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PUSÉYISME. L’INDÉPENDANCE DE L’ÉGLISE

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souffriraient aucune ambiguïté. » Simpson, op. cit., p. 52. Les anciens tractariens, les highchurchmen, s’agitent : protestations, résolutions, adresses à la reine et aux évoques, brochures sur la vertu régénératrice du baptême, tout est mis en œuvre. Certains, comme Kebie, vont jusqu’à demander la séparation comme seul moyen de sauvegarder l’indépendance doctrinale de l’Église. Dans deux meetings monstres, tenus à Londres le 23 juillet 1850, les chefs du mouvement, Keble, Pusey, Denison, R. Wilberforce, Manning, Hope, développent cette idée : 1e l’indépendance doctrinale de l’Église. Les causes religieuses doivent être soumises à des juges religieux.

Ces juges religieux ne peuvent être que les évoques. Mais comment obtenir une décision doctrinale des évêques, divisés comme ils le sont sur ce même terrain doctrinal ? De plus en plus apparaît l’impuissance de l’Église à échapper au iatitudinarisme antidogmatique, et à la dépendance du pouvoir séculier. Le Rév. Maskell n’a pas de peine à établir ce vice irrémédiable de la situation anglicane : il est certain que la juridiction du Conseil privé en matière doctrinale est contraire à la Ici du Christ. D’autre part, cette autorité du Conseil privé est la conséquence logique et nécessaire de l’organisation de l’Église telle qu’elle a été réalisée par Henri VIII et Elisabeth. On est dans une impasse.

Cette constatation suscite des réactions diverses. Les uns veulent en tirer des conclusions immédiates : pour Hope, « si l’Église d’Angleterre ne défait pas ce qui vient d’être fait, nous devons nous unir à l’Église romaine ». Thureau-Dangin, op. cit., t. ii, p. 156. Les autres sont d’avis de patienter, considérant, ainsi que le fait Keble, ce jugement comme un accident regrettable, qui ne met pas en question la légitimité de l’anglicanisme. En fait, à la suite de ce jugement, plusieurs passèrent à l’Église romaine : Manning (cf. t. ix, col. 1895-1915), Maskell, Dodsworth, Anderdon, Hope, Scott et d’autres. Beaucoup furent ébranlés, mais demeurèrent dans l’anglicanisme. Pusey écrira plus tard que ce qui l’a retenu dans l’anglicanisme, après le jugement Gorham, ce fut la conviction que l’Église d’Angleterre contredisait continuellement et par le fait annulait pour ses membres le mauvais enseignement du Conseil privé. Pusey, Unlaw, 1881, p. 3-4. Pour répondre à Maskell, il écrit The royal supremacy, nol an arbitrary authority. Cette intervention de l’État dans les affaires religieuses n’est pas sans précédent dans les annales de l’Église, et le rôle de l’État n’est pas précisément de traiter de questions dogmatiques, mais de protéger les individus contre les abus possibles des cours ecclésiastiques. En réalité, la prétention de l’État venait de se révéler tout autre : non seulement il avait protégé Gorham contre l’évêque d’Exeter, mais il avait tranché la question doctrinale. Pusey en était réduit à utiliser tout argument qui avait l’apparence de justifier sa position et qui pouvait amener les âmes inquiètes à patienter.

4. Restauration de la Convocation.

L’impuissance des évêques à faire triompher la saine doctrine, tout particulièrement dans l’affaire Gorham, jetait le discrédit sur l’Église anglicane. Gladstone communiqua ses sentiments à ce sujet à Wilberforce, évêque d’Oxford, lui montrant comment ce jugement avait établi un principe qui permettrait de détruire l’un après l’autre les articles du Credo, qui donnait à l’État le droit d’interpréter les doctrines de l’Église. Il y avait là un grand danger, tout permettant de craindre que le Banc de la reine se laisserait de plus en plus inlluencer par le Iatitudinarisme et rien ne laissant espérer que les évêques pourraient réagir et s’entendre sur les points de doctrine. Wilberforce tenta de rassurer son ami et, de son côté, chercha le

moyen de rendre a l’Église le droit de se faire entendre, en faisanl revivre les Convocations. Cf. Lije of Wilberforce, t. ii, p. L25-135.

