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PKo I DENCE. s. AUGUSTIN

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III. LA PROVIDENCE SELON SAINT AUGUSTIN.

Bien que tous les Pères latins aient parlé de la providence en commentant les textes de l’Écriture où il on est question, nous nous contenterons d’étudier cette doctrine chez saint Augustin, qui l’a beaucoup plus approfondie que ses prédécesseurs et l’a considéré non pas seulement du point de vue moral et pratique par manière d’exhortation, mais du point de vue spéculatif, en touchant à tous les grands problèmes connexes. Les limites de cet article ne nous permettront que de donner un aperçu sommaire des le saint Augustin sur ce grand sujet.


I. Préliminaires.
II. L’existence de la providence (col. 962).
III. La notion de providence (col. 962).
IV. L’universalité ou l’extension de la providence (col, 968).
V. La fin du gouvernement divin (col. 979).

I. Préliminaires : comment saint Augustin a-t-il été amené à exposer sa pensée sur la providence ?

Quand on essaie de préciser la pensée d’Augustin sur la providence, on est frappé de voir combien sa manière d’aborder la question est conforme à l’esprit du temps. Depuis Chrysippe de Tarse (IIIe siècle av. J.C.), le schéma traditionnel de tout ouvrage sur la providence comprenait trois traites : 1° Preuves de la providence ; 2° Mode d’action ; 3° Défense contre les adversaires. On s’en tint longtemps à ce schéma. on, dans son De natura deorum, exposait encore les preuves de la providence. Mais, peu à peu, on abandonne cet exposé et, au siècle suivant, Sénèque s’excuse de rompre avec la tradition en abandonnant la Ier et la IIe partie. Plotin, qui traite ex professo de la providence, ne s’arrête pas a la prouver : deux chapitres seulement pour le mode d’action sur les vingt-cinq chapitres des deux traites consacres à la providence. A son tour, Augustin suit cette voie, et c’est surtout une défense et une apologétique de la providence qu’il nous présente.

Les circonstances expliquent aisément cette attitude. D’une part, en effet, Augustin n’avait pas à introduire dans le mouvement des idées une notion inconnue. Et, bien au courant de la vie et des besoins de son temps, il savait que dans le monde antique la providence était objet de croyance de la part du peuple et objet de spéculation de la part des philosophes. Il savait au prix de quels efforts ces philosophes étaient arrivés a ces parcelles de vérité et déjà il avait fait remarquer, comme le fera Pascal, que « ce que les hommes, par leurs grandes lumières, avaient pu connaître, cette religion (chrétienne) l’enseignait à ses enfants. Pascal, Pensées, Brunschwicg, n. -141. Quidquid philosophi inler falsa quæ opinati sunt verum vidât poluerunt et laboriosii dispulationibus persuadere moliti sunt ; qund mundum istuni jeceril Deus, eumque ipse PROVidbntissimus administre ! … ista omnia, in itta ciritate, populo commendata sunt. De civ. Dei, XVIII, xii. Augustin n’hésitait donc pas à reconnaître tout ce que la philosophie et le paganisme contenaient de vérité : il n’hésitait pas à se rapprocher de ses adversaire, leur tendant ainsi, avec une condescendance toute faite de charité, la main qui les introduirait dans cette vérité qu’ils n’avaient fait qu’entrevoir.

La croyance a la providence était donc générale ; pourquoi Augustin n’a pas éprouvé le besoin d'écrire un traité pour prouver son existence. Il n’en a parlé en effet qu’en fonction du problème du mal. Ce problème se posait à son époque comme il se pose toujours, et comme toujours, pour bon nombre, il était objet de scandale, et aussi occasion de blasphème. La grande préoccupation d’Augustin a été de justifier la providence.

