Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.1.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

PROVIDENCE. PÈRES GRECS, LES NTIOCHIENS

VI. Les seconds alexandrins.

1° A Alexandrie, le patriarche Théophile, l’adversaire déclaré de Chrysostome, se fait aussi connaître par sa fougue antiorigéniste. Parmi les erreurs dont t-ll<- fait griel à l’auteur du Periarchôn, sa lettre testale « le 102, traduite par saini Jérôme, en mentionne deux qui touchent à la doctrine de la providence : 1. Origène aurait refusé d’étendre l’action providentielle à toutes Les créatures, mais aurait circonscrit ses effets au domaine des sphères célestes. S. Hieronymi Epislolse, xcviii, ii, P. L., t. xxii, col. S’i’2 ; 2. Le docteur alexandrin aurait également enseigné que la puissance de Dieu est limitée, qu’elle ne peut s’étendre au delà des êtres qu’elle a, de [ait, créés, les seuls que sa providence se trouvait en mesure de gouverner. Ibid., 17, col. 805-800. On remarquera que les deux chefs d’accusation ne sont pas absolument cohérents : le second semble bien admettre ce qui est supposé nié dans le premier, à savoir que la providence divine dirige toute créature, lui fait, le premier grief est nettement exagéré ; il eut été plus juste de dire qu’Origène, comme l’avaient l’ait les apologistes du iie siècle, accorde un rôle très important aux intermédiaires angéliques dans le gouvernement divin. Le second reproche est mieux fondé ; il est d’ailleurs repris, appuyé par des citations du Periarchôn, dans la lettre de Justinien à Menas de Constantinoplc. P. G., t. lxxxvi a, col. 947 CD, 981 CD, 989 C. Sur ce point, la pensée d’Origène a évidemment besoin d’être interprétée avec une certaine indulgence. Il est facile d’ailleurs d’agir de la sorte, puisque ce docteur explique que la puissance divine est limitée, en ce sens qu’elle ne peut réaliser ni le mal, ni l’impossible, ni rien qui soit indigne d’elle ; ce qui, cette fois, est incontestablement orthodoxe. Coût. Gels., III, 80, P. G., t. xi, col. 1012 D-1013 A ; V, 23, col. 1216 D-1217 A.

2° Le neveu et successeur de Théophile, saint Cyrille d’Alexandrie, semblable en ceci à Grégoire de Nysse, n’emploie presque jamais le mot même de providence. Ainsi, les index (d’ailleurs incomplets sur ce point) de l’édition de J. Aubert ne mentionnent le terme que trois fois (P. G., t. lxxvi, col. 1476 B) et les références données renvoient, non pas au texte même de saint Cyrille mais à des auteurs qu’il cite.

Ce n’est pas que l’évêque d’Alexandrie méconnaisse le domaine souverain de Dieu sur sa créature ; il en parle au contraire avec beaucoup de force ; cf. par exemple In Amos (iv, 13), xi.ii, P. G., t. lxxi, col. 488489, et (v, 8-9), xlvi, col. 493-496 ; Cont. Julian., ii, P. G., t. lxxvi, col. 604-606. Mais les expressions dont il use sont celles de pouvoir, gouvernement, direction, gouvernail (7rr)8dcXt, ov, une image qu’il semble affectionner ) ; la 7rpôvoia n’est pas nommée, alors que, dans les mêmes conditions, elle reviendrait sans cesse sous la plume de Chrysostome.

De même, lorsque Cyrille énumère les attributs divins, il mentionne la lumière, la vie, la puissance, la vérité, la sagesse, la justice… Glaphyra in Genesim, v, adhuc de Jacob, 4, P. G, t. lxix, col. 277 B, mais ici encore la providence est passée sous silence. Cependant, si notre auteur ne fait guère usage du vocable, il se rapproche plus que d’autres de la conception, aujourd’hui classique, de providence. Il envisage en effet en Dieu, et cela de façon explicite, un ensemble préconçu et organisé de fins et de moyens, une série de desseins éternels qui se réaliseront dans le temps. Thésaurus, t. lxxv, col. 292 B-293 A ; Glaphijra in Genesim, i, de Adam, 5, t. lxix, col. 25-30. Il s’agit, dans ces passages, des décrets rédempteurs de Dieu relatifs à la mission du Verbe. Cette doctrine est appuyée de très près sur les expressions mêmes de saint Paul. Dans le dernier texte cité, Dieu est dit providere suis creaturis, upoev 67)ffe tûv ÎSUov XTicru.dcT(ov, ibid., col. 28 D, en ce sens qu’il décrète l’envoi du Christ en vue de la rémission

du péché. Il y a là. de façon occasionnelle, un emploi presque technique de la notion et du terme de providence.

