Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/657

Cette page n’a pas encore été corrigée

1299

PUR » ; ToFRE. ETAT DES l ES

L300

reposent et dorment en paix. La véhémence de leur douleur ne peut même pas leur apporter un trouble involontaire : ce trouble serait concevable en une âme encore unie à son corps, mais, dans l'âme séparée du corps, il n’en peut résulter qu’une tristesse d’ordre intellectuel, incapable d’apporter le moindre trouble. Ces remarques de Suarez, loc. cit., a. 1, se retrouvent d’une façon presque identique chez les théologiens qui ont étudié cet aspecl « le l'étal des anus du purgatoire : « Hélas ! mon Theotime, les anus qui sont en purgatoire y sont sans doute pour leurs péchés, péchés qu’elles ont détesté et détestent souverainement ; mais quant à l’abjection et peine qui leur en reste d’estre arrestées en ce lieu-là, et privées pour un temps de la jouissance de l’amour bienheureux du paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent dévotement le cantique de la justice divine : « Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement équitable. » (Ps., cxviii, 137). » Saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. IX, c. vu. Sainte Catherine de Gênes a, sur ce sujet, d’admirables pages que commente avec profondeur le P. Faber, op. cit., p. 388-390.

Certaines de leur salut.

1. La doctrine.  — Cette

deuxième vérité est supposée dans tout ce qui précède. La certitude du salut, que possèdent les âmes du purgatoire, n’est pas, dit Bellarmin, celle des bienheureux, « qui exclut l’espérance et la crainte » ; elle n’est pas la quasi-certitude que les justes peuvent atteindre sur terre, « laquelle n’exclut ni l’espérance ni la crainte, et peut être appelée une certitude conjecturale ». C’est une certitude spéciale, « qui ex-clut la crainte, mais non l’espérance ; le bonheur réservé à ces âmes est futur, non présent, elles peuvent donc l’espérer ; par ailleurs ce bonheur leur est acquis, elles ne peuvent donc en craindre la perte ». Op. cit., t. II, c. iv, p. 105. Ayant ainsi défini cette certitude, Bellarmin la prouve par l’existence du jugement particulier. Si le sentence définitive de ces âmes a été prononcée aussittît après la mort, rien ne prouve qu’elles n’en aient pas connaissance : le but du jugement particulier est précisément de notifier l’arrêt divin à celui qui en est l’objet, lbid., p. 107. Les âmes d’ailleurs peuvent se rendre compte qu’elles sont en purgatoire, non en enfer, en constatant qu’elles-mêmes et leurs compagnes de peine ne blasphèment pas Dieu, mais l’aiment et sont pleinement soumises à sa volonté. Ibid.

Cette certitude du salut est enseignée par tous les théologiens comme une vérité très certaine. Suarez, op. cit., disp. XLVII, sect. iii, n. 5. Suarez analyse cette certitude plus complètement que Bellarmin. Deux éléments, dit-il, y concourent : le premier est qu'à la sortie du corps ces âmes se sachent en état de grâce ; le second est qu’elles sachent que jamais elles ne seront elamnées. Le premier élément leur serait-il fourni par la science intuitive qu’elles ont d’ellesmêmes ? Déjà Cajétan, op. cit., q. ii, et Bellarmin lui-même ont indiqué cette raison. Suarez en doute, car, dit-il, comment l’intuition qu’elles ont de leur nature pourrait-elle les conduire à la connaissance de réalités surnaturelles ? Il leur faudrait une science surnaturelle infuse, et nous ignorons si une telle science leur est octroyée par Dieu. C’est donc, tout d’abord indirectement, en raison des actes surnaturels d’amour de Dieu qu’elles accomplissent au purgatoire, qu’elles concluent avec certitude être en état de grâce. De plus, le jugement particulier leur a fait connaître qu’elles ne sont point damnées ; or, elles savent que quiconque est trouvé sans l'état de grâce au jugement particulier est damné. Enfin elles savent que les damnés sont obstinés dans le mal et n’ont aucun espoir du pardon ; ces deux sentiments étant contraires à leurs dispositions présentes, les âmes du purgatoire