Telle a été l’occasion de La cité de Dieu, qui, par son but, son caractère et sa date, reste la source principale où l’on va puiser la doctrine augustinienne sur ce point

"La cité de Dieu, dit Portalié, explique l’action de Dieu dans le momde. » Art. AUGUSTIN, Col, 2291. On y retrouve eu effet les grands aspects du problème du mal qui ont préoccupé Augustin toute sa vie et d’où l’on tirait des objections contre la providence. Le mal physique d’abord, que les païens imputaient aux chrétiens et a leur Dieu : les afflictions des chrétiens aussi, qui faisaient redire au païens le Ubi est Deus eorum ? ; de l’Écriture ; puis c’était le péché de l’ange qu’il fallait expliquer aux gnostiques, plus ou moins entachés de manichéisme ; la prescience divine des futurs, scandale des Juristes romains qui y voyaient une violation des droits de la liberté humaine ; enfin le naturalisme des pélagiens, qui déniait à Dieu toute action sur la volonté créée, même dans l’ordre du mérite et de la justification. Tels étaient les adversaires qu’Augustin rencontrait sur sa route. C’est donc en les critiquant qu’il a été amené à exposer sa doctrine de la providence, par manière de défense et de réfutation, plutôt que par manière d’exposition.

On verra par les textes que nous allons citer que la providence, selon saint Augustin, présuppose en Dieu la sagesse, la prescience, la volonté de créer et d’ordonner toutes choses à la fin de l’univers ou à la manifestation de la bonté divine.

II. L’existence de la providence.

Augustin n’ignore pas pour autant les preuves traditionnelles de la providence, celles-là mêmes que Chrysippe demandait que l’on fit valoir, spécialement l’argument tiré de l’ordre et de la beauté du monde, et que les néo-platoniciens avaient emprunté aux stoïciens :

Et certe qui hoc aegant… vidèrent tantum ordinem, quibus in menibris carnis cujuslibct aninianlis apparent non dico inedicis, qui hoc propter artis sua> necessitatem diligenter patefacta et dinumerata rimati sunt, sed cuivis mediocris cordis et consklerationis boniini ; nonne clamaient ne puiicto quidein temporis Dcuni… ai) ejus (i. e.universitatis mundi) cessare ? (Juid er^o absurdius, quid insultius sentiri potest quain eam totani vactiam nutu et reginiine providentiæ cujus extrema et exigua videas tan la dispositione tormari, ut aliquando attentais cogitata Inefîabilem incutiant admirationis horrorem ? De Ocn. ad tilt.. Y, xxii, 43 ; cf. aussi De civ. Dei, XXII, xxiv.

Cet argument, qu’Augustin avait rencontré chez les néo-platoniciens, il le complète par des considérations tirées des merveilles dont l’univers a été le théâtre à la prédication de l’Évangile :

Si enini philosophi, pnecipueque platonici, rectius cæteris, sapuisse laudantur, sicut paulo ante coninienioravi, quod divinam providentiam hsec quoque rerum infirma atque terrena administrare docuerunt, numerosarum testimonio pulchritudinum, quæ non solum In corporibus animallirm, venus in berbis etiam tœnoque glgnuntur, quanto evidentius bæc attestantur divinitati quæ ad horam prædicationis ejus iiunt, ul>i ea rellgiocommendaturquæ omnibus cœlestibus, terrestribus, inférais sacrificari vetat, uni Deo tantum Jubens. De du. Dei, X, xvii.

Mais Augustin ne s’attarde pas davantage à prouver une providence, à laquelle tout le monde croit et dont la négation serait absurdité et folie (absurdius el insuit i us).

Augustin, qui n’a pas formulé une définition de la providence, la nomme cependant assez souvent (pas moins de trente-cinq fois dans La cité de Dieu) pour que, à partir delà, on puisse dégager les éléments de la définition et la formuler en ces termes : La providence est l’attribut divin par lequel la Trinité dirige l’action qu’elle exerce sur toute la création ri qui a pour terme la constitution définitive de la ciléde Dira. Où l’on voll que la notion de cette providence dit essentiellement une action gubernatrice de la Trinité, son extension, l’univers tout m lier, sa im. la < -on, i 1 1 ni ion de la cité de Dieu.

III. La notion de providence. —

Le principe qui dirige l’action de Dieu sur l’univers. —

1. Quand on