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PURGATOIRE LE NOUVEAU TESTAMENT

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sont les pierres vivantes (cf. I Petr., ri, 1 ; Eph., ii, 20), édifiées sur la pierre angulaire qu’est le Christ, les matériaux périssables étant les pécheurs et 1rs réprouvés. Mais alors comment ceux qui les auraient fait entrer dans l'Église pourraient-ils eux-mêmes être sauvés ? Il s’agit donc clairement de l'Évangile lui-môme (cf. Rom., xv, 20), dont Paul a posé le fondement à Corinthe en prêchant Jésus-Christ, abrégé de la foi, et que ses sueeesseurs ont mission de compléter et de parachever par leur enseignement.

Personne n’a le droit de déplacer ce fondement ou de lui en substituei un autre ; m lis tout prédicateur de l'Évangile a le droit et le devoir de continuer l'édifice. (Jr, comme la construction est de même ordre et de même nature que le fondement, les parties surajoutées à l'édifice fondé |iar Paul seront nécessairement les doctrines du christianisme, non pas des doctrines mortes, purement spéculatives, sans influence aucune sur l’accroissement du corps mystique, m lis des doctiines vivantes, agissantes, capables de transformer l’esprit et le cœur de ceux qui en l’ont leur règle de vie. L’or, l’argent, les pierres de prix sont à divers degrés les doctrines utiles et fructueuses ; le bois, le foin, le chaume, substances fragiles et peu durables, symbolisent, non pas les erreurs et les hérésies, mais les enseignements frivoles, les récits futiles, bons à repaître la curiosité des auditeurs, m us sans action sérieuse sur leur vie morale. Le souverain Juge paraît soudain, t’n feu dévorant le précède. L’or, l’argent, les pierres de prix, résistent à l'épreuve ; le bois, le foin, le chaume sont consumés et les imprudents ouvriers qui les employaient, voyant périr leur œuvre, se sauvent a travers les flammes. F. Prat, La théologie de saint Paul, 17e éd., t. i, p. 111.

Cette explication, jadis retenue par l’Ambrosiaster, est aujourd’hui adoptée par l’immense majorité des exégètes. L’interprétation plus large, récemment proposée par le P. Allô, op. cit., p. 59-60, ne contredit pas essentiellement celle qu’on vient de rapporter. Le fondement est le Christ lui-même, que Paul a d’ailleurs comparé à la pierre angulaire, à la tête du corps. La superstructure signifie donc tous les résultats du travail des instructeurs qui prétendent faire l'œuvre du Christ, l’accession des nouvelles recrues, les doctrines qu’elles reçoivent, les œuvres qu’on leur fait produire, etc. L'édifice, en somme, c’est l'Église, mais l'Église avec ses membres, la foi et la charité qui les unissent ; ensemble qui doit être homogène, harmonieux et parfaitement adapté au fondement. Cette interprétation extrêmement compréhensive n’est pas à confondre avec celle qu’on a rejetée tout à l’heure. Dans cet édifice, les matériaux, personnes, œuvres, doctrines, sont de qualité bien diverse. Les matériaux inférieurs peuvent se rencontrer avec ceux de qualité supérieure.

b) Le « jour ». — La Vulgate a (lies Domini ; mais le texte grec porte seulement y ; T, u.épa, le « jour » par antonomase, c’est-à-dire le grand jour de la parousie, jour où se fera le discernement des bons et des méchants, la distribution des peines et des récompenses. Ce jour est le plus souvent appelé « le jour du Seigneur » ou « le jour du Christ » ; cf. I Cor., i, 8 ; v, 5 ; II Cor., i, 14 ; Phil., i, 0-10 ; ii, 6 ; I Thess., v, 2 ; II Thess., ii, 2 ; I Petr., m. 10-12 ; Apoc, xvi, 14 ; il est encore désigné par exetvT] Y) -rjuipa, II Thess., i, 10 ; II Tim., i, 1218 ; iv, 8, et par yj ^fiépoc tout court, Hebr., x, 25 ; cf. Rom., xiii, 12. C’est le jour du jugement. C’est là l’interprétation commune. On ne saurait donc accepter les interprétations différentes qui se présenteraient avec exclusivité de l’interprétation commune : surtout celles qui se fondent sur un sens accommodatice, la ruine de Jérusalem (Lightfoot), la tribulation (saint Augustin, qui d’ailleurs n’exclut pas d’autres interprétations, voir plus loin, col. Il 77), le jour de la mort (Cajétan), un jour indéterminé (Grotius), la claire lumière de l'Évangile (Érasme. Bèze), etc. Toutefois, remarque opportunément le P. Allô, op. cit., p. 61, « ce peut être en réalité

