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    1. PURGATOIRE##


PURGATOIRE. CONCLUSION

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logie. Plusieurs maintiennent l’enfer éternel tout en rejetant le purgatoire ; mais ils acceptent néanmoins un nouveau temps d’épreuve dans l’au-delà, et il est possible que ce temps d’épreuve dure jusqu’au jugement dernier. Quelques-uns vont jusqu’à affirmer que les prières des vivants peuvent aider les morts dans ce temps d’épreuve. Enfin les uns acceptent une purification possible pour quelques péchés seulement, d’autres pour tous les péchés sans exception, Bautz a recueilli un certain nombre de textes intéressants, p. 8-12. Wegscheider résume bien le point de vue des protestants orthodoxes au début du xixe siècle, dans ses Instituliones theologicæ, Halle, 1819. Nous citons dans le texte original :

Neque tamen de duratione pœnarum infernalium theologi recentiores omnino consenserunt, aliis œterna impiorum supplicia, aliis pœnas damnatorum, cum se ad meliorem frugem receperint, finitum vel saltem mitigatum iri statuentibus (pœnas vel absolute, vel hypothetice, vel relative seternas, )… P. 491. Hominem improbum, etsi pœnis vit » futurse emendatus in aliam eamdemque mitiorem abierit conditionem, nuinquam tamen vitæ terrestris maie actae recordatione (censemus) liberatum iri, vel beatitate iis parem fore, qui vita terrestri honeste acta defuncti fuerint. Unde patet, pœnas infernales recte dici sensu quidem diverso et aeternas et non œternas. P. 496.

Des idées analogues seront à relever déjà chez Lange, dans son commentaire sur les épîtres de saint Pierre (I Petr., iv, 1-6, Halle, 1734), où il semble que la restauration universelle soit préconisée ; Stàudlin, Lehrbuch der Dogmatik und Dogmengeschichte, Gœttingue, 1801, p. 540, 552 ; de Wette, Dogmatik der evang.-luth. Kirche, Berlin, 1821, p. 214 ; Baumgarten-Crusius, Grundriss der evangelisch-kirchlichen Dogmatik, Iéna, 1830, p. 90 sq. ; Lehmann, qui admet une purification possible pour certaines catégories ; Evangelische Religionslehre, Gœttingue, 1856, et les Theologische Studien und Kritiken, de 1861 et 1866. Bautz ne manque pas de citer les Agenden (rituels protestants) dans leurs prières relatives au soulagement des défunts. Op. cit., p. 9.

Singulière évolution que celle qui consiste à nier le purgatoire pour le rétablir sous une forme nouvelle en supprimant plus ou moins radicalement l’enfer ! On comprend le reproche ironique adressé aux protestants par Joseph de Maistre : « Un des grands motifs de la brouillerie du xvr 3 siècle fut précisément le purgatoire. Les insurgés ne voulaient rien rabattre de l’enfer pur et simple. Cependant, lorsqu’ils sont devenus philosophes, ils se sont mis à nier l’éternité des peines, laissant néanmoins subsister un enfer à temps, uniquement pour la bonne police et de peur de faire monter au ciel, tout d’un trait, Néron et Messaline à côté de saint Louis et de sainte Thérèse. Mais un enfer temporaire n’est autre chose que le purgatoire, en sorte qu’après s’être brouillés avec nous parce qu’ils ne voulaient point de purgatoire ils se brouillent de nouveau parce qu’ils ne veulent que le purgatoire. » Soirées de Saint-Pétersbourg, viiie entretien.

Ne faudrait-il pas cependant voir dans cette évolution inattendue un retour à une plus juste appréciation de la doctrine catholique ? Déjà Lessing, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, osait constater que Luther, en niant le purgatoire, a dénaturé l’idée même de justice comme il a dénaturé les textes. Beilràge zur Geschichte und Literatur aus den Schâtzen der herzoglichen Bibliothek zu Wolfenbiïttel, dans Werke, éd. Hempel, Berlin, 1868-1878, t.xii, p. 123. C’est aussi l’aveu non déguisé de Karl Hase : « La plupart de ceux qui meurent sont, il faut l’avouer, trop bons pour l’enfer ; mais ce qui n’est pas moins sûr, c’est qu’ils sont aussi trop mauvais pour le ciel. On doit

