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    1. PURGATOIRE##


PURGATOIRE. ÉGL. GRÉCO-RUSSE, LES PARTISANS

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En 1722, les patriarches d’Orient écrivaient une Lettre dogmatique aux Antiochiens pour les mettre en garde contre les erreurs latines. Sur la question du purgatoire, ils rejetaient et le mot, el le feu, et un troisième lieu, mais ils admettaient diverses demeures au ciel et en curer et distinguaient clairement trois catégories de défunts : les élus, les damnés et les Intermédiaires, chargés seulement de péchés véniels, qui ont l’espérance d'être soulagés et délivrés par la miséricorde de Dieu, sollicitée par les prières, les saints sacrifices et les aumônes de l'Église : ÛTcèpTÔVTOioÔTCov, Tojv [xérpioc SrjXaSr, xat auYY vcoaT * âfxapT/jaàvTwv, ytvovToa uapà ttjç 'Exx>/]aîaç ai 7tpoæi>/ai. MansiPetit, Concil., t. xxxvii, col. 191.

Cinq ans après l’envoi de cette Lettre, en 1727, les mêmes patriarches, réunis de nouveau en synode à Constantinople dans le même dessein d’enrayer la propagande catholique parmi les melchites de Syrie, promulguaient une Confession de foi, rédigée vraisemblablement par Chrysanthe, patriarche de Jérusalem, dans laquelle une doctrine identique était enseignée : riapé/eiv 8k avsatv xai 7capY)yopiav ttjç oSûvtjç xai. toù 96600 toïç èv jj.ETavoia, à-reXwç ôjicoç à71061.côaaai xàç Û7tèp aÙTcôv Y LV0 M-^ va Ç 6U7totaç ». MansiPetit, ibid., col. 900-901. On s'élevait seulement contre l’idée, gratuitement prêtée aux Latins, qu’un homme, c’està-dire le pape, pût à son gré délivrer les âmes du feu purificateur.

5° Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et jusque vers 1840. — La doctrine d’un état intermédiaire entre le ciel et l’enfer s’obscurcit dans l'Église russe sous l’influence de la théologie protestante et trouve des négateurs décidés, dont nous aurons à parler tout à l’heure. Mais avec la réforme opérée par le procureur du synode dirigeant, Protasov, qui oblige les théologiens russes à revenir à l’orthodoxie du xviie siècle, cette doctrine est de nouveau représentée par des théologiens de marque. Il faut reconnaître pourtant que la pensée de plusieurs d’entre eux reste obscure et frise parfois la contradiction. Cela ne doit pas nous surprendre, car ces théologiens ont eu à tenir compte à la fois de la Confession orthodoxe de Pierre Moghila, où l’existence d’un état intermédiaire et d’une peine temporelle après la mort est niée catégoriquement, et de la Confession de Dosithée, qui, nous l’avons vii, expose une doctrine tout opposée.

L’obscurité règne en particulier chez plusieurs auteurs de manuels de théologie. Dans le Précis d’Antoine Amphitéatrov, c’est la Confession de Dosithée qui l’emporte. Cf. la traduction grecque de ce manuel par Vallianos, Athènes, 1858, p. 376. Chez Macaire Bulgakov, au contraire, c’est plutôt la Confession orthodoxe, dite de P. Moghila. Macaire, en effet, à la suite de cette Confession, nie l’existence de toute peine temporelle, aussi bien pour les vivants que pour les morts. Par ailleurs, il enseigne que les suffrages de l'Église sont utiles aux défunts, morts dans une vraie pénitence et exempts de tout péché mortel. Ces défunts sont non seulement soulagés, mais aussi délivrés par les prières de l'Église et les suffrages des vivants. Ces suffrages constituent même l’unique moyen de délivrance pour cette catégorie de défunts. Il faut conclure de là que le théologien russe a une doctrine identique à celle de Marc d'Éphèse, pour qui la seule raison d'être de ce que nous appelons l'état intermédiaire, état que Macaire nie en paroles tout en l’admettant en réalité, vient des péchés véniels non remis en cette vie. Ajoutons que le même théologien repousse non seulement le purgatoire des Latins considéré comme troisième lieu, mais aussi l’Hadès des lélonies, admis par plusieurs théologiens russes à la suite de Georges Scholarios et d’autres anciens. Pravoslavno-dogmaticcskoc bogoslovie, éd. de Petrograd, 1883, t. 11, p. 590-610.

