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PSELLOS (MICHEL)

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trincs des philosophes de l’antiquité et dans la tenta tive d’éclairer les dogmes chrétiens par la raison philophique. Si, dans le domaine littéraire, Psellos lait figure d’un humaniste de la Renaissance, sur le terrain de la théologie il rappelle nos scolastiques du Moyen Age. Comme eux, il applique la philosophie à la théologie et fait de celle-là la servante de celle-ci.

Certains de nos contemporains l’ont, sous ce rapport, fort mal jugé. Us nous le présentent comme une sorte de demi-païen plus ou moins sceptique, donnant partout le pas aux philosophes anciens sur l’Écriture et les Pères. Chr. Zervos, par exemple, écrit : « Coin de subordonner, comme les trois Cappadocicns, la sagesse de l’antiquité à la théologie, il donne constamment le pas a la philosopie hellénique sur les directions de la pensée chrétienne. » Op. cit., p. 186. De nombreux passages des écrits de Psellos protestent contre ce jugement. C’est tout le contraire qui est la vérité. Noire Byzantin a pu négliger ou pratiquer médiocrement les vertus chrétiennes, mais il est toujours resté un croyant convaincu, et il n’a rien du scepticisme souriant que quelques-uns de nos modernes, le jugeant d’après eux-mêmes, voudraient lui prêter. Sans doute, de son vivant même, il fut accusé de faire la part trop belle à Platon, à Porphyre et à Proclos. C’accusation de paganisme fut portée contre lui et il dut se justifier devant l’empereur par une profession de foi. Que cette profession ait été sincère, c’est ce dont témoignent suffisamment les écrits publiés de lui jusqu’ici, sans parler des inédits.

Ce qui nous éclaire sur sa véritable pensée, c’est la lettre qu’il écrivit à Jean Xiphilin pour répondre au reproche d’aimer trop Platon et de le préférer au Christ. 11 s’y montre vrai scolastique, faisant la part de la foi et de la raison et donnant à chacune la place qui lui revient : à la théologie, la première ; à la philosophie, le rôle de collaboratrice subordonnée. « Il y a longtemps, frère très cher, écrit-il à son ancien condisciple, que j’ai reçu comme un héritage paternel la dignité de chrétien et que je suis devenu le disciple du Crucifié, l’élève des saints apôtres et l’écho très exact de l’ineffable doctrine touchant la divinité. Quant aux Platon ou aux Chrysippe que tu mentionnes, je les ai aimés, en effet : comment faire autrement ?… Mais dans leurs doctrines j’ai fait un choix. Rejetantles unes, j’ai retenu les autres comme pouvant servir les nôtres et faire corps avec les saintes Écritures. Ainsi en ont agi Basile et Grégoire, ces grandes lumières de l’Église. » Lettre au moine Jeun Xiphilin devenu patriarche, Sathas, op. cit., t. v, p. 447. « L’usage du syllogisme, continue-t-il, n’est pas chose inconnue dans l’Église, ni une méthode étrangère à la philosophie ; c’est bien plutôt l’unique instrument de vérité et le moyen de découvrir la solution aux problèmes posés. » Une déclaration semblable se lit au dernier chapitre de son ouvrage : Ai.8aa> : ocX[a TOXVToSoorT], dédié à l’empereur Constantin Doucas : « Dans l’intention de vous apporter un grand nombre de pensées sur l’âme, j’ai puisé dans nos propres cratères aussi bien que dans les eaux amères des Hellènes. J’ai pris soin de purifier les doctrines profanes afin de les introduire dans nos dogmes, sans toutefois réussir a leur ôter complètement leur caractère. Quant à vous, il ne suffit pas de connaître les divines paroles, qui sont pleines de vérité, niais il faut y croire fermement. En ce qui concerne les opinions qui rappellent les doctrines hellènes, sachez que je ne fais que les exposer. Je vous conseille d’en profiter pour savoir la différence qui existe entre nos dogmes et les opinions des païens. Par cette comparaison vous constaterez que nos écrits sont de véritables roses, tandis que les livres grecs produisent avec de jolies (leurs des substances vénéneuses. » Emile Ruelle. Quarante-deux chapitres inédits et complémentaires du recueil de Michel Psellos intitulé :

AtSaoxaXta rcavro8a7rr] (celui qui est dans la P. G.), dans l’Annuaire de l’Association des études grecques, t. xiii (1879), p. 277-278.