Les deux Convocations de Cantorbéry et d’York, composées chacune de deux chambres, la chambre haute comprenant les évêques, et la chambre basse, les représentants du clergé, établies en 1295, avaient primitivement pour objet de voter les impôts à payer par l’Église et de délibérer sur les afïaircs spirituelles. Avec le schisme, leurs pouvoirs diminuèrent. En 1534, Henri VIII leur défendit de se réunir pour édicter des canons et des prescriptions sans le mandat du roi. En 166 I, elles perdirent le pouvoir de voter les impôts du clergé. En 1717, quand la chambre basse voulut condamner les opinions du lalitudinariste Hoadley, évêque de Bangor, la couronne imposa silence à la Convocation. De 1717 à 1852 elle ne se réunit plus

— encore n’était-ce qu’une simple formalité — qu’à l’occasion de l’ouverture de chaque parlement.

Wilberforce commença sa campagne pour la restauration de la Convocation à la Chambre des Lords en 1851. Il se heurta à l’opposition des ministres, de la presse, des lords et du Broad Church, même de certains évêques, dont le primat de Cantorbéry. Le principal argument des adversaires était l’interprétation de l’acte de soumission du clergé, sous Henri VIII, décrétant que le clergé ne pouvait élaborer de canons sans le mandat du roi de faire, de promulguer ou d’exécuter de tels canons. Les juges informèrent la Chambre des Lords que, suivant cet acte, la Convocation, non seulement ne pouvait pas s’assembler sans mandat royal, mais, même assemblée régulièrement, elle ne pouvait traiter (conjer) de questions religieuses sans permission du roi. C’est pourquoi la Convocation avait toujours été réunie par ordre du souverain, mais jamais elle n’avait pu délibérer des affaires religieuses.

Wilberforce consulta les légistes et les hommes politiques. De ces consultations il ressortit que la défense de délibérer, après réunion régulière de la Convocation avec autorisation royale, était une invention du Lord chief justice Coke et avait prévalu depuis Jacques I er. Le Rév. Edw. Dodd et H. Hoare prouvèrent que le mot délibérer (conjer) ne se trouvait pas dans l’acte de soumission. Ainsi la Convocation avait besoin de la licence royale pour se réunir, mais, une fois assemblée, elle pouvait délibérer des affaires religieuses sans nouvelle autorisation particulière : les légistes, les théologiens et les hommes d’État avaient été trompés par Coke. Cf. Simpson, op. cit., p. 179-180.

L’opposition persévéra. Même ceux qui en principe étaient favorables à la restauration de la Convocation craignaient les divisions des évêques, qui manifesteraient au grand jour leur impuissance à s’entendre sur les points de doctrine ; on redoutait aussi l’influence que pouvaient exercer les chambres basses, à rencontre des chambres hautes, alors que seuls les évêques avaient de droit divin autorité pour gouverner l’Église. D’autres, avec Gladstone, contre Pusey et Keble, voulaient élargir les Convocations en accordant une place aux laïques.

Grâce à la ténacité de Wilberforce, la Convocation put se réunir sous son ancienne forme, pour un jour, en 1852. En 1855, elle siégeait trois jours. Mais elle était loin d’avoir reconquis une place indépendante dans les affaires religieuses : c’était toujours la couronne qui la convoquait, qui fixait la durée de la session, qui déterminait l’objet et la portée des délibérations. Et contre ses décisions pouvait toujours intervenir, en dernier appel, le Conseil privé. Le succès était mince ; mais on se réjouit néanmoins de l’ « acceptation du principe qu’aucune mesure touchant profondément aux intérêts de l’Église ne serait désormais soumise au Parlement sans l’intervention