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sation de Jahvé> a davantage retenu l’attention. Se fondant sur lafête de Marduk à Babylone (décrite récemment par M. Heinrich Zimmern, Daa babylonische Neufahrsfest, Leipzig, L926), sur les récits du transfert de l’arche à Jérusalem au temps de David et dans le Temple au temps de Salomon, sur le contenu de certains psaumes (xlvii, xciii, xcv-c) qui célèbrent la royauté universelle de Jahvé, et sur certaines compositions liturgiques qui semblent avoir été récitées pendant une procession (ps. xxiv, cxxxii), M. Mowinckel, <|ui n’a connu que très tard une thèse déjà présentée par M. Volz, Das Neujahrsfesl-Ialvves, Tubingue, 1912, a rapportéà une prétendue fêle d’intronisation de Jahvé, au nouvel an. quarante-huit psaumes, soit à peu près le tiers du psautier. Chaque année, Israël célébrait la fête des récoltes, en automne (cette fête est dcvenuela fête des Tabernacles) ; mais, primitivement, c’était la fête du nouvel an, qui était marquée par la célébration d’une intronisation solennelle de Jahvé comme roi et par un renouvellement de l’alliance du peuple avec son Dieu.

De cette fête il n’est question nulle part dans les livres de l’Ancien Testament et, s’il est sûr que le peuple israélite se plaisait à circuler en procession, tout en chantant des cantiques, on ne découvre aucune trace d’une intronisation solennelle de Jahvé avec chants très spécialement adaptés à cette cérémonie. Des assyriologues ont protesté contre cette assimilation entre une fête de Jahvé à Jérusalem et une intronisation de Marduk à Babylone, cf. Dhorme, Revue biblique, 1924, p. 143-144. Une étude récente vient de réfuter la thèse de Mowinckel sur la fête israélite du nouvel an, en se plaçant sur le terrain critique, cf. M. Pap, Das isrælitische Neujahrsfest, Kampen (Hollande), 1933. On trouvera une mise au point judicieuse de toutes les idées de Mowinckel dans un article synthétique de M. L. Aubert, Les psaumes dans le culte d’Israël, paru dans la Revue de théologie et de philosophie (prot.), Lausanne, 1927, p. 210-240. La théorie de M. Mowinckel a été exposée longuement et avec sympathie par M. Adolphe Lods, Les idées de M. Mowinckel, dans la Revue de l’histoire des religions, Paris. 1925, p. 15-34. Voir ici l’art. Messianisme, col. 14581463, 1537-1538.

M. Gottfried Quell se situe entre Duhm et Mowinckel par son étudesurleproblème cultuel des psaumes et la recherche de la place que tient la vie religieuse dans la poésie des psaumes, -Das kullische Problem der Psalmen. Versuch einer Deutung des religiôsen Erlebens in der Psalmendichtung Isræls, Berlin, 1926. Il se demande en quel sens et jusqu’à quel degré la « piété psalmistique » est dépendante de la vie cultuelle, et jusqu’à quel point elle apparaît, en regard de cette vie cultuelle, comme un phénomène spécial. A cette question il répond : Le culte est l’expression matérielle et l’organisation sociale de la vie de piété. Ce culte peut avoir une double direction : l’homme ou Dieu. Dans son aspect anthropocentrique — et c’est le principal — la piété est « sacramentelle » ; sous son aspect théocentrique la piété est « sacrificielle ». Cependant tous les psaumes ne sont pas cultuels. On peut établir dans le psautier trois groupes de psaumes assez distincts : 1. Le groupe cultuel, formé par les psaumes où domine le cercle de pensées cultuel ; 2. Le groupe à la fois cultuel et religieux, qui contient les psaumes, où la ligne <le pensées cultuelle est interrompue par la manifestation du sentiment religieux extracultuel ; 3. Le groupe religieux proprement dit, qui offre les psaumes dans lesquels domine une direction de pensée où le culte n’a aucune place.

A la fin de son étude, M. Quell a dressé la liste de tous les motifs cultuels qui lui ont servi à classer les psaumes. D’une part, il y a le cycle matériel (désigna tion de Dieu, lieu saint, endroits sacrés en dehors de Jérusalem, temps sacré, personnes sacrées, vêtements sacrés, objets sacrés, sacrifices et tout ce qui s’y rapporte, processions et fêtes publiques, préceptes sacrés, pureté et impureté, bénédictions et malédictions, manifestations de piété, manifestations de louanges). D’autre part, il y a le cycle social (communauté, communauté du passé, désignations collectives de cercles pieux, membres de la communauté du culte, tribus, instruction).

