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THÉOLOGIE, LE PROBLÈME

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et la providence <liin<- pour connaître l’existence et la

nature de celle-ci. Voir ci dessous, S VI, col. 1008. sq.

II. Les difficultés du problème i i les diffi

    1. RENTES DOCTRINES RELATIVES A LA PROVIDENCE##


RENTES DOCTRINES RELATIVES A LA PROVIDENCE. —

Ces difficultés, souvent formulées dans l’antiquité el reprises par plusieurs philosophes modernes, se peuenl ramener a celles que ment ionne saint’l bornas, I a, q. xxii, a.’l, au début.

S’il v avait une providence, el surtout une providence a laquelle U>ul serait soumis, il n’y aurait plus de hasard, il n’y aurait pas de mal, de si grandes souffrances el de si grandes injustices dans le monde, et même il n’y aurait plus de contingence ni de liberté, car tous les événements seraient très sagement et immuablement fixés d’avance de toute éternité. A ces difficultés s’ajoutent celles qui sont relatives à l’inégale répartition des biens et des maux en cette vie. Pourquoi le juste lui-même est-il parfois affligé ici-bas de tant de maux ? C’est la question agitée dans le livre de Job, comme le note saint Thomas, qui au début de son commentaire de ce livre énumère les principales opinions plus ou moins erronées sur la providence. Il les a classées In 1*^ Sent., dist. XXXIX, q. ii, a. 2, qu. 2 ; voir aussi Sum. theol., I », q. xxii, a. 3 ; q. ciii, a. 6, ad I ™ ; Conf. genl., t. III, c. lxxvi. Ce sont les suivantes, en partant des plus erronées.

Les matérialistes anciens, comme Démocrite et Épicure, ont évidemment nié l’existence de la providence, en déclarant que tout arrive par suite d’une nécessité matérielle et par le hasard, qui serait cause de l’ordre du monde. Cette conception a été reprise sous des formes variées par des évolutionnistes modernes, comme Darwin, Hæckel, Spencer, qui ont parlé d’adaptations heureuses toutes fortuites au milieu de beaucoup de combinaisons inutiles, et de la survivance des plus aptes.

D’autres philosophes, même parmi les plus anciens, ont admis une providence au moins générale pour expliquer ce qu’il y a d’admirable dans l’ordre du monde, dans le mouvement régulier des astres, dans l’organisme des animaux et des plantes. Cet ordre, ont-ils dit, ne se peut concevoir sans une Intelligence ordonnatrice. Anaxagore disait même que cette Intelligence doit être « séparée du monde, pour diriger et commander ». Et Aristote, dans sa Métaphysique, t. I, c. iii, loue grandement Anaxagore d’avoir parlé ainsi : « L’ordre des choses, dit-il, ne peut avoir pour cause un élément matériel ou le hasard ; aussi lorsqu’un homme (Anaxagore) vint dire que cette cause est une intelligence ordonnatrice de l’univers, il apparut comme quelqu’un qui a pleinement l’usage de la raison après les divagations de ses devanciers. » Cet éloge d’Anaxagore, écrit par Aristote. montre que celui-ci n’a pas. comme le disent plusieurs historiens, prétendu nier l’existence de toute providence, même de celle qui s’étend seulement aux lois générales de l’univers, aux genres et aux espèces. Averroès, Met., 1. XI. admit cette providence et prétendait la trouver dans les œuvres d’Aristote. Le Stagirite dit à la fin du 1. XII de la Métaphysique, c. x : « Les êtres ne veulent pas être mal gouvernés ; or, la multiplicité des gouvernants n’est pas bonne. Et donc un seul chef. » Mais Aristote, voyant, nous le dirons plus loin, les difficultés du problème, n’a parlé que très rarement de la providence et de façon fort obscure.

