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PURGATOIRE. LE CONCILE DE FLORENCE


purification qui est en somme un bienfait ; il ne peut s’appliquer qu’aux impies. Les Latins sont d’un avis différent : cette purification, quel que soit le bienfait qu’elle apporte, est cependant un dommage, peine plus rigoureuse, au sentiment de saint Augustin, que toutes les peines de cette vie. Donc le sens du mot est sauvegardé.

Quant à l’autorité de l'Église romaine, si elle a été mise en avant, c’est que cette Église n’est pas une Église quelconque : elle est instruite par les apôtres Pierre et Paul, fondements et lumières de la foi ; elle est tête et maîtresse des autres Églises, ainsi qu’en témoigne saint Maxime dans sa lettre aux Orientaux (P. G., t. xci, col. 137 D).

Enfin l’argument des Latins tiré de la justice divine est resté sans réponse ; en revanche, les Grecs ont accumulé dix arguments contraires. Les Latins pourraient eux-mêmes apporter de multiples raisons opposées, mais l’orateur veut se contenter de répondre aux arguments de Bessarion.

4. Cette réplique forme le quatrième point. En réalité il suffît de lire les arguments des Grecs pour s’apercevoir de leur peu de consistance. Les réponses de Turrecremata aux arguties des Grecs sont elles-mêmes d’un intérêt médiocre. Toutefois la troisième mérite d'être retenue, parce qu’elle envisage l’immutabilité des volontés dans l’au-delà :

Si l’immutabilité de la volonté droite est nécessairement requise dans l’obtention de la béatitude, elle ne se suffît pas cependant à elle-même. La poursuite d’une bonne œuvre et surtout l’obtention de la fin dernière requièrentdemultiples éléments… Le mal peut surgir de l’un ou l’autre des mille défauts possibles ; mais le bien ne peut exister que si toutes les conditions en sont remplies. Donc, il suffit d’un défaut quelconque pour empêcher l’achèvement et l’acquisition du bien. Aussi, bien que pour être digne du châtiment éternel, il suffise à l'âme d’avoir une volonté immobile dans le mal, il ne suffit pas, par contre, pour qu’une âme quittant cette terre, puisse immédiatement entrer en jouissance de la béatitude, qu’elle ait une volonté fixée immuablement dans le bien ; il faut de plus qu’elle n’ait plus de faute ou depeine à expier ; car, comme on l’a déjà dit, la félicité du ciel n’admet rien de souillé. En outre, si cette immutabilité de la volonté droite en celui qui est prédestiné à la vie éternelle suffisait pour lui faire conférer immédiatement le bonheur, comme l’immobilité de la volonté du damné dans le mal suffit à le plonger dans l'éternelle perdition, que vous servirait de prier pour les défunts, puisque vous dites que cette immutabilité de la volonté dans le bien suffit ?… Hoffmann, op. cit., p. 2 (56)

La réplique est bonne et péremptoire. Mais on voit par là à quel genre d’exercice se sont livrés les deux jouteurs.

5° Précisions apportées par les Grecs (P. 0., p. 108151, 152-168). — Marc d'Éphèse apporta les précisions demandées en deux mémoires.

1. Le premier, de beaucoup le plus étendu, déclare que les Grecs vont exposer simplement leur sentiment propre et discuter de plus près le sentiment qu’on leur oppose.

Ils enseignent donc que les justes n’entrent pas immédiatement en possession de la béatitude promise à leurs œuvres ; que les pécheurs ne sont pas livrés immédiatement au supplice éternel qui leur est destiné. Les uns et les autres ne parviendront à ce terme qu’après le jugement dernier et la résurrection universelle. Sans doute ils ont déjà quelque chose de leur destinée future. Les bons sont dans le repos et la liberté, soit dans le ciel, près de Dieu, avec les anges, soit dans le paradis terrestre ; ils sont parmi nous, dans les temples où on les honore ; ils entendent nos prières, prient pour nous, se font nos intercesseurs, opèrent des miracles par leurs reliques, jouissent de la vue bienheureuse de Dieu et du resplendissement de sa gloire, plus parfaitement qu’en cette vie. Lesméchantssontenfermésdansl’enfer,

