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PRUDENCE. SUN ROLE DANS LE CHOIX

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xions, conseils et délibérations, et conclure : Voilà ce qu’il faut taire, i Quand ce jugement pratique sein

prononce par La raison, la volonté l’adoptera et ainsi consacrera le choix définitif de l’aclion.

Ici, comme dans la phase délibérative <lu conseil, il a une interférence de l’intelligence et de la volonté. L’intelligence précède la volonté, lui donne son objet, en prononçant son jugement. C’est pourquoi le choix de la volonté peut être dit » intelligent : il ne se donne qu’en connaissance de cause parce que l’esprit lui fournit les motifs de son option. I » -II », q. xiii, a. 1. Le jugement vient après les délibérations du conseil, pour fixer, en le sélectionnant, parmi ceux qui sont envisagés par le conseil, le moyen le plus adapté à la fin voulue, le meilleur par conséquent du côté de sen motif, mais aussi le plus opportunément réalisable. Le jugement résolutoire, comme tous les actes de la raison qui composent le discernement, est sous l’empire de la volonté d’une fin vertueuse. Or, vouloir une fin, c’est vouloir quelque chose de réalisable. Et l’on n’aboutit à une fin réalisable que par des moyens réalisables et, parmi ceux-ci, par celui qui est le plus réalisable. L’objet du jugement n’est donc pas une action hypothétique, mois une action qui doit être etïectuée sinon tout de suite, du moins à brève échéance : on juge et on décide de ce que l’on va faire. Ibid., a. 5, ad l" m.

Ici, devrait venir la question de savoir quelle certitude le jugement peut revêtir dans la détermination qu’il prend. Le conseil prudentiel a seulement sa raison d’être dans le cas d’une hésitation ou d’une perplexité de la conscience, en face de plusieurs et différents moyens possibles. Par le conseil et finalement par le jugement, la conscience est amenée à passer de l’incertitude à la certitude, du doute à une solution pratique. La certitude, ainsi acquise, est parfaite quand, par l’élimination successive des moyens envisagés, la délibération finale n’en retient plus qu’un, lui seul étant manifestement conforme aux exigences de la fin vertueuse et aux circonstances qui vont entourer l’action. Cependant, ces circonstances présentent parfois tant d’aléas et tant d’aspects changeants et insaisissables que la certitude de la convenance de l’action à la fin vertueuse ne dépasse point une plus grande probabilité, certitude imparfaite, mais néanmoins suffisante pour justifier raisonnablement l’action. Arrive-t-il que le conseil n’aboutisse point à éclairer la situation et que le jugement doive rester en suspens ? Oui, cela arrive. Si déjà nos « prudences sont incertaines », elles peuvent quelquefois être à court. La conscience, qui ne peut sortir d’un doute incoercible, doit s’abstenir d’agir. Mais, si elle est forcée d’agir et d’agir sans retard, que fera-t-elle ? C’est là un problème qui a suscité bien des polémiques entre moralistes et que nous ne pouvons résoudre ici. Voir : Probabilisme.

2. Le choix.

Le choix est, dans la volonté, l’acte qui répond au jugement. La raison a jugé du vrai moyen qui convient à la fin ; dès lors, la volonté l’adopte, le choisit. Ce mot de < choix » évoque l’idée d’une sélection : après avoir examiné les moyens les uns après les autres, on rejette ceux qui conviennent moins et sont moins immédiatement réalisables, pour se fixer sur celui qui est jugé le meilleur à ces deux points de vue. I a —II æ, q. xv, a. 3, ad 3um. Le choix volontaire, comme le consentement, est libre, et cette liberté du choix fait la responsabilité, la valeur morale et le mérite d’une action. Si, pour une cause quelconque, cette liberté du choix n’est pas absolue, par ignorance ou par trouble involontaire de la passion, la responsabilité, la valeur morale et le mérite de l’action en sont diminués d’autant.

