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    1. PROVIDENCE##


PROVIDENCE. S. AUGUSTIN, L’EXTENSION

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^D’ailleurs, dans De civ. Dei, V, XI, c’est aux trois personnes : Drus siiiimu s et vertu, ciun Ver bu et Spiritu sancto, quæ Iria iinum sunt , qu’Augustin attribue nettement toute l’activité divine relative à l’univers : créai ion et gouvernement.

b) Elle relève d’une activité différente de la vie intime de Dieu. — Celte activité créatrice et gubernalrice que Dieu exerce sur l’univers est distincte de la vie intime de Dieu ou des processions divines : ea (la nature humaine) quam creavil ex nihilo, non quam gentil Creator de semetipso, sicut gentil Verbum, per quam facta sunt omnia. Ibid., XIV, xi.

C’est la distinction que l’on énoncera plus tard par les termes : opérations ad intra et opérations ad extra. Et voilà qui met un abîme entre la providence d’Augustin et celle de Plotin.

3° Position d’Augustin par rapport à ses prédécesseurs et à ses successeurs. — 1. Par rapport aux anciens. — Si l’on excepte son attribution à la Trinité, cette notion de providence, envisagée comme principe directeur de l’action qui régit l’univers, restait donc, dans l’ensemble, assez voisine de la notion communément admise par les contemporains d’Augustin. Celuici en effet ne prétendait pas innover et il ne craignait pas d’utiliser dans la mesure du possible tout ce que lui apportait le mouvement des idées de son temps. Et il est intéressant de noter des similitudes d’expressions et même d’images entre Augustin et ceux qui l’ont précédé. C’est ainsi que la providence remplissant l’office de pilote fait penser à Plutarque, platonicien lui aussi : « Il est une opinion, dit-il, qui remonte à la plus haute antiquité : elle nous enseigne que l’univers ns flotte pas au hasard, sans être gouverné par une puissante intelligence… » De Is. et Osir., 45, éd. Didot, t. i, col. 451. Sans doule on ne peut songer à conclure, de cette similitude, à une influence de Plutarque sur Augustin. Cette image du pilote est assez naturelle et assez commune pour que quiconque réfléchissant sur l’ordre et la marche de l’univers puisse la trouver de soi. D’autant que, dans les deux cas, cette image paraît être commandée par des contextes différents : pour Augustin, c’est l’arche de Noé qui requiert le pilote ; pour Plutarque, c’est la cosmogonie des anciens se représentant la terre, l’univers, comme un disque flottant sur Océanos. Cf. Aristote, Metaph., i, iii, 983b-984a.

Avec Plotin, les similitudes sont encore plus frappantes, et la prépondérance que ce philosophe accorde, dans sa notion de providence, à l’idée d’ordonnance, de gouvernemsnt, d’administration, a peut-être attiré l’attention d’Augustin ; cf., par exemple, Ennéades, III, ii, 7, fin ; 8 ; 15, 17 ; III, iii, 2. Plotin lui-même avait été influencé par les stoïciens. Quoi qu’il en soit des influences que pourraient dénoter ces similitudes, il est intéressant de remarquer combien Augustin s’en est tenu à la notion de providence communément admise, sans se croire obligé de mettre l’accent sur les différences pourtant profondes qui séparent sa providence de celles des païens. C’est que les deux premiers thèmes du schéma de Chrysippe n’avaient plus la même vogue à l’époque d’Augustin.

2. Par rapport à la théologie postérieure.

S’il en est ainsi, il ne faudra pas demander à Augustin une notion de la providence finement élaborée, et dans laquslle on trouverait nettement séparées toutes les distinctions que la spéculation introduira par la suite.