VII. Les Antiochiens.

1µ° A l’encontre de saint Cyrille, Théodoret de Cyr, formé aux mêmes disciplines que Jean Chrysostome, emploie, de façon continuelle, le mut de providence et par deux fois, il consacre à la pronoia d’importants développements.

Dans le traité que les traductions latines intitulent Grsecarum affectionum curatio, le I. VI est consacré tout eni ier à la doctrine de la providence. P. G., t. i.xxxiii, col. 956 992. Le prologue de l’ouvrage expose de façon explicite le but que s’est proposé l’auteur : combattre L’impiété de Diagoras, le blasphème d’Épicure et l’opinion tronquée d’Aristote ; louer au contraire Platon et Plot in et tous ceux qui ont. avec eux, un juste sentiment de la providence : enfin, montrer, par des raisons physiques, comment la vérité est manifestée, sur ce point, par la création et toutes les choses que Dieu a faites. Ibid., col. 785 CD. La marche du développement est alourdie par une masse de citations d’auteurs profanes, ce qui d’ailleurs constitue peut-être la meilleure richesse de l’exposé.

Le même sujet est également traité par Théodoret, mais sans étalage d’érudition et d’un point de vue moins philosophique, dans une série de dix longs discours qui sont moins une œuvre oratoire que dix chapitres d’un traité composé et écrit à loisir. Les premiers discours démontrent l’existence de la providence à partir de ses effets naturels : les cieux et les astres, i, P. G., t. lxxxiii, col. 556-573 ; l’air, la terre et les eaux, ii, col. 576-588 ; le corps de l’homme et ses organes, avec un développement particulier sur la langue et les organes de la parole, iii, col. 588-605 ; enfin, la main humaine et les différentes activités techniques dont elle est capable, iv, col. 605-624. Les morceaux suivants envisagent les diverses hiérarchies qui sont le fait des hommes, mais dépendent aussi de la providence divine : le pouvoir exercé par l’homme sur les animaux, v, col. 624-644 ; l’inégalité dans la distribution des biens de la fortune, vi, col. 644-665 ; les relations sociales entre maîtres et serviteurs, vii, col. 665685. Le dessein général est ici une apologie de la providence qui établit ou permet de telles situations en vue du bien et de l’harmonie de la cité. D’ailleurs, sous le rapport des biens naturels que la providence départit directement à chacun : l’air, la lumière…, tous les hommes sont égaux et ils peuvent trouver dans la pauvreté et la servitude, qui leur paraissent un mal, l’occasion d’un progrès spirituel plus assuré. Le viir 5 discours s’engage plus nettement dans des considérations d’ordre moral ; il tient à montrer, grâce surtout à des exemples scripturaires, que les mauvais maîtres ne portent pas nécessairement préjudice à leurs serviteurs, ceux-ci acquièrent plus de mérites à pratiquer la vertu, vin. col. 865-716. F.nfin. quoi qu’il advienne ici-bas, la justice sera toujours récompensée par Dieu après cette vie ; l’âme est immortelle et capable de gloire éternelle, ix, col. 716-740 ; l’incarnation du Sauveur notre Dieu et toute l’économie chrétienne sont les plus magni Tiques témoignages des bienfaits de la providence divine, x, col. 740-773.

Cette simple énumération des sujets traités montre que Théodoret entend faire un exposé systématique des grands thèmes qu’avait développés la prédication de Jean Chrysostome, mais la manière sèche et didactique de I’évêque de Cyr ne possède ni le souffle ni la vie qui animent l’oeuvre de son devancier ; elle se recommande plutôt par un souci réel de précision et le fini de certains détails. L’Écriture est utilisée avec une sobriété un peu froide. On sent un exercice d’école, plutôt conventionnel, mais incontestablement brillant. Il est à noter que, pour Théodoret, comme pour Jean