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    1. PSAUMES (LIVRE DES)##


PSAUMES (LIVRE DES). LES PAUVRES

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jours de pénitence, de deuil et de calamité. Ces sept psaumes de la pénitence forment un ensemble, dont on peut souligner l’ordonnance logique de la manière suivante : Tout d’abord la tentation avec ses émois, ps. vi :

Mon aine est dans une grande épouvante ;

Mais toi, Jahvé, Jusque » à quand ?…

Reviens [], délivre mon âme ;

Sauve-moi à cause de ta miséricorde. (vi, 4-5.)

Puis la chute avec ses funestes conséquences, ps. xxxvin :

Il n’y a rien d’intact dans ma chair [] ;

Il n’y a rien de sain dans mes os [].

Oui, mes iniquités ont dépassé ma tête ;

Gomme un pesant fardeau, elle pèsent trop pour moi.

[(xxxviir, 4-.">.)

Ensuite la contrition après le péché commis, ps. li :

Aie pitié de moi, ’Jahvé’, dans ta bonté ;

Selon la grandeur de ta miséricorde efface mes péchés.

Lave-moi complètement de mon iniquité

Et de ma faute purifie-moi.

Car mes péchés, moi je les connais

Et mon iniquité est constamment devant moi.

Contre toi, contre toi seul, j’ai péché.

Et j’ai fait ce qui est mal à tes yeux…

Ote mon péché avec l’hysope et je serai pur. Lave-moi et je serai plus blanc que la neige… Détourne ta face de mes péchés, Et toutes mes iniquités efface-les. (li, 3-6, 9, II.)

Voici l’appel vers le secours divin, suivi du pardon, ps. en, cxxx, cxliii. Le De profundis est un chefd’œuvre d’ardente supplication :

Des profondeurs je t’ai appelé, Jahvé, Entends ma voix.

Qu’elles soient attentives, tes oreilles, A ma voix suppliante !

Si tu observes les fautes, Jahvé, Qui donc subsistera ? Mais près de toi est le pardon, C’est pourquoi j’ai espéré.

Jahvé, mon âme a espéré ;

Et après ta parole j’aspire

Mon âme aspire après Ja’ivé,

Plus que les veilleurs après l’aurore.

Espère, Israël, en Jahvé,

Car près de Jahvé est la miséricorde.

C’est lui qui rachète Israël

De toutes ses fautes. (.cxxx, 1-8.)

Enfin s’épanouit le bonheur après le pardon, ps. xxxii :

Heureux celui dont la faute est pardonnée. Celui dont le péché est couvert. Heureux l’homme, à qui il n’impute pas, Jahvé, l’iniquité.

J’ai avoué’contre moi’Ma faute à Jahvé ;

Et toi, tu as effacé

L’iniquité de mon péché. (xxxii, 1-2, 5.)

4. Artisans d’iniquité et pauvres.

Un terme revient fréquemment dans le psautier, c’est celui de pô’alê-’âvén, que l’on peut traduire par « artisans d’iniquité ». Ce sont les méchants, les impies, les orgueilleux, les blasphémateurs, les oppresseurs. M. Sigmund Mowinckel en a parlé abondamment dans sa première étude sur les psaumes, parue sous le titre : Awân und die individuellen Klagepsalmen, Kristiania, 1921.

En négligeant les nuances, on pourrait résumer la thèse de M. Mowinckel de la façon suivante : le mot hébraïque’dvén a le sens de « magie, que n’a pas su découvrir le dictionnaire de Gesenius-Buhl ; les pô’alê-’âoên (que l’on traduit d’ordinaire par « artisans d’iniquité » ) sont donc des « magiciens ». De cette magie on retrouve des manifestations dans la croyance populaire israélite. Or, les psaumes individuels de plainte ont une grande ressemblance avec les psaumes babyloniens. Mais ces psaumes babyloniens sont tout imprégnés de formules et d’allusions magiques. Il est donc clair que la magie est également en vue dans les psaumes hébraïques. Ce sont des sorciers qu’il faut voir sous le mot générique d’ennemis. Les psaumes individuels étaient des psaumes liturgiques, qui portent encore la trace de leur destination cultuelle ; on se rendait au Temple pour accomplir les rites de purification contre la magie et ses funestes sortilèges. Dès avant la période des Machabées, quand on cessa d’employer les rites de purification contre la migic, on changea la destination des psaumes individuels de lamentation et, par des additions diverses, on leur donna un sens collectif.

A cela on peut répondre que sans doute la magie joue un grand rôle dans les psaumes babyloniens ; mais n’est-il pas hâtif d’en conclure, à cause de vagues ressemblances, que les psaumes hébraïques de plainte sont, eux aussi, de caractère magique ? Car il ne saurait échappsr à personne que la magie ne s’est aucunement développée dans la religion hébraïque comme dans la religion babylonienne ; les témoignages, contrôlés avec soin, sur l’existence d’une magie israélite se réduisent à peu de chose. Reste le mot hébraïque’âoén qui forme le point de départ de l’argumentation de M. Mowinckel. Est-on en droit de lui donner le sens de magie ? Nous ne le croyons pas. M. Mowinckel invoque deux versets des Nombres, xxiii, 21, 23, qu’il rapproche, et un passage de I Reg., xv, 23, où le mot’âoén serait en parallèle avec qésém, a divination ». Le rapprochement des deux versets des Nombres ne s’impose pas tellement qu’il faille recourir au sens de « magie » pour le terme’âvén, et dans le livre des Rois’âvén est en relation, plus probablement, avec le mot « péché » (cf. Dhorme. Les livns de Samuel, p. 135). M. Mowinckel traduit encore pô’alê-’âvén par magiciens, sous prétexte que cette expression s’applique à des gens qui causent du dommage à des hommes innocents et sans défense, qui les tuent, qui leur enlèvent leurs biens, qui les rendent malades, qui exercent dans l’ombre leurs pratiques perfides, qui agissent avec leur langue et des mots puissants, qui se servent de moyens et de gestes singuliers et leur attribuent une puissance particulière. Mais ce sont là des traits qui ne sont nullement spéciaux aux magiciens. Et encore faut-il dire que M. Mowinckel choisit des formules qui rendraient l’équivalence entre’âvén et magie plus naturelle et plus évidente. Il suffira de lire, par exemple les ps. xii et xli ; on n’y découvrira rien de magique, mais des lèvres trompeuses et des médisances dont la malfaisance n’a pas besoin pour agir efficacement de s’aider de pratiques magiques. Voir un minutieux compte rendu de la thèse de M. Mowinckel par M. E. Podechard, dans Revue biblique, 1923, p. 141-145.

L’on voit par là que rien n’est plus facile que de faire des thèses à propos du psautier. Le fidèle se sent écrasé sous le poids de ses fautes ; il s’imagine que son âme va descendre au scheôl ; il décrit son état comme une maladie qui le met à deux doigts des portes du tombeau. D’où la tentation de voir dans tous les psaumes semblables des morceaux composés par des malades qui vont chercher près de Jahvé, avec le secours de rites magiques, la santé qu’ils ont soi-disant perdue. Le fidèle se sent dominé et opprimé par une caste de gens sans aveu et de riches sans foi ni loi ; il oppose sa pauvreté à la richesse des méchants. D’où la tentation d’identifier fidèle et pauvre et de faire de ces pauvres