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PUSEYSME. L’ÉGLISE ROMAINE


torité du pape l’embarrasse : la suprématie de l’évêque de Rome, dit-il, est plutôt utile que nécessaire ; elle est de droit ecclésiastique, pas « le droit divin.

Mais, continue-t-il, si l’accord est facile sur ces points de doctrine, de graves divergences subsistent sur le

« système pratique du romanisme », surtout sur le culte

de la Vierge, la « Mariolatrie ». Il y voit le principal obstacle à la réunion, confondant les exagérations d’une dévotion mal entendue avec les pratiques légitimes.

Comment réaliser l’unité ? Que l’Église d’Angleterre affirme son accord avec la doctrine de Trente ; que l’Eglise catholique déclare que cela suffit, qu’elle n’impose pas certaines opinions, certaines pratiques qui, sans appartenir au dogme essentiel, sont aujourd’hui répandues ; que ces opinions ne soient pas déclarées dogmes de foi, comme il a été fait pour l’immaculée conception.

Pusey attachait tant d’importance a son Eirenikon qu’il voulut le faire connaître aux catholiques du continent, il lit deux voyages successifs en France (1865-1866) au cours desquels il se rendit chez un grand nombre d’évêques. Seul l’évêque de Laval se montra indifférent. Les autres, surtout Mgr Darboy et Mgr Dupanloup, l’accueillirent avec bienveillance et l’encouragèrent dans ses efforts en faveur du rétablissement de l’unité de l’Église. L’archevêque de Paris lui aurait laisse entendre que l’accord pourrait se faire sur la base du concile de Trente. On ne sait si la question délicate de l’autorité du pape a été sérieusement discutée au cours de ces visites. En tout cas, dans une lettre à J. Acton, qui devait être communiquée à l’archevêque de Paris (25 janv. 1870), Pusey précisa sa position sur ce point : « J’avoue qu’il y a une difficulté spéciale dans l’autorité attribuée au pape. La primauté a été reconnue non seulement maintenant, mais jadis, par les théologiens anglicans. Il s’agit de savoir si la primauté inclut ce que nous appelons la suprématie. Une grande autorité parmi vous m’a assuré que non. Mais tout paraît tendre chez vous vers la centralisation de toute autorité à Rome et si, en cas de réunion, nous devons être placés sous des évêques comme Mgr Manning, ce serait livrer les nôtres aux exagérations du Marian system et à tout l’ultramontanisme ». Thureau-Dangin, op. cit.. t. iii, p. 44. note 1.

L’Eirenikon reçut bon accueil dans le High Church, auprès des évêques de Salisbury et de Bristol, à l'English Church union, sans que cependant l’on se fît trop d’illusion. Church, dans le Times du 12 décembre 1865, tout en louant l’idée généreuse, montra ce qu’elle avait de chimérique ; Rome n’entrerait jamais dans des explications ; quant a la partie protestante de l’Église d’Angleterre, elle l’attaquait violemment. Tait, dans un mandement de 1866, se disait « honteux » de ce que l’on eût osé solliciter Rome.

Les catholiques anglais sont divisés. Le Weekly Register publie les approbations de Lockhart (18 nov.1865), d’Oakley (23 nov. 1865). Pusey leur répond et dit qu’il reconnaît la primauté du Saint-Siège, mais de droit ecclésiastique. L’accueil est plus froid chez Ward qui annonce à Pusey son intention de le combattre. Cf. Liddon, Life of Pusey, t. iv. p. 119. Le Month (déc. 1865) est acerbe. Newman est désappointé, car il craint que l'Eirenikon ne retienne dans l’anglicanisme les âmes bien disposées. Il le réfute : « Lettre adressée au Rév. E. B. Pusey, à l’occasion de son Eirenikon » (déc. 1865) reprochant à l’auteur sa partialité en ce qui concerne la dévotion catholique, appuyant le culte de la Vierge sur l’autorité des Pères, distinguant doctrine et pratiques de dévotion, expliquant et justifiant les variétés de la dévotion, sans en nier les abus.

