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    1. PROTESTANTISME##


PROTESTANTISME. LE CALVINISME, ÉVOLUTION

platoniques contre l’antisémitisme hitlérien, inquiétudes sur i certains aspects de la réorganisation ecclésiastique par le régime hitlérien ; mais de directive assurée, aucune.

il nous reste à définir les principes « lu christianisme pratique. Deux oui une importance fondamentale ; l’un, d’ordre exégétique, qui réduil l’essentiel de l’Évangile à la notion, pour ainsi (lire matérielle du royaume de Dieu ; l’autre, d’ordre moral, qui fait dépendre la conception de la religion du droit reconnu à chaque tidèle « d’assurer son salut ». « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. » De cette parole du Christ, le protestantisme luthérien avait donné une exégèse particulière. Partant de son principe fondamental, le salut par la foi seule, il considère les œuvres comme intolérables lorsqu’elles prétendent être source et moyen de sainteté, et comme acceptables lorsqu’elles n’entendent que manifester et extérioriser la sainteté issue de la foi. En conséquence, l’Église ou royaume de Dieu comprend un domaine invisible, qui est le royaume de la foi (Église invisible, seule nécessaire), et un domaine où s’exercent les œuvres, dirigées par des organismes contingents qui sont des Églises visibles, à la rigueur non nécessaires au salut des fidèles. L’homme intérieur demeure étranger aux manifestations des œuvres et des Églises. La foi, voilà le royaume de Dieu ; tout le reste est indifférent. Or, ce reste est tout le domaine moral, civil, politique, économique, rituel. Aspects humains de la vie véritablement religieuse, ils n’intéressent pas Luther, qui les abandonne au monde, au pouvoir séculier. « Ainsi fut fondée la théorie qui légitima l’intervention constante de l’autorité publique dans la vie de l’Église, théorie qui a fait, au plus haut degré, des Églises d’Allemagne des Églises d’État. » Maurice Goguel, Lnlher, 192(5, p. 23. Et, comme Luther apercevait dans l’épître de saint Jacques sur la nécessité des œuvres la contradiction inconciliable, il décida que saint Jacques avait « déliré », que son épître était « de paille » et contraire « à Paul et à toute l’Écriture sainte ».

L’exégèse luthérienne ne semble pas avoir causé une inquiétude particulière à Calvin. Son ecclésiologie, quoique dépendant du principe du salut par la foi seule, fait une part considérable à l’organisation matérielle de la communauté et de l’État, qu’il s’efforce de convaincre qu’il a un rôle à jouer : celui de lieutenant de Dieu. De là son souci très profond des applications pratiques de l’Évangile dans le domaine moral et social. C’est ce que l’on a appelé « l’activisme calviniste ». Le royaume de Dieu se conquiert par la foi, mais s’organise par les œuvres.

Les chefs du moderne christianisme pratique ont changé tout cela. Pour eux, la vraie notion du royaume de Dieu, c’est précisément dans un texte de saint Jacques qu’on la découvre, où la religion est « celle qui protège les orphelins et préserve des souillures da inonde ». Jac, i, 27. Voilà l’essentiel ; tout le reste est secondaire. Mais quel est ce reste ? Rien de moins que les formules de la foi, les symboles, les dogmes, les sacrements, et, d’une valeur moindre, les questions liturgiques et l’organisation ecclésiastique. Voilà ce qui doit être subordonné à l’action, car le salut est attaché non pas aux croyances, mais aux œuvres. Les sentences du jugement dernier, Mat th., xxv, 31-46, ne suffisent-elles pas à l’établir ? Qu’importent donc les diversités de croyances sur la Trinité, la divinité du Christ, la rédemption, la grâce, les sacrements, voire sur l’immortalité de l’âme et la réalité de la vie future ! Le christianisme pratique déclare inutile le souci de réduire les dissidences sur ces principes, mais « nécessaire » l’effort « qui orientera les disciples du Sauveur vers un programme d’activité pratique, et cela sur le