Pourquoi le choix est-il libre ? Parce que ma raison

peut estimer bon non seulement de vouloir et d’agir, mais encore de ne pas vouloir ou de ne pas a^ir pour des mol ils vrais ou qui n’ont qu’une apparence de vrai. Aucun bien particulier qui s’offre à mon choix ne peut emporter, d’une façon nécessaire, l’assentiment de ma volonté, puisque ce bien n’est que particulier et que ma raison peut découvrir en lui un aspect qui me fasse préférer île n’en pas vouloir, .le ne suis pas libre de vouloir quoi que ce soit, autrement que sous la raison de bien. Je veux mon bien nécessairement, mais rien de ce que je puis vouloir sous cette raison universelle ne m’apparaît comme épuisant cette béatitude que je vise à travers tous les biens particuliers : je suis donc libre à l’égard de chacun de ceux-ci. Il n’y a qu’en face du bien parfait, possédé dans la vision béatifique, que je ne serai plus libre de ne pas l’aimer ; car je ne pourrai découvrir en lui aucun motif de me détourner de lui. Ici-bas, l’action jugée la plus raisonnable, la plus vertueuse, peut me paraître, à un autre point de vue, préjudiciable à mes intérêts d’utilité ou de jouissance ; à ce titre, je puis refuser de l’accomplir. M’apparaîtrait-elle comme la plus désirable en elle-même que je serais encore libre de la refuser, ne serait-ce que pour affirmer ma liberté sur ce point. Nous possédons le libre arbitre. I^-II 1’, q. xiii, a. 6.

Il faut bien comprendre que, dans notre conscience morale, il y a un parallélisme constant entre, d’une part, le raisonnement de la prudence qui conclut à la pratique vertueuse et, d’autre part, le battant en brèche, le raisonnement de la passion en faveur de nos instincts contraires à la vertu. Nous sommes stimulés par la vertu et en même temps poussés par nos instincts à ne pas faire ce que la raison morale réclame dans son jugement de conscience. En nous, à certaines heures, s’affrontent la chair et l’esprit, le « vieil homme » et l’ « homme nouveau », la grâce et nos instincts. Nous demeurons libres de choisir. Sans doute, choisir le mal est un aveuglement, mais c’est un aveuglement volontaire : à l’instant où nous choisissons le mal, nous voulons qu’il nous paraisse plus attirant. Nos vertus ont cette économie, dans notre vie morale, de faire triompher, à rencontre des impulsions passionnelles, notre choix pour le bien, pour la vertu, pour Dieu. C’est à la spontanéité et à la force intérieure de ce choix que se mesure l’intensité de notre vertu. A son tour, notre prudence garantira nos décisions morales en proportion de la solidité de nos résolutions et de nos volontés vertueuses.

Ce qui est requis pour la perfection du jugement.


Évidemment, c’est tout d’abord ce qui est déjà requis pour la perfection du conseil, puisque le jugement fait aboutir le conseil et termine l’enquête. Par conséquent, c’est au nom de l’expérience du passé, assurée par la mémoire et par la docilité aux enseignements des anciens et des sages ; c’est aussi par la sagacité de l’esprit et la justesse du raisonnement, que nous jugerons du meilleur moyen réalisable. Mais, en plus de ce qui est exigé pour le conseil, il faut, pour le jugement, une clairvoyance toute particulière de l’esprit ; car il faut sortir des alternatives, opérer un triage entre toutes les éventualités, pour arriver à une décision unique : il faut voir juste, clair, net. ce qu’exigent les circonstances et déterminer une fois pour toutes ce qu’il faut faire.

Aussi, ce jugement résolutoire exige-t-il un bon sens moral et une perspicacité toute spéciale de l’esprit. En effet, la perfection du conseil et la perfection du jugement ne dérivent pas de la même cause. Il y a des gens tpii. dans une enquête et un conseil, sont habiles à faire valoir toutes les alternatives, mais, en même temps, sont incapables de fixer leur opinion définitive et d’opter catégoriquement pour l’une des alternatives. Déjà, dans l’ordre spéculatif, nous voyons des esprits