nie tout cela à la fois. On voit au chapitre suivant (iv..'$) que Paul pouvait donner à ï)y.ép7. le sens très général de jugement ou de séance judiciaire. Or, le Christ exerce ses jugements et peut avoir son » jour de bien des manières. La principale, la décisive est évidemment celle de la parousie ; mais Jésus (Luc., xvil, 22), a parlé d' « un des jours du Fils de l’homme », comme s’il pouvait y avoir plusieurs de ces jours », où il manifeste sa puissance suivant tel ou tel mole, dans tel ou tel événement… Aussi pouvons-nous croire, avec saint Thomas, que, dans ce verset, il s’agit du triple jugement de Dieu, le jugement général, le jugement particulier à la mort de chacun, et les jugements durant cette vie mortelle. Il faut toutefois remarquer que ce t. 13 ne vise expressément que le jugement qui sera porté sur l'œuvre extérieure du ministère. »

Quoi qu’il en soit, ce « jour » sera le jour du discernement du bien et du mal, des bons et des mauvais ouvriers, de la distribution des peines et des récompenses. Saint Paul nous représente les ouvriers de l'édifice surpris par ce jour, et ils se divisent en trois catégories. Les uns, auxquels il est fait allusion au ꝟ. 17, sont les mauvais ouvriers qui, au lieu de bâtir, s’elTorcent de détruire le temple de Dieu que sont les fidèles, qu’est l'Église : Dieu les détruira eux-mêmes, comme ils ont détruit. D’autres ont construit un monument solidu et n’ont employé que des matériaux excellents : ils recevront la récompense due aux ouvriers fidèles, Enfin, les derniers font usage de matériaux périssables : ils souffriront dommage. Saint Paul ne dit pas expressément en quoi. Mais ils se sauveront comme par le feu, pareils à l’ouvrier qui, employant des matériaux combustibles, voit l’incendie se déclarer dans l'édifice qu’il construit et se trouve obligé ue s’enfuir au milieu des flammes pour se sauver.

c) Le « feu », d’après le P. Allô, op. cit., p. 61, serait « toutes les activités destructrices dont l'édifice spirituel de Corinthe (et l'Église en général) subiront l’assaut, Dieu l’ayant ainsi ordonné pour en faire l'épreuve (à7ïoxa).'j7T-ETat) et la purification. Si cette épreuve est différée, jusqu’aux derniers jours pour certaines « superstructures », la parousie au moins, épreuve suprême, montrera ce qui valait quelque chose ou ce qui ne valait rien pour l'établissement du » règne de Dieu » éternel. » Mais d’autres exégètes veulent un sens moins général.

Il est bien évident, tout d’abord, que le feu dont parle ici saint Paul ne peut être entendu directement du feu du purgatoire : le feu du purgatoire, en effet, purifie, mais n'éprouve pas et, de plus, il n’a rien à faire avec les œuvres excellentes symbolisées par l’or, l’argent, les pierres précieuses. Ce n’est pas non plus le feu de l’enfer (interprétation de saint Jean Chrysostome), interprétation abandonnée des exégètes. Ce feu de l’enfer punit, mais n'éprouve pas, et l’on ne peut dire, sans violenter le texte, que le damné sera sauvé (owOrjorTai), c’est-à-dire conservé vivant, pour souffrir éternellement. Ce sens donné à awôrio-ETai est inouï, comme l’ont démontré au concile de Florence les contradicteurs de Marc d'Éphèse. Cf. Mansi, Concil., t. xxxi, col. 489, et Feu du purgatoire, col. 2250. De plus, on ne comprendrait pas que saint Paul opposât ^7)u.uo6v ; G£TaL, detrimentum palietur, à ccùQt^ztoli, salvabitur. si l’un et l’autre terme signifiaient la peine du feu de l’enfer. Cf. Corncly, Commentarius in S. Pauli epislolas, I Cor.. Paris. 1890. t. ii, p. 91. Il ne s’agit pas non plus du feu métaphorique de la tribulation, interprétation secondaire chez saint Augustin et saint Grégoire le Grand. Feu du purgatoire, col. 2250. Il suffira de mentionner l’opinion singulière deBellarniin. qui veut que le premier feu du tꝟ. 13 soit le feu de la conflagration générale, le second, même verset, le feu métaphorique du jugement, et que le feu du ?. 15