La méthode de Michel Psellos était donc irréprochable aux yeux du croyant éclairé. Elle n’en inspirait pas moinsde la défiance dans les milieux ecclésiastique » et monastiques. Cette utilisation de la sagesse païenne leur paraissait présenter de graves dangers pour la loi. Et il faut reconnaître que ce danger était réel. Nous trouvons en Occident, aux XIIe et xme siècles, la même opposition, chez beaucoup d’hommes d’Église, à l’usage de la dialectique en théologie et à l’adaptation de la philosophie antique au dogme révélé. Mais, tandis que dans l’Église occidentale le mouvement scolastique, après des péripéties diverses, finit par obtenir droit de cité et produisit de magnifiques chefs-d’œuvre, à Byzance il fut bientôt arrêté à la fois parl’Égliseet par l’État. Psellos était à peine mort que son successeur comme recteur de l’Académie des lettres, Jean Halos, était condamné. Une série de conciles, sous Alexis Comnïne, étouffèrent presque au berceau la scolastique byzantine naissante.

Quant aux convictions chrétiennes de Psellos, nous trouvons une nouvelle preuve de leur fermeté dans cette déclaration insérée au c. xii de l’Histoire de Théodora, Chrono graphie, éd. É. Renauld, t. n. p. 7778 : « Pour moi, ce n’est pas la raison scientifique qui m’a détourné de ces questions (de l’astrologie) ; c’est une force divine qui m’a retenu, et ce n’est ni aux syllogismes, ni certes aux autres moyens de preuve que je prête l’oreille ; mais la même cause qui a fait descendre des âmes vraiment fortes et expertes à l’acceptation de la culture hellénique, c’est la même qui, pour moi, me presse et m’élève à la certitude de notre foi. Aussi, que me soient propices et la mère du Verbe et le Fils incréé, et la passion qu’il a soulïerte, et l’épine qui couronna sa tête, et le roseau et l’hysope et la croix, mon orgueil et ma gloire, même si mes actions n’ont pas été d’accord avec mes paroles. » Recueillons encore ces paroles de notre chronographe sur les deux philosophies, la profane et la sacrée : « J’ai étudié la philosophie supérieure qui repose sur le mystère de notre religion plutôt que la profane, d’une part en suivant la doctrine des illustres Pères de l’Église, d’autre part, en contribuant de mon propre fonds à compléter la science divine. » Chronographie, Constantin IX, c. xlii, Renauld, t. i, p. 137-138. C’est aussi la foi chrétienne qui illumine sa conception de l’histoire : « J’ai l’habitude dit-il, d’attribuer à la divine Providence le règlement des choses de quelque importance, ou plutôt de rapporter à elle tout ce qui nous arrive, sauf ce qui provient de la corruption de notre nature. » Chronographie, Michel IV. c. xxx, Renauld, t. i, p. 71. Cf. Constantin IX, c. lxxii, ibid., p. 152.

Comme nous l’avons déjà dit, l’originalité de Psellos en théologie, autant qu’on peut en juger par les œuvres publiées, est avant tout dans la méthode, non dans le fond de la doctrine. Sur les questions particulières, il s’en tient ordinairement au sentiment commun de ses contemporains. Nous ne.signalerons sa position que sur les points suivants :

1° Sur la procession du Saint-Esprit il adopte la doctrine officielle de son Église au xie siècle : Le Saint-Esprit procède du Père, non du F Is, mais il est communique aux fidèles par le Fils. C’est la formule qu’il emploie au début de son recueil quodlibétiqucviSa-n-aXia TcavxoSaTTr, : « èx Tlarpàç u.èv ey.ropeuou.svov, Si’ïloû 8è u.FTa8186uxvov. » P. G., t. c.xxii, col. « 88 A. Le Père est à la fois toxtt]P toù u.ovoy£voOç Yloù et -poooXs-jç toû àyîou Ilveùu.a-roç. Dans le Panégyrique d ? Michel Cérulaire, il félicite ce dernier de son zèle pour défendre l’orthodoxie sur ce point contre la doctrine des Latins, qu’il qualifie de suprême impiété, égale à l’hérésie d’A-