On sait la définition précise que saint Thomas donnera de la providence : Rilio ordinaniorun in finem, proprie providenlia est. I », q. xxii, a. 1. Nous sommes ici dans un ordre purement intentionnel : necesse est quod ralio ordinis rerum in finem in mente divina prœexistat. Et la providence ainsi définie se distingue du gouvernement divin. La notion augustinienne, elle,

est beaucoup plus confuse, et se rapprocherait, si l’on veut, de la providence au sens large dont saint Thomas dit : ad providenlia curam duo pertinent : sciticet ralio ordinis quæ dicitur providenlia, et disposilio et execulio ordinis quæ dicitur gubernalio. Et le pilote de saint Augustin remplit en effet ces deux fonctions. Mais c’est le gouvernement, la réalisation du plan qui retient surtout l’attention de notre docteur.

Il ne serait donc pas légitime de conclure qu’Augustin a ignoré les éléments distingués par saint Thomas. H est vrai qu’il insiste sur l’aspect réalisation et gouvernement, mais cette ratio ordinandorum in finem, qui constitue la providence au sens strict de Thomas d’Aquin, fait penser qu’Augustin a déjà parlé lui aussi de la ralio gubernandæ universilalis qui inclut la fin vers laquelle tendent tous les êtres sous l’action de la providence. Cf. De civ. Dei, XII, v. Pour saint Thomas encore, la providence est éternelle, comme Dieu lui-même, tandis que le gouvernement ou réalisation du plan providentiel se déroule dans le temps. Cf. loc. cit. Augustin avait dit : In ipsius (Dei).eternitate alque in ipso ejus Verbo, eidem œlerno, jam prædeslinatione fixum erat, quod suo lempore fulurum erat. De civ. Dei. XII, xvi ; cf. XI, xxi ; XII, xiv et xvii. Avec le consilium sempilernum et cette una, eademque sempiterna et immulabilis voluntas de Dieu, Augustin n’a donc pas ignoré le plan divin, la ralio ordinis, mais il ne l’a pas séparé de sa réalisation : la distinction ne présentait pour lui aucun intérêt immédiat, et rien ne l’obligeait à préciser davantage, tandis que saint Thomas a poussé plus loin l’analyse de cet ensemble complexe qu’Augustin avait pris en bloc.

IV. L’universalité ou l’extension de la providence. — 1° Sa place de premier rang dans les préoccupations d’Augustin. — La notion augustinienne de providence est donc relativement peu originale. La véritable originalité du grand docteur est dans sa défense de l’universalité de la providence.

Sans doute il a bien connu les autres propriétés de la providence, spécialement son infaillibilité et son unité ; mais elles apparaissent chez lui comme subordonnées à l’universalité, et Augustin ne semble en avoir parlé que dans la mesure où elles intéressaient cette universalité. En effet, pas d’universalité sans infaillibilité et sans unité.

Cette importance qu’Augustin accorde à l’universalité de la providence lui était comme imposée par le milieu et les circonstances historiques. On sait que ce sont les difficultés soulevées par le problème du mal qui ont amené l’évêque d’Hippone à s’expliquer sur la providence. Or, ces objections allaient toutes, en fait, à limiter et à restreindre l’action de la providence.

Pour les païens : ou bien ils nient le Dieu des chrétiens et sa providence, et alors le gouvernement de l’univers se partage entre cette multitude de dieux qu’Augustin se plaît à mettre en opposition les uns avec les autres : et, dans ce cas, l’universalité de cette providence est ruinée par cette division et cette opposition ; ou bien, s’ils consentent à prendre en considération le Dieu de ceux qu’ils persécutent, c’est pour montrer la faiblesse de son bras et les limites de sa providence, puisqu’elle ne peut protéger ses propres fidèles des mains qui, en bonne justice, ne devraient frapper que leurs ennemis. Pour les manichéens : Dieu, le D’eu bon, n’a pu s’opposer à l’action du principe mauvais : l’universalité de sa providence n’est donc qu’un mot. Mais il y a plus : pour emprisonner celui qu’il ne peut supprimer, le Dieu bon s’est vu contraint de créer la matière et le monde sensible qu’il abandonne à l’action, à l’empire, à la providence du principe mauvais. Ici, ni unité ni universalité. Pour les juristes romains, cette providence, si elle est uns, ne s’étend pas jusqu’à la prescience des futurs libres. De cii>. Dei,