plongés dans les ténèbres, dans l’ombre de la mort, dans le lac profond (cf. ps. lxxxvii, 7), dans la terre ténébreuse et obscure, sans lumière, sans spectacle de la vie. Cf. Job, x, 22. Si les premiers sont comblés de joie, les seconds sont dans une tristesse inconsolable. Cependant les premiers n’ont pas encore le véritable héritage céleste ; les seconds ne sont pas encore livrés aux tortures éternelles et dévorés par le feu. A l’appui de cette doctrine, Marc d'Éphèse cite plusieurs Pères, le pseudovthanase, Qusestiones ad Antiochenum ducem, q. xx, xxi, P. G., t. xxviii, col. 609 ; saint Grégoire le Théologien, Orat., vii, In laudem Ceesarii jratris, n. 21 ; xvi, In patrem tacentern propler plagam grandinis, n. 9, P. G., t. xxxv, col. 781-784 ; 945 C ; xl, In sanctum baplisma, n. 45, t. xxxvi, col. 425 C ; saint Jean Chrysostome, Ad populum Antiochenum, hom. vi, n. 3 ; Adv. Judseos, hom. vi, n. 1, P. G., t. xlix, col. 85 ; t. xlviii, col. 904, 905. Les visions et révélations sur les châtiments d’outre-tombe, attribuées à de saints personnages, ne sont donc que de simples représentations figurées des réalités à venir, non la description des réalités présentes.

Par là est exclue l’hypothèse du feu purificateur temporaire. Déjà saint Pierre montrait les impies attendant la sentence définitive, II Pet. ii, 4 ; il parlait de captivité. Les Grecs parlent de châtiments déjà commencés : honte, remords ou peines semblables ; mais il ne faut pas leur demander d’admettre qu’un feu matériel agit sur les âmes spirituelles. Tout au plus pourraient-ils admettre ces expressions en un sens allégorique.

L'Église, selon la coutume d’origine apostolique, offre le saint sacrifice et d’autres prières pour tous les défunts sans distinction. Aux damnés, à défaut de la délivrance, est procuré un léger soulagement. Maints exemples historiques attestent cette vérité (l’orateur rappelle le texte de saint Basile dans Eù/oX6yi.ov t& [it-fix, voir col. 1253 ; le fait de Falconille et de Trajan). Et toutefois l'Église ne prie pas publiquement pour de telles âmes ; elle se contente de prier pour tous les fidèles trépassés, si grands pécheurs qu’ils soient. On peut citer sur ce point non seulement saint Basile, mais saint Jean Chrysostome, In Joannem, hom. lxii, n. 5, P. G., t. lix, col. 348 ; In I Cor., hom. xli, n. 4, P. G., t. lxi, col. 361 ; In Mallh., hom. xxxi, n. 4, P. G., t. lvii, col. 375 ; In Mac, dans le pseudo-Damascène, De iis qui in fide dormierunt, n. 3, P. G., t. xcv, col. 249 B. Si les prières de l'Église peuvent obtenir un adoucissement aux âmes destinées à l’enfer, combien plus l’obtiendront-elles pour les âmes de la catégorie moyenne ! Ces dernières pourront, grâce aux prières de l'Église, être réunies à Dieu. Quant aux âmes justes et saintes, elles recueillent, elles aussi, un véritable bénéfice de ces prières puisqu’elles n’ont pas encore touché au terme. Cf. pseudo-Denys, Eccl. hier., vii, 7, P. G., t. iii, col. 561 D-564 A. Aucune raison donc de restreindre l’efficacité des prières et des saints sacrifices à une seule catégorie d'âmes, celles du purgatoire.

Les Latins ont cru pouvoir en appeler à l’autorité de saint Basile, qui prie Dieu d’introduire les âmes dans un lieu de rafraîchissement. Mais cela ne signifie nullement que ces âmes soient dans le feu du purgatoire. Quant à l’autorité de saint Grégoire de Nysse, il faut bien se résigner à reconnaître que ce Père a erré sur ce point. Qu’on montre où il a parlé du feu éternel I D’ailleurs, il place le feu purificateur des pécheurs au jugement dernier. Quoi de commun entre ce feu et celui du purgatoire des Latins ?

Les Grecs ont cité largement Grégoire (de Nysse), pour ne pas être accusés de le calomnier comme origéniste. Grégoire, pour les Grecs comme pour les Latins, est un docteur ; mais il est malaisé d’expliquer comment il a pu professer cette doctrine du purgatoire sans