A l’approche du concile du Vatican, Pusey conçoit le projet de rédiger pour le concile des propositions qui contiendraient le maximum de ce que les anglicans peuvent admettre, de façon que Rome examine si l’union peut se faire sur de telles bases. Newman l’encourage, mais en remarquant que les propositions devraient être signées par un grand nombre de clergymen et d’évêques et en insistant sur la question du pape, centre de l’unité. Pusey veut d’abord un examen des propositions in abstracto ; après seulement, si elles sont accueillies, il les soumettra a ses coreligionnaires.

Il précise qu’il ne s’agit pas de conditions pour des conversions individuelles. Il écrit dans ce sens a Mgr Dupanloup, à ses amis, Liddon et Mackonochie. Son idéal serait « une intercommunion entre les Églises autonomes qui, traitant de puissance a puissance, s’uniraient en une sorte de fédération ». Thureau-Dangin. op. cit., t. iii, p. 131. Mgr Dupanloup et Mgr Darboy promettent à Forbes, évêque de Brechin, de présenter les propositions in abstracto et d’obtenir qu’elles soient examinées. Le P. de Buck, bollandiste, qui a fait une recension favorable de l'Eirenikon dans les Études en 1866, presse Forbes d’envoyer les propositions aux congrégations pontificales, lui recommandant d’aller à Rome avec Pusey. Il s’avance à préciser les conditions que l’on pourrait obtenir pour l’anglicanisme en cas de réunion : réordinations conditionnelles, communion sous les deux espèces, maintien du Prayer book avec un petit nombre de modifications doctrinales, permission aux ecclésiastiques mariés de conserver leurs femmes, minimum exigé de croyance en ce qui concerne le culte de la sainte Vierge, condamnation possible des exagérations de ce culte, etc. Cf. Thureau-Dangin, op. cit., t. iii, p. 133-134. Il va à Rome en 1809 porter au cardinal Bilio un mémoire confidentiel, exposant les bonnes dispositions d’Episcopus X et doctores Oxonienses, et suggère les mesures à prendre. Le 17 novembre 1869, le Saint-Office répondait en invitant le général de la Compagnie de Jésus à prier le P. de Buck de se tenir tranquille.

La bulle de convocation au concile montra ce que Rome pensait des prétentions de l’Église anglicane : les anglicans étaient compris dans la bulle adressée omnibus protestantibus aliisque acatholicis et invités à se joindre au seul troupeau. Le peu d’espoir qui pouvait encore rester à Pusey lui fut enlevé par la vague ultra-protestante qui déferla en Angleterre à l’approche du concile et par la nouvelle que Forbes lui avait ramenée de Rome « que l’ultramontanisme triomphait partout ». Il hésita de plus en plus à rédiger des propositions, mais publia au printemps de 1869 un second Eirenikon sous forme de lettre à Newman : The reverential love due to the ever blessed Theotokos and the doctrine of her immaculate conception. Il y reprenait ses attaques contre les pratiques de dévotion à la sainte Vierge et contre le dogme défini par Pie IX. Aux reproches de Newman, il répondit par un troisième Eirenikon, également sous forme de lettre : Is healthful reunion impossible ? Il y traitait plus spécialement de la réunion, examinant les différents points qui s’y opposaient des deux côtés, suggérant des solutions aux difficultés, insistant tout particulièrement sur l’infaillibilité pontificale.

La définition de l’infaillibilité apparaissait de plus en plus probable. Pusey abandonna son projet de rédiger des propositions relatives a la réunion. Après le vote, il modifia le titre de son troisième Eirenikon : Heathful reunion, as conceived possible before the Vatican Council (La réunion salutaire, comme on en concevait la possibilité avant le concile du Vatican).

Pusey sera dix ans sans toucher aucun livre de controverse romaine. Perdant tout espoir de corporate reunion avec Rome, certains amis de Pusey, Liddon entre autres, se sentent un instant attirés par les vieux catholiques ; mais Pusey se tint dans la plus grande réserve devant ce mouvement. Cf. Life and letters of