Il ne sera pas sans intérêt de donner ici la classification suggestive à laquelle aboutit M. Quell, même si sur tel ou tel point une revision s’impose ; on remarquera que l’auteur a cité aussi quelques autres passages de l’Ancien Testament, qui se rapprochent des psaumes, ou certains psaumes de Salomon = Ps. Sal

1. Le groupe cultuel comprend : a) Des hymnes : hymnes sur la nature (xxix, cxlviii) ; hymnes de procession (xxiv, xlvii, xlviii, lxviii, xcv, c) ; hymnes de fêtes (xxxiii, xlvi, lxxvi, lxxxi, xciii, xcvi-xcix, cxiii, exiv, cxvii, cxxxiv-cxxxvi, cxlvii, cxlix, et ; Jud., v ; Dan., iii, 52-90, d’aprèsles Septante ; Ps. Sal., xi). — b) Des prières : prières d’actions de grâces (lxv, lxvii) ; prières pour le roi (xx, xxi, lxxii) ; supplications ou lamentations publiques (xii, xliv, lx,

LXXIV, LXXIX, LXXX, LXXXIII, LXXXV, XC, Cil, 13-23

et 29, [cxv], cxxv, cxxvi ; Dan., iii, 26-45, d’après les Septante ; Eccli., xxxiii, 1-19 ; Ps. Sal., iv, vii, ix).

— c) Des chants : liturgies (n, xv, l, lxxxvii, cvti, cxxiv, cxxviii) ; chants royaux (xlv, ex, cxxxii ; Ps. Sal., xvii, xvin) ; méditations (xiv = liii, lviii.lxxxii, cxxix ; Ps. Sal., i) ; enseignement (i, lxxviii, cv, cxii, cxxxiii ; Ps. Sal., vi, x, xiv ; Bar., iii, 9-iv, 4).

2. Le groupe à la fois cultuel et religieux comprend : a) Des hymnes : hymnes sur la nature (vm, civ) ; hymnes généraux (lxxv, ciii, cxlv, cxlvi ; Ps. Sal., ni). — b) Des prières : méditations (xix, 8-15 ; lxxiii, cvi) ; liturgies (ix, x, xxxvi, cxviii ; Ps. Sal., n) ; lamentations publiques (lxxxix, xciv, cxxiii ; Ps. Sal., v, vin) ; chants d’actions de grâces publics (xviii ; Ex., xv, 1-18 ; Ps. Sal., xiii ; Judith, xvi, 2-17) ; lamentations individuelles (m-v, vii, xiii, xvi, xvii,

XXII, XXV-XXVIII, XXXI, XXXV, XLII, XLIII, Ll, LIV-LVII, LIX, LXI-LXIV, LXIX, LXXI, LXXVII, LXXXVI.

cix, cxxx, cxl-cxlii, cxliv, 1-11 ; Ps. SaL, xii ; Prière de Manassé =Ode 8 d’après le grec) ; chants d’actions de grâces individuels (xxx, xxxiv, lxvi, xcii, cxi, ex vi, cxxxviii ; Is., xxxviii, 10-20 ; Jonas, iii, 2-10 ; Eccli., li, 1-17 ; Ps. Sal., xv, xvi). — c) Des chants : méditations (xi, xxiii, lii, ci, cxxi, cxxxvii ; II Reg., xxiii, 1-7) ; chants de pèlerinage (lxxxiv, cxxii) ; enseignement (xxxii, xxxvii, xlix, cxix ; I Reg., ii, 1-10 ; Eccli., xlii, 15-xliii, 33).

3. Le groupe religieux proprement dit comprend : a) Une hymne (xix, 1-7). — b) Des lamentations individuelles (vi, xxxviii. xxxix, xli, lxxxviii, en A, cxx, cxliii) — c) Une méditation-prière contre les ennemis (cxxxix). — d) Une prière de confiance (c.xxxi). — e) Deux psaumes d’enseignement (xci, cxxvii).

Un problème qui se rattache indirectement au caractère cultuel du psautier est de savoir ce que désigne le je ou le moi des psaumes. Est-ce un individu qui parle ou est-ce la communauté qui prend ce ton personnel ? L’on avait d’abord penché pour l’interprétation collective de ces psaumes (Rcuss, Smend) ; mais depuis que Emil Balla, Dos Ich der Psalmen. Goettingue, 1912, a pris position pour l’interprétation individualiste des psaumes, la majorité des critiques s’est ralliée à celle opinion, tout en admettant que la communauté a pu modifier dans un sens collectif ce qui avait d’abord été conçu et écrit dans un sens individualiste.