Si des auteurs de manuels nous passons aux théologiens plus indépendants, nous rencontrons encore parmi les Russes contemporains îles partisans décidés de l'état intermédiaire. Le moine Métrophane, dans son ouvrage intitulé Comment vivent nos défunts (trad. fr., parue à Petrograd en 188 1, sous le titre : La vie de fios défunts et la nôtre après la mort), admet à la fois et une troisième catégorie de défunts et un troisième lieu, qu’il appelle enfer ou I lades. Cet Hadès comprend deux parties : la première est le domicile des âmes de l'état intermédiaire ; la seconde, le séjour des infidèles, des hérétiques obstinés et des chrétiens orthodoxes morts en état de péché mortel. Cette seconde section de l’enfer est comme le vestibule de la géhenne et doit disparaître au jugement dernier, alors que ses habitants seront jetés dans la géhenne proprement dite, distincte de l’Hadès et séjour éternel des damnés. Cf. A. Bukowskii, op. cit., p. 198-200. Métrophane n’admet pas la doctrine de la satispassio, c’est-à-dire l’efficacité des peines de l'état intermédiaire pour délivrer les âmes qui les subissent. Cette délivrance est due uniquement à la miséricorde de Dieu sollicitée par les suffrages des vivants.

C’est une doctrine à peu près identique qu’enseigne T. Nikolskii dans son ouvrage De la prière pour les morts, dont la première édition remonte à 1825. Lui aussi distingue entre la géhenne et l’Hadès. La géhenne est pour les damnés, l’Hadès est le séjour propre des âmes de l'état intermédiaire et correspond aux diverses stations des lélonies, dont parlent certains anciens Pères. L’Hadès, dit Nikolskii, ne doit pas être confondu avec le purgatoire des Latins parce qu’il n’a pas de feu matériel. Les âmes n’y sont purifiées que par le feu spirituel des prières des vivants et du sacrifice de la messe offert pour elles. Op. cit., éd. de Moscou, 1890, p. 43, 113-123, 224, 235, 251. Cf. Bukowskii, op. cit., p. 167170.

A. Maltzev, Die Sakramente der orthodox-katholischen Kirche des Morgent andes, Berlin, 1898, p. cxxvii, sq., ne découvre qu’une seule différence entre la doctrine des Gréco-Russes et la doctrine catholique sur la question du purgatoire : celle qui a trait à un lieu distinct de l’enfer et du ciel. Il reconnaît du reste que cette différence est atténuée par le fait que l'Église romaine (il serait plus exact de dire : certains théologiens catholiques) enseigne que les peines du purgatoire ne diffèrent des peines de l’enfer qu’en raison de leur durée. Voir aussi l’article de Taraise Seredinskii dans La lecture chrétienne, t. 11, 1868, p. 691-697, intitulé Peut-on prier pour les morts sans admettre le purgatoire latin ? Le purgatoire latin, pour cet auteur, est constitué par le feu et l’existence d’un troisième lieu.

Après tous ces témoignages concordants de théologiens gréco-russes admettant ce qui fait l’essentiel du dogme catholique, on comprend qu’un théologien russe contemporain, P. J. Svietlov, déclare que cette divergence entre les deux Églises est une pure invention des polémistes, grossie par eux à plaisir. C’est à peine, dit-il, si l’on peut marquer entre les deux théologies une différence de détail : celle qui regarde la nature des peines. Khristianskoe Yieroutchenie, 3e éd., t. 1, Kiev, 1910, p. 194-195. Ce jugement, pourtant, appelle un correctif : à côté des théologiens qui s’accordent pour le fond avec l’enseignement catholique, il y en a malheureusement d’autres, dont nous allons parler, qui le sapent par son fondement.

Tout comme chez les Russes, nous trouvons chez les Grecs du xixe et du xxe siècle quelques partisans de la doctrine catholique. Signalons Nicodème l’Hagiorite, dans son 'EΠ; o[i.oXoY]~ ! xpi.ov, 4° éd.. Venise, 1835, p. 287288, qui enseigne expressément l’existence d’une peine temporelle due au péché même pardonné, peine qui doit être supportée par le pécheur, soit en ce monde,