en déduisent la cerl il ude de leur état de gi âce. !.>><. rit., n. *). Le second élément, la certitude de n'être pas damnées un jour, leur est inculqué par la foi qu’elles ont retenue de la terre et qui leur apprend que, ne pouvant pécher, elles ne risquent pas d’encourir plus tard la damnai ion. Et si quelque âme trop ignorante ne connaît pas ces principes, Suarez estime que Dieu y suppléera par une lumière nouvelle, au besoin par l’enseignement de l’ange gardien, lbid., n. 7. Mais toutes ces raisons ne sont qu’indirectes. Dans la sentence du jugement particulier Suarez trouve un argument direct et très démonstratif de la certitude des âmes par rapport à leur état de grâce : la sentence du jugement est pour elles une révélation leur donnant toute certitude sur leur état présent et sur leur future béatitude. N. 8.

Ces divers arguments se retrouvent plus ou moins nettement invoqués chez les théologiens modernes. Palmieri, op. cit., n. 24, p. 08, Mazzella, op. cit., n. 1353, Ch. Pesch, op. cit., t. ix, n. 599 (lequel ne voit dans le jugement particulier qu’un argument de vraisemblance), se contentent de résumer Suarez. Billot est plus personnel, et son argumentation mérite d'être notée : De novissimis, p. 107-108.

L’argument de Cajétan, délaissé par Suarez, ne laisse pas de plaire aux thomistes. Le cardinal Lépicier l’adopte pleinement, De novissimis, p. 326. Le P. Hugon l’indique d’un mot, op. cit., t. iv, p. 799, renvoyant pour de plus amples explications au traité philosophique de la connaissance des âmes séparées, Cursus philosophie thomisiiese, Paris, 1907, p. 138-149 ; cf. Réponse theologique à quelques questions d’actualité, Paris, 1924, L'état des âmes séparées, c. iii, p. 230 sq. On trouvera également de bonnes indications dans Le monde invisible, Paris, 1931, part. II, c. ii, § 4, p. 191 sq., du cardinal Lépicier, et dans Mgr Chollet, La psychologie du purgatoire, Paris, 1924. Sur la pensée de Denys le Chartreux touchant la certitude qu’ont les âmes de leur salut, voir Lépicier, op. cit., p. 328, qui défend l’orthodoxie de cet auteur.

2. L’objection.

Si les âmes sont certaines de leur salut, pourquoi l'Église, à l’offertoire de la messe des défunts, demande-t-elle « que les âmes des fidèles soient délivrées des peines de l’enfer et de la fosse profonde, ne soient pas dévorées par le lion infernal, ne soient pas absorbées par le Tartare et ne tombent pas dans l’obscurité » ? Et, à l’absoute, ne dit-elle pas, au nom du défunt : « Délivrez-moi, Seigneur, de la mort éternelle, en ce jour terrible, quand cieux et terre seront ébranlés ? » De telles prières, qui ne peuvent être offertes que pour les âmes du purgatoire, , semblent bien signifier que, dans la pensée de l'Église, ces âmes sont encore exposées aux flammes éternelles.

Bellarmin apporte deux réponses. Tout d’abord l'Église, bien que sûre du salut clés âmes du purgatrire, prie cependant pour que la sentence finale du jugement dernier leur soit favorable. On la voit ainsi fréquemment demander à Dieu ce qu’elle est sûre de recevoir. Mais il est une autre solution : « L'Église, par cette prière, eiemande bien que les âmes soient délivrées du purgatoire, mais elle emploie une figure, comme si les âmes étaient au moment de quitter leur corps et en péril de leur salut éternel ; elle se rappelle et se représente le jour ele la mort ou de la sépulture. » Op. cit., c. v, p. 109. C’est ainsi que, dans sa liturgie. l'Église se représente Jésus incarné, naissant, souffrant, bien qu’elle le sache glorieux au ciel. Cette explication se trouve également chez Grégoire de Yalencia. Commentariorum theologicorum, t. m. Venise, 1008. disp. VI, q. ii, punct. 8. Cf. Billuart, De ultimo fine. diss. II, a. 3, cirai finem.

Benoît XIV donne une solution bien trop simple : sous le nom d’enfer, de Tartare, de gouffre obscur,