Sociale, d’après les Mémorables, I, iv ; IV, ni. el Platon, Rép., . VI, 508 ; l.VII, 517 ; l.X, 613 ; Tim&, c.xxix ; Lofs, t. X, 902 sq., étaient sur ce point plus explicites qu’Aristote ; ils parlent d’une providence qui ordonne même les particularités des choses ; mais il est difficile de dire ce qu’élail exactement pour eux le démiurge, quels sont ses rapports avec le Dieu suprême et avec les démons dont parlait quelquefois Sociale. Aussi,

comme le rapporte Grégoire de Nysse, De providentiel, I. VIII, c. xxxiii, et après lui saint Thomas, i a. q. xxii, a..’î, certains platoniciens admirent trois prooida La première était celle du Dieu suprême qui gouverne premièrement et principalement les êtres spirituels et, par

n’diconséquence, l’univers, quant aux génies, aux espèces et aux (auses universelles, aux grands agents généraux, comme par exemple le soleil. La coude providence était, pour eux, celle cjui ordonne les choses singulières contingentes et corruptibles ; ils l’attribuaient aux dieux intérieurs ou aux substances séparées, qui donnent aux corps célestes leur mouvement circulaire. La troisième providence était, pour eux. celle qui veille sur les choses humaines ; ils l’attribuaient aux démons, qui étaient pour eux des êtreï intermédiaires entre les dieux et nous, comme le rapporte saint Augustin, dans La cité de Dieu, t. IX, c. i et il. »

A ces opinions, il faut ajouter celle des stoïciens, qui admettaient une providence unique, mais dont les prédéterminations ne laissaient aucune place au librearbitre. Quant aux manichéens, ils prétendaient qu’il y a deux providences : celle du dieu bon dont dépendent tous les biens, et celle du mauvais principe, cause de tous les maux.

Parmi les philosophes juifs, Maimonide admit une providence générale unique, qui n’ordonnait pas absolument toutes choses jusque dans le détail, mais les genres, les espèces, les individus humains à raison de leur âme spirituelle, et leurs actes.

Au-dessus de toutes ces doctrines, il y a celle de la révélation, d’après laquelle la providence unique ordonne toutes choses jusqu’au moindre détail, dans l’ordre matériel et dans celui de l’esprit, dans l’ordre de la nature et dans celui de la grâce, de telle sorte qu’elle est cause de tout ce qu’il y a de réel et de bon en dehors de Dieu, sans supprimer la contingence et la liberté, et elle ne permet le mal qu’en vue d’un plus grand bien.

Par rapport au libre arbitre de l’homme, des philosophes, comme Cicéron. parmi les anciens, et les libertistes Lequier et Secret an, chez les modernes, ont prétendu que la providence ne saurait infailliblement prévoir nos actes libres sans que notre liberté soit détruite. En revanche, des hérétiques, comme les prédestinatiens et plus tard les protestants, ont soutenu que la providence, qui s’étend infailliblement à nos moindres actes, accorde ou n’accorde pas, depuis la chute de l’homme, une grâce infailliblement et de soi efficace qui est inconciliable, selon eux, avec la liberté. C’était renouveler d’un autre point de vue le déterminisme enseigné autrefois par les stoïciens.

La doctrine révélée s’élève comme un sommet au milieu et au-dessus de ces deux positions extrêmes : La providence s’étend infailliblement à tout, même à nos actes libres futurs, sans pour cela détruire leur liberté, ni être en aucune façon cause du mal moral.

Les principales difficultés métaphysiques du problème apparaissent mieux par l’opposition des doctrines que nous venons d’énumérer ; ce sont, semble-t-il, ces difficultés, entrevues par Aristote, qui l’ont porté à une si grande réserve au sujet de l’affirmation de l’existence de la providence. Bien qu’il ait admirablement montré ( Physique. 1. II) l’ordre et la finalité de la nature ; bien qu’il ait très exactement formulé (ibid.) le principe de finalité : i Tout agent agit pour une fin » ; bien qu’il ait fait un grand éloge d’Anaxagore qui expliquait l’ordre du monde par une Intelligence séparée, cause de cet ordre ; bien qu’il ait affirmé que Dieu est acte pur, éternel, immuable, suprême intelligence et souverain bien qui attire tout à soi, lorsqu’il s’agit de la providence, a part quelques paroles fort obscures, dont quelques-unes semblent à plusieurs contenir une ; négation, il garde le silence.