terrain de la vie en laissant de côté les questions doctrinales, liturgiques, ecclésiastiques ». Message de Stockholm ù la clirétienté, § 2. Tout le protestantismi i trouve ainsi secoué sur ses bases. Il a’ait enseigné le salut par la foi sans les œuvres ; on proclame que le salut s’< père par les œuvres, sans la foi à des formules contingentes. Il avait dénoncé la corruption radicale de l’homme qui le rendait incapable de bien ; on proclame que l’homme a des sources profondes d’activité bienfaisante, qui peuvent transformer ce monde mauvais. Il enseignait que la religion est affaire de conscience individuelle ; on proclame qu’elle n’est rien si elle n’est sociale. Il enseignait que le règne de Dieu s’opère dans les âmes et ne concerne que l’âme : regnum Dei intra vos est ; on proclame que le règne de Dieu se confond avec la régénération d’un monde qui aspire à dénouer l’étreinte du malheur. Ce sont là des antinomies indéniables qui expliquent les conflits qui éclatent, de temps à autre, entre les disciples de la pensée de Luther et les nouveaux docteurs du christianisme pratique.

Ceux-ci font d’ailleurs grand état d’un second principe, auquel ils ont donné une allure tapageuse. « Tout homme, disent-ils, a droit au royaume de Dieu et, par conséquent, droit au salut. » Ils entendent par là que tout homme a droit aux conditions matérielles de l’existence qui lui permettront de développer en lui la vie chrétienne et de se sauver. On peut retrouver les origines de cette formule dans une conférence que le pasteur Gouth, d’Aubenas, donna en 1887 sur le rôle du pasteur dans les questions sociales. < Prêcher l’Évangile n’est rien d’autre que prêcher le royaume du Christ, et celui-ci est ici-bas… Nous devons revendiquer pour chacun le droit de faire son devoir, c’est-à-dire la possibilité matérielle de remplir tous ses devoirs, de développer son individualité, de penser à son âme dans les loisirs du dimanche et les heures de repos de la semaine, en un mot, de réaliser sa destinée temporelle, morale et spirituelle. » Eugène Bersiei frappa la formule d’après ces paroles de pitié humaine, et en 1902 le pasteur Gounelle faisait de la formule trouvée un principe essentiel du christianisme social. De là les multiples interventions des nouveaux docteurs dans tous les domaines de l’activité humaine : vie familiale, vie professionnelle, vie politique, vie internationale, problèmes des races, de la guerre et de la paix, du droit pénal, et, ces derniers jours encore, interventions à l’occasion des tendances racistes, xénophobes et singulièrement antisémites du protestantisme allemand. La formule paraissant heureuse, éclatante et féconde en applications, le christianisme pratique en a fait un considérable usage. En 1925, l’assemblée de Stockholm y vit une sorte de mot de ralliement, et son message officiel lancé à la chrétienté proclamait : « Le premier droit de l’âme est le droit au salut. » M. W. Monod justifiait bientôt ce principe dans une éloquente mais trop personnelle ppraphrase du royaume de Dieu. Cependant, dès 1909, M. Ménégoz opposait à tous ces exégètes nouveaux une raison de bon sens : « Où M. Gounelle, disait-il, a-t-il trouvé dans l’enseignement de Jésus la moindre trace d’une idée pareille ? » Publications diverses sur le //déisme, t. ii, Paris, 1909, p. 62. Au vrai. cet enseignement est tout plein de préoccupations différentes : la confiance au Père interdit une excessive sollicitude à l’égard des nécessités de la vie. Luther avait fermé les yeux aux sages tempéraments de l’Évangile et n’avait retenu que la confiance. Les docteurs du christianisme social restent sceptiques sur la Providence et ne retiennent que la sollicitude humaine, les uns et les autres se heurtent sur une exégèse incomplète, mais que les uns et les autres déclarent seule conforme à la pensée du Christ. De là les conflits qui, surtout au concile de