avouer franchement qu’il existait à cet égard "une ccrlaiiic obscurité dans la doctrine des protestants. » Jlandbucli der protest. Polemik, Berlin, 1864, p. 422 ; cf. Evangelisclie Dogmatik, Leipzig, 1842, p. 109. Plus caractéristique encore l’aveu de Martensen, dont le manuel a une si grande vogue dans l’Allemagne du Nord et les pays Scandinaves : « Aucune âme n’ayant atteint l’état de consommation parfaite lorsqu’elle quitte ce inonde, il faut bien admettre un état intermédiaire où l’âme achève de se développer, de se purifier, de se mûrir pour le jugement dernier. Bien que la doctrine catholique du purgatoire ait été repoussée à cause du mélange d’erreurs grossières qu’elle renfermait, cependant elle a ceci de vrai que l’état intermédiaire est nécessairement, dans un sens spirituel, un lieu de purification pour les âmes. Die christliche Dogmatik, Berlin, 1870, p. 431.

Malheureusement ce revirement de la pensée protestante va tout droit vers la suppression de l’enfer. C’est, au fond, la doctrine origéniste de l’apocatastase universelle qui se renouvelle. La doctrine catholique du purgatoire n’est plus suffisante : « dans la forme qu’elle a revêtue, elle ne s’accorde pas avec nos conceptions morales et religieuses actuelles. Il n’y a pas de place pour un purgatoire dans un système où l’on admet que, même de l’autre côté de la tomb ?, l’homme reste un esprit libre, toujours capable de revenir au bien, et dont la destinée est de se développer éternellement dans le sens de la perfection. » E. Picard, art. Purgatoire, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. xi, p. 30.

Toute doctrine qui admet, après la mort, une possibilité de pénitence (au sens théologique du mot) est fausse et dangereuse, parce qu’elle ouvre la porte à ces perspectives miséricordieuses qui aboutissent à la suppression de l’enfer. On peut se demander si Hermann Schell s’est suffisamment défendu contre cette tendance. Voir sa Katholische Dogmatik, t. ni b, p. 787. On doit affirmer, en revanche, à coup sûr, que toutes les théories spirites contemporaines, avec la doctrine universellement acceptée par elles de la réincarnation des âmes, aboutissent à une conception, d’une sorte de purgatoire qui supprime l’enfer.

Au point de vue critique et historique, les protestants contemporains font en général remonter l’idée du purgatoire à saint Augustin, encore fut-ce à titre de simple hypothèse : « Cette hypothèse fut admise comme une réalité par Césaire d’Arles et répandue ensuite dans tout l’Occident par Grégoire le Grand. » Picard, loc. cit., p. 30. Rud. Hoffmann cependant découvre déjà des traces de l’idée de purgatoire chez Cyprienet chez Grégoire deNazianze, Grégoire de Nysse, Basile, qui tiendraient cette idée d’Origène. Ambroise l’aurait transmise à l’Église occidentale ; Augustin en aurait admis la possibilité ; Césaire d’Arles aurait appuyé sur l’idée et Grégoire le Grand l’aurait convertie en dogme. Ce n’était d’ailleurs qu’une simple doctrine de purification fort différente de la théorie du purgatoire imaginée au Moyen Age et sanctionnée par le concile de Trente. Realencyklopâdie fur prot. Theol., t. x, p. 111. Enfin, dernière concession de la critique protestante, Clément d’Alexandrie et Origène doivent revendiquer le titre d’inventeurs du purgatoire. G. Anrich, Clemens und Origenes als Begrùnder der Lehre vom Fegfeuer, dans Theologische Abhandlungen, Tubingue, mai 1902.

Nous osons espérer que notre présent travail aura ramené à leurs justes proportions ces assertions pleines d’équivoques.

I. L’enseignement scripturaire. — On doit citer avant tout les réfutations de la proposition 37 de Luther, et, parmi celles-ci, Priérias (Sylvestre Mazolini), voir ce mot, t. x, col. 474, Errata et argumen a Marlini Lulheri, Florence,