinction de droits, en conscience comme au for externe : sinon, la prescription n’atteindrait pas son but, puisqu’elle nuirait seulement aux consciences scrupuleuses : c’est l’opinion commune des théologiens. Mais comment opère, en conscience, la prescription ? Est-ce de plein droit, ou bien après une sentence du juge ? Est-ce avec ou sans effet rétroactif ?

1. La prescription opère-t-elle de plein droit on seulement après sentence ? — L’intérêt pratique de la première question est considérable en matière d’usucapion ; si l’effet se produit ipso jure, le possesseur qui restitue la chose ou le droit au propriétaire au terme du temps légal, dans l’ignorance de son droit, devra être remis en possession. On a soutenu que la prescription ne pouvait bénéficier qu’à celui qui l’invoque ; c’est une faveur concédée par la loi, mais à condition de la demander. Cette doctrine soulève des objections : elle exclut du bénéfice légal les timorés ou les ignorants ; elle permet de réclamer en sûreté de conscience, même après l’expiration du délai requis, des droits peut-être transférés à des tiers. Aussi, d’autres auteurs affirment que la prescription opère ipso jure au for interne (cf. la discussion dans Ubach, op. cit., p. 201 sq. ; l’auteur déclare plus probable cette dernière opinion, au moins selon le droit positif en vigueur ; mais il allègue à tort le Code civil français, qui adopte expressément la doctrine contraire dans les art. 2223 sq.). On obligera donc le propriétaire à restituer la chose au possesseur ignorant. Mais la plupart des législations modernes ne vont pas si loin pour la prescription extinctive : elles reconnaissent bien au débiteur le droit de ne pas payer, mais non celui de répéter ce qu’il a volontairement acquitté (cf. art. 1235). Même en admettant l’effet libératoire avant toute sentence du juge, on ne peut en tirer une action en restitution en faveur du débiteur.

2. La prescription accomplie a-t-clle un effet rétroactif’.' Il y a utilité à prendre parti au sujet des fruits de la

chose usucapée, ou des intérêts de la créance éteinte par la prescription : la rétroactivité les fait acquérir à Vusucapiens ou au débiteur. Cette fiction juridique ne nous semble pas indispensable dans le domaine de la théologie. Sans doute, le juste titre existe au début de la prescription ; mais le vice dont il est atteint ne peut être purgé que par le laps de temps ; ce délai supplée ce qui manque au titre dont on enlève arbitrairement ce qui en faisait la valeur en séparant après coup ces deux éléments.. Il n’en résulte pas forcément, nous semblcl-il, la restitution des fruits : le possesseur pourrait être autorisé à les garder, en compensation des frais d’entretien de la chose pendant l’usucapion (les art. 5 19

et.Vil) du Code civil français ne s’appliquent pas, malgré Vermeersch, op. cit., p. 358, car ils ne visent que le possesseur battu dans l’instance en revendication) ; et, pour les intérêts, on pourrait admettre une condonatio tacite du créancier.

Comme en droite i ii, les effets de la prescription peuvent être empêchés par la renonciation (permise pour la prescription acquise), l’interruption naturelle, civile ou résultant de la mauvaise foi survenant au cours de l’usucapion ; et aussi parla suspension en faveur de ceux qui ne peuvent défendre leur droit, à raison d’incapacité (minorité par exemple), ou d’impossibilité d’agir en justice (guerre, calamité publique, absence, captivité).

Mais la théologie morale admet aussi, à l’imitation du droit romain et du droit canonique, la restitutio in integrum, c’est-à-dire l’annulation rétroactive de la prescription accomplie, accordée, à titre de faveur spéciale, en cas de lésion, aux mineurs, à l’Église, à l’État.

Dans quelle mesure le Code civil français s’écarte-t-il de ces règles relatives à la prescription ? C’est surtout en ce qu’il admet le possesseur ou débiteur de mauvaise foi. 11 est vrai que ce résultat est rendu plus difficile pour les courtes prescriptions ; au surplus, le Code civil, en imposant l’obligation d’invoquer la prescription, laisse à la conscience de chacun la possibilité de ne pas user du bénéfice légal ; enfin, dans la pensée des rédacteurs, une obligation naturelle persiste malgré la prescription accomplie. Bigot de Préameneu l’affirme nettement dans l’exposé des motifs : » Mais ce sacrifice, exigé pour le bien public, ne rend que plus coupable dans le for intérieur celui qui ayant usu r pc. ou celui qui, étant certain que son engagement n’a pas été rempli, abuse de la prescription légale. Le cri de sa conscience qui lui rappellera sans cesse son obligation naturelle est la seule ressource que la loi puisse laisser au propriétaire ou au créancier qui aura laissé courir contre lui la prescription. » On pourrait aussi reprocher au Code français de ne pas avoir conservé en faveur de l’Église le svstème traditionnel (cf. Ballerini-Palmieri, op. cit., p. 193 sq.).

Pour le système spécial des art. 2279 et 2280, qui ne constitue pas une application de la prescription, cf. la réfutation par Vermeersch, op. cit., p. 360, et Ubach, op. cit., p. 212 sq. de l’interprétation absolument erronée et malveillante de Ballerini-Palmieri, op. cit., p. 194 sq, affirmant que la bonne fo : n’est pas exigée, contrairement à la tradition et à l’art. 1111 ; que le propriétaire ne peut revendiquer dans l’hypothèse de l’art. 2280 (sic), p. 1971

III. La prescription en droit canonique. — La plupart des dispositions antérieures au Codex actuel ont été tirées du droit romain parfois corrigé ; aussi les principes généraux et les motifs de la prescription, Decr., t. II, tit. xwi, c. 5. sont-ils les mêmes qu’en théologie morale. Bornons-nous seulement à signaler les particularités les plus notables. (Voir, entre bien d’autres, Schmalzgrùber, op. cit., et Wernz, Jus decretatium, t. m a. Rome, 1908, p. 305 sq. : cf. l’intéressant dictum de Gratien sur caus. XVI, q. ni, c. 15.)

1° Les textes ou la doctrine marquent nettement les limites de la prescription, en excluant ex natura rei : les droits établis dans l’Éslise jure dioino (Decr., 1. I. tit. iv, c. 10), les ces publics, les choses de pure faculté, le droit de visite et ï’obedientia, lorsque la prescription a pour effet une exemption totale (I)rcr.. t. II, tit. xxvi, c. 12 et 1(>), les res sacrée, seulement pour un usage profane. En outre, la loi positive canonique déclare imprescriptibles les limites des provinces ecclésiastiques, diocèses ou paroisses (Decr.. 1. III. tit. xxix. c. 1) (s’il y a simple doute, on applique la prescription de lu ans : Grat., caus. XVI, q. IV, c. 2 ;