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PUSÉYISME ET RITUALISME


Liddon, p. 167 ; Li’/e 0/ Pusey, t. iv, p. 292-293. Les tentatives d’union avec les Grecs orthodoxes ne l’attiraient pas davantage. Ce qu’il avait rêvé, c’était la réunion avec la grande Église d’Occident, ou plutôt la reconnaissance par cette Église, qui exerçait une telle fascination sur tous les membres du parti tractation, de la catholicité de l’Église anglicane. Son rêve était détruit. Il se taira, il attendra ; mais jamais il ne mêlera sa voix aux attaques des protestants contre Rome.

III. Le hitualisme.

1° Aperçu général sur le ritualisme. — Le mouvement ritualiste, d’apparence plutôt pratique, s’est développé parallèlement au mouvement tractarien et puséyiste, de caractère plus spéculatif.

Les promoteurs de la renaissance religieuse inaugurée à Oxford s’étaient proposé un but essentiellement doctrinal : affirmer les vérités de la religion catholique contre le vague protestantisme qui dominait l’Église d’Angleterre. Mais, après la sécession de Newman, lorsque le centre du mouvement se déplaça d’Oxford à Londres, surtout lorsqu’on voulut faire pénétrer ses idées dans les paroisses, les mettre à la portée des multitudes ignorantes dans les quartiers deshérités des grands centres industriels, il perdit son caractère académique. Pour le peuple, le froid exposé de questions théologiques aurait été de nul effet : « l’Anglais est le moins théologique des peuples ». W.-L. Knox, The catholic movement in the Church 0/ England, p. 217. II fallut recourir à d’autres moyens, et l’on utilisa pour l’instruction du peuple les cérémonies extérieures que l’Église catholique a employées de tout temps comme expression de sa dévotion. Le ritualisme est ainsi en connexion étroite avec le puséyisme : la doctrine des tractariens est à la base de la restauration liturgique.

Le mouvement tractarien appelait d’ailleurs une rénovrtion du cérémonial : le retour aux traditions antérieures à la Réforme, le besoin d’harmonie avec l’Église universelle, la sympathie pour le catholicisme, la nécessité d’élever l’idéal religieux, rien de tout cela ne pouvait trouver satisfaction dans l’ancien culte anglican. Comment, en particulier, concilier la croyance en la présence réelle, les marques extérieures de respect qui devaient en être la conséquence, avec la liturgie sèche et étriquée du Praycr book, avec la nudité des églises protestantes ? Gladstone a décrit l’avilissement de ces services religieux, au début du xixe siècle, tel qu’il n’en est pas de pareil au monde et qu’il aurait choqué un brahmane et un bouddhiste. Contemporary reuiew, 1875. Une des préoccupations du ritualisme fut de ramener la décence dans le culte divin. Ce fut surtout d’accentuer la doctrine sur l’eucharistie et de faire revivre les pratiques essentielles de la vie catholique. Ainsi, la messe chantée avec les cérémenies traditionnelles de la grand’messe deviendra le trait principal du culte dominical, avec d’autres messes moins tardives pour permettre de communier à jeun ; on reprend la célébration de la messe privée en semaine, même s’il n’y a pas de communiants, la célébration de certaines fêtes ; l’usage du sacrement de pénitence comme moyen d’obtenir la rémission des péchés ou d’avancer dans la perfection chrétienne se répand malgré la plus vive opposition. Cf. Knox, op. cit., p. 221-223.

Les premières manifestations ritualistes furent regardées avec méfiance par Pusey et ses amis : ils pouvaient craindre, en effet, qu’une trop grande attention apportée à tout ce côté extérieur de la religion ne nuisît au progrès doctrinal, que l’on ne fît consister toute la religion dans un liturgisme étroit. Mais, quand Pusey vit que les ritualistes n’étaient pas moins attachés que lui-même aux vérités essentielles de la religion catholique, que les nouvelles pratiques n’étaient que la traduction en actes de son ensei gnement, il abandonna ses préventions et devint la ligure prédominante du ritualisme. Les adversaires d’ailleurs ne s’y trompèrent pas : quand il s’opposèrent à l’introduction de nouvelles pratiques, comme l’emploi des ornements sacerdotaux, l’usage de l’encens, etc., ils les combattirent non pas à cause de leur nouveauté, ou de leur ressemblance avec les usages de l’ÉRlise romaine, mais à cause de la doctrine de la présence réelle et du sacrifice eucharistique qu’ils y voyaient ailirmée.

Pour justifier leurs innovations ou plus exactement le rétablissement des anciens rites, les ritualistes s’appuyèrent sur les rubriques du Prayer book. Ce fut le cas notamment pour la reprise du surplis au chœur. Au reproche d’illégalité ils répondirent en invoquant le Prayer book d’Elisabeth, dont une rubrique ordonnait le port des ornements, l’emploi des cierges allumés sur l’autel et quelques autres points en usage avant la Réforme. Sans doute Elisabeth avait-elle pensé pouvoir en maintenir l’usage, mais, à cause des sentiments calvinistes de ses évêques, elle ne put obtenir que le maintien du surplis à la messe. La rubrique fut maintenue à la restauration, mais on substitua en fait la chape aux ornements eucharistiques dans certaines cathédrales. Les évêques caro-Iins ne firent rien pour faire revivre ces éléments de la pratique catholique ordonnés par la ieine Elisabeth. Au xixe siècle cette rubrique était complètement tombée en désuétude ; on ne portait même plus le surplis. Néanmoins les ritualistes avaient sur ce point la loi pour eux. Ils en appelèrent donc au statut légal de l’Église d’Angleterre, à l’autorité de l’État, qu’ils rejetaient en théorie dans les affaires religieuses. Les autorités ecclésiastiques tenues par ce statut légal trouvaient qu’il ordonnait des pratiques qu’elles auraient bien voulu supprimer, tandis que les juges qui devaient appliquer la loi étaient trop pénétrés du protestantisme traditionnel pour ne pas être persuadés que, en condamnant les ritualistes, ils représentaient l’intention des réformateurs. Ces diverses attitudes envers le statut légal se rencontreront dans toute la controverse ritualiste.

L’opposition sera concentrée sur des points particuliers de doctrine ou de pratique. Mais elle a une base plus profonde : l’opposition entre l’idéal de la sainteté que s’efforçaient d’inculquer les ritualistes et le niveau habituel de moralité conventionnelle. L’Anglais moyen se contentait d’une respectabilité tout extérieure. Il ne croyait pas que la religion impliquât la consécration de toute la vie au service de Dieu ; or cela était évident pour les ritualistes comme pour les tractariens, qui voyaient dans le système sacramentel et dans les pratiques de dévotion des moyens pour aider l’homme à se consacrer entièrement à Dieu et pour exprimer extérieurement cette consécration. L’opposition était grande surtout entre l’idéal du clergyman anglican et l’idéal du prêtre suivant la conception ritualiste. Le premier se contentait de donner un bon exemple de moralité personnelle, de diriger le service religieux et de prêcher une saine morale. Le prêtre ritualiste au contraire se donnait comme le représentant de Jésus-Christ, désigné par lui comme intermédiaire nécessaire entre l’âme du fidèle et Dieu ; il se tenait pour obligé de consacrer toute sa vie par la prière et le sacrifice au salut des âmes. C’est cette nouvelle conception du caractère sacerdotal, impliquée dans la célébration quotidienne du sacrifice de la messe, dans l’administration du sacrement de pénitence, qui donnera à la controverse toute son acuité.

Les adversaires du ritualisme seront nombreux. La presque unanimité de l’épiscopat lui sera hostile. Wilberforce, évêque d’Oxford